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[ 26 janvier 2012 ] Imprimer

Procédure et contentieux administratifs

Qu’un sang impur abreuve nos sillons !

Mots-clefs : Éducation, Programme, Hymne national, Constitutionnalité, Conventionnalité, Circulaire de rentrée, Constitution, Convention européenne, Convention internationale

L’apprentissage de l’hymne national et de son histoire au programme d’éducation civique de l’enseignement primaire n’est contraire ni à la Constitution ni aux textes internationaux.

L’association DIH-Mouvement de Protestation civique a formé un recours pour excès de pouvoir afin de demander au Conseil d’État d’annuler un passage de la circulaire relative à la préparation de la rentrée scolaire 2011. Le passage est le suivant : « L'étude de la Marseillaise est obligatoire à l'école primaire ; l'hymne national est appris et chanté par les enfants dans l'école et, chaque fois que possible, lors de manifestations commémoratives. Cet apprentissage est réalisé en CM1. ». Cette obligation est issue de la loi du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école qui a modifié l’article L. 321-3 du Code l’éducation, ainsi : la formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires « offre un enseignement d'éducation civique qui comporte obligatoirement l'apprentissage de l'hymne national et de son histoire ».

Le 23 décembre 2011, le Conseil d’État a écarté le moyen tiré de ce que l’article L. 321-3 du Code de l’éducation porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et celui selon lequel cet article serait également contraire à certains textes internationaux.

■ La question prioritaire de constitutionnalité

Les requérants avaient soulevé devant le Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité estimant que l’article L. 321-3 du Code de l’éducation méconnaissait les droits et libertés garantis par la Constitution. La Marseillaise étant constitutionnellement reconnue comme hymne national (Const. 58, art. 2), les juges du Palais Royal estiment qu’il ne peut être soutenu sérieusement que l’apprentissage de ce chant et de son histoire méconnaîtrait la Constitution en raison de paroles qui seraient contraires à l’article 10 de la Déclaration de 1789 et de l’article 1er de la Constitution.

■ Le contrôle de conventionnalité

Les requérants soutenaient que sont contraires à certaines conventions européennes et internationales (PIDCP, art. 20, §2 ; PIDESC, art. 13, §1 ; Conv. EDH, art. 9) « le fait de faire chanter la Marseillaise aux enfants des écoles élémentaires, en particulier les phrases Qu'un sang impur abreuve nos sillons. et Quoi, ces cohortes étrangères feraient la loi dans nos foyers ! ».

Le Conseil d’État estime que le législateur n’a pas méconnu les dispositions de ces conventions. En effet, ce chant de doit pas être détaché du contexte historique dans lequel il a été écrit : les paroles tout autant que l’histoire de la Marseillaise doivent être connues par les enfants. Les juges du Palais Royal estiment également que cet hymne national constitue un symbole des valeurs de la République.

CE 23 déc. 2011, Association DIH-Mouvement de Protestation civique, n° 350541

 

Références

■ Les symboles de la République v. Le saviez-vous ?

■ Conventionnalité (Contrôle de)

[Droit général]

« Au cours d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, contrôle exercé par celle-ci sur un texte législatif invoqué par une partie, en vue de s’assurer qu’il ne méconnaît pas une convention internationale ou un texte international de force juridique équivalente, comme un texte de droit dérivé européen. Dans ce cas, le texte national est écarté par le juge. Il n’est possible pour le justiciable d’invoquer le moyen que si la norme internationale est d’effet direct. »

■ Recours

[Droit administratif]

(…)

2° Recours pour excès de pouvoir : recours juridictionnel dirigé, en vue de les faire annuler pour cause d’illégalité, contre des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public. On distingue traditionnellement 4 “ cas d’ouverture ” de ce recours : l’incompétence de l’auteur de l’acte, le vice de forme affectant des formalités substantielles, le détournement de pouvoir, la “ violation de la loi ” comprise comme une illégalité relative aux motifs ou à l’objet même de l’acte. (…) »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

■ Article L. 321-3 du Code de l’éducation, modifié par la loi n°2005-380 du 23 avril 2005 - art. 25 JORF 24 avril 2005

« La formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires suit un programme unique réparti sur les cycles mentionnés à l'article L. 321-1 ; la période initiale peut être organisée sur une durée variable.

Cette formation assure l'acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale ou écrite, lecture, calcul ; elle suscite le développement de l'intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. Elle offre un premier apprentissage d'une langue vivante étrangère et une initiation aux arts plastiques et musicaux. Elle assure conjointement avec la famille l'éducation morale et offre un enseignement d'éducation civique qui comporte obligatoirement l'apprentissage de l'hymne national et de son histoire. »

■ Constitution du 4 octobre 1958

Article 1er

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.

Article 2

« La langue de la République est le français.

L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.

L'hymne national est la Marseillaise.

La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité".

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

■ Article 10 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789

« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi. »

■ Article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme - Liberté de pensée, de conscience et de religion

« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

■ Article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966

« 1. Toute propagande en faveur de la guerre est interdite par la loi.

2. Tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi. »

■ Article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966

« 1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l'éducation. Ils conviennent que l'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix. 

2. Les États parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit: 

a) L'enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous; 

b) L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité; 

c) L'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité; 

d) L'éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme; 

e) Il faut poursuivre activement le développement d'un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant. 

3. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l'État en matière d'éducation, et de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions. 

4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d'enseignement, sous réserve que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l'éducation donnée dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l'État. »

 

Auteur :C. G.


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