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[ 12 avril 2019 ] Imprimer

Droit des successions et des libéralités

Rejet du rapport pour autrui : les dons et legs faits aux petits enfants ne sont pas rapportables à la succession

Au visa de l’article 847 du Code civil, les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l’époque de l’ouverture de la succession sont faits avec dispense de rapport et le père venant à la succession du donateur n’est pas tenu de les rapporter.

Deux époux, ayant laissé pour leur succéder leurs trois enfants, ont gratifié de leur vivant leurs descendants. Ainsi, deux de leurs enfants ont respectivement reçu la somme de 58 000 euros. Par don manuel, les deux petits-enfants de la troisième souche ont reçu chacun la moitié de cette somme ; soit 29 000 euros. 

Les deux enfants donataires ont saisi les juridictions afin que les dons réalisés au profit des descendants donataires (leurs neveux) soient rapportés à la succession des époux donateurs (leurs parents) par le père venant à la succession (leur frère).

La cour d’appel accueille favorablement leur demande en se fondant sur l’apparente volonté des de cujus de gratifier équitablement leurs descendants ; peu important que l’un d’entre eux ait préféré remettre la donation à ses propres enfants. 

La Cour de cassation casse l’arrêt au visa de l’article 847 du Code civil, dans un attendu reprenant le contenu du texte ; lequel dispose que : « Les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l'époque de l'ouverture de la succession sont toujours réputés faits avec dispense du rapport. 

Le père venant à la succession du donateur n’est pas tenu de les rapporter. »

Ainsi, la Cour se borne à affirmer les principes de dispense de rapport (C. civ., art. 847, al. 1er) et de rejet du rapport pour autrui (al. 2) lorsque les dons et legs sont faits au fils de celui qui se trouve successible à l’époque de l’ouverture de la succession ; solution qu’elle avait déjà adoptée dans un cas d’espèce similaire rendue par la première chambre civile le 10 octobre 1995 (Civ. 1re , 10 oct. 1995, no 93-17.610).

En ce qu’ils ne sont pas des héritiers successibles à la date de la donation, les petits-enfants des donateurs ne répondent pas à la condition posée par l’article 843, alinéa 1er, du Code civil et ne sont, à ce titre, pas tenus au rapport. 

Les articles 848 et 849 du même code reprennent cette solution pour les libéralités faites au père du fils venant de son chef à la succession du donateur ainsi que pour celles faites au conjoint d’un époux successible.

Néanmoins, l’article 848 in fine du Code civil prévoit que le fils venant en représentation devra rapporter à la succession ce qui avait été donné à son père. La cour d’appel semble, dans un souci d’équité, adopter la solution préconisée par l’article susvisé. Or la Cour de cassation censure ce raisonnement puisqu’en l’espèce les petits-enfants ne viennent pas en représentation de leur père mais sont réputés avoir été gratifiés directement par leurs grands-parents.

Du reste, l’arrêt ne fait état d’aucune clause expresse prévue par les donateurs ; laquelle permettrait le rapport des dons litigieux conformément à l’article 846 du Code civil. 

Civ. 1re , 6 mars 2019, no 18-13.236

Référence

■ Civ. 1re, 10 oct. 1995, no 93-17.610 P: RTD civ. 1996. 448, obs. J. Patarin

 

Auteur :Marie-Astrid Petit


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