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[ 11 octobre 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Résiliation sans effet rétroactif et sans dommages-intérêts

Mots-clefs : Résolution judiciaire, Résiliation, Conditions, Inexécution, Obligations contractuelles, Effets, Rétroactivité (non), Indemnisation (non)

Le contrat de construction de maison individuelle n'étant pas un instantané, sa résolution pour inexécution n’a pas d’effet rétroactif et en l’absence de preuve d’un dommage pour celui qui la subit, est prononcé sans dommages-intérêts.

Un couple avait conclu un contrat de construction de maison individuelle avec une société. Après l’exécution d'une partie des travaux, celle-ci les avait assignés en résiliation du contrat et en paiement de diverses sommes. En appel, les juges rejetèrent la demande de la société en paiement de la somme initialement prévue au contrat, correspondant à la partie des travaux demeurant inexécutée. La société forma un pourvoi en cassation, rejeté par la troisième chambre civile, relevant que la cour d’appel ayant retenu que toutes les prestations exécutées et payées par le couple devaient leur restaient acquises et que, si la société demanderesse était fondée à conserver les sommes réglées, elle ne pouvait prétendre au paiement du solde du prix du contrat initialement fixé, correspondant aux prestations non exécutées, d’autant plus qu'elle ne présentait pas cette prétention comme une demande indemnitaire dès lors qu'elle ne justifiait pas d’un préjudice susceptible de résulter de la résolution du contrat, en sorte que la cour d'appel avait pu, sans dénaturation des conclusions d'appel ni déni de justice, rejeter sa demande en paiement. 

Dans les contrats à exécution successive (J. Ghestin, L'effet rétroactif de la résolution des contrats à exécution successive, Mél. Raynaud ; Dalloz 1985, p. 203. – J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Traité de droit civil – Les effets du contrat ; LGDJ, 3e éd. 2001, n° 543 à 563. – Y.-M. Serinet, L'effet rétroactif de la résolution pour inexécution en droit français, in M. Fontaine et G. Viney, Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles – Études de droit comparé : Bruylant et LGDJ 2001, p. 654), également qualifiés de contrats à prestations successives (Civ., 2 mars 1938), ou de contrats à exécution échelonnée (Civ. 1re , 3 nov. 1983, n° 82-14.003), les prestations réciproques, s'échelonnant dans le temps, ont pu être partiellement exécutées au jour où la résolution est prononcée. Or, pour ce type de contrats, il n’est d’une part pas concrètement possible d'effacer les prestations partiellement effectuées et de procéder à des restitutions en nature, autres que de sommes d'argent. De surcroît, une partie de la doctrine considère que dans un tel cas, la résolution s’apparente davantage à une résiliation, laquelle ne produit d'effets que pour l'avenir, ceux passés devant demeurer acquis (G. Marty et P. Raynaud, Droit civil, Les obligations ; Sirey, 2e éd. 1987, t. 1, n° 332. – G. Farjat, Droit privé de l'économie, t. II : théorie des obligations : PUF 1975, p. 359). D'autres auteurs soutiennent au contraire la rétroactivité propre à la résolution, la résolution du contrat pour inexécution ayant par principe pour effet l’anéantissement rétroactif du contrat (J. Ghestin, art. préc. – F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, n° 655 – M.-L. Cros, Les contrats à exécution échelonnée ; D. 1989. p. 49), c’est-à-dire que le contrat disparaît de l’ordonnancement juridique non seulement pour l’avenir, mais encore que ses effets passés sont effacés, si bien que la résolution du contrat est suivie de restitutions (V. par ex. Civ. 1re, 23 sept. 2015, n° 14-18.131 : Elle « remet les choses au même état que si l’obligation n’avait pas existé (C. civ. art. 1183 anc.). Elle n’a donc pas un effet suspensif du contrat, et y met fin, de manière rétroactive, comme s’il n’avait jamais existé). 

En l’espèce, la troisième chambre civile privilégie, sans surprise (V. déjà : Civ. 3e, 13 nov. 2014, n° 13-18.937), la première analyse : un contrat de construction de maison individuelle n'étant pas un contrat instantané, sa résolution, justifiée par l’imperfection de son exécution, n’a cependant pas à entraîner son anéantissement rétroactif en sorte que les prestations autrefois exécutées, et payées, n’ont pas à être remises en cause. La Cour relève de surcroît l’absence de prétention indemnitaire ; certes, des dommages-intérêts peuvent être alloués à l'un ou l'autre des cocontractants en conséquence du prononcé de la résolution ; ainsi, en cas d'inexécution partielle, les tribunaux apprécient-ils souverainement si l’inexécution du contrat revêt suffisamment d'importance pour être réparée par une condamnation à des dommages-intérêts (Com. 19 mars 2002, n° 98-22.445 ; Civ. 1re, 15 juill. 1999, n° 97-16.001 ; Com., 5 févr. 1991, n° 88-14.112 : (...) Mais attendu qu'après avoir constaté que les manquements de la société Motorola à ses obligations contractuelles consistaient uniquement en une insuffisance d'information de l'acheteur lors de la présentation du devis initial et en un défaut de diligence pour respecter les délais d'exécution, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en décidant que de tels manquements ne justifiaient pas la résolution du contrat mais pouvaient être réparés par des dommages-intérêts alloués à l'acheteur). 

Proche de la réfaction, la condamnation du débiteur à des dommages-intérêts intervient en faveur du créancier : en effet, cette sanction revient pratiquement à réduire la contre-prestation due par ce dernier. Cette indemnisation a pour fondement la responsabilité contractuelle du débiteur qui n'a pas exécuté ses engagements : aussi faudra-t-il déterminer l'importance du préjudice subi par le créancier pour fixer le montant de cette indemnisation. Cependant, lorsque le demandeur ne prouve pas qu'il a subi un préjudice conséquent à la résolution, le juge se refuse à prononcer des dommages-intérêts (Com. 6 déc. 2005, n° 02-12.202 ; Com. 19 janv. 1965, n° 64-92.419).

Civ. 3e, 15 sept. 2016, n° 15-17.860

Références

■ Civ., 2 mars 1938, DH 1938, p. 178.

■ Civ. 1re , 3 nov. 1983, n° 82-14.003 P.

■ Civ. 1re, 23 sept. 2015, n° 14-18.131 P, D. 2015. 1953 ; AJ fam. 2015. 618, obs. C. Vernières ; RTD civ. 2016. 174, obs. B. Vareille.

■ Civ. 3e, 13 nov. 2014, n° 13-18.937 P, D. 2014. 2343, RDI 2015. 129, obs. D. Tomasin.

■ Com. 19 mars 2002, n° 98-22.445.

■ Civ. 1re, 15 juill. 1999, n° 97-16.001, D. 1999. 11, obs. B. P.

■ Com. 5 févr. 1991, n° 88-14.112.

■ Com. 6 déc. 2005, n° 02-12.202.

■ Com. 19 janv. 1965, n° 64-92.419 P.

 

Auteur :M. H.


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