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Droit des obligations
Sauts à l’élastique : une obligation de sécurité de résultat pèse sur son organisateur
Mots-clefs : Contrat d'entreprise, Obligation de sécurité, Organisateur sportif, Saut à l’élastique, Sport dangereux, Obligation de résultat, Dommage, Lien de causalité, Anc. art. 1147 C. civ., art. 1231-1 C. civ.
L’organisateur de sauts à l’élastique est tenu d’une obligation contractuelle de sécurité de résultat, ses participants n’ayant aucun rôle actif à jouer pour se prémunir du danger inhérent à cette activité.
Soutenant avoir été blessée lors d'un saut à l'élastique, une victime avait assigné la société organisatrice en réparation de ses préjudices. La cour d’appel fit droit à ses demandes, au motif que la société avait manqué à son obligation de sécurité, laquelle est de résultat dans la mesure où la société avait la maîtrise du lieu et du matériel utilisé pour pratiquer cette activité, dangereuse, et que la victime n'avait pu jouer aucun rôle actif durant le saut, qu'elle ne disposait d'aucun moyen de se prémunir elle-même du danger qu'elle encourait en sautant et devait s'en remettre exclusivement à l'organisateur pour assurer sa sécurité. Ce dernier forma un pourvoi en cassation pour contester cette qualification, l'obligation de sécurité pesant sur l'organisateur de sauts à l'élastique devant, selon elle, être vue comme une simple obligation de moyens dès lors que le client joue un rôle actif en prenant seul l'initiative de sauter et en ayant une liberté de mouvement (qu'il doit exercer conformément aux instructions reçues) lors du saut, que le seul fait pour l'organisateur d'avoir la maîtrise du lieu du saut et du matériel utilisé ne supprime en rien. Elle soutenait en outre l’absence d’incidence du caractère dangereux de l'activité, qui n'a pour effet que de renforcer cette obligation de moyens et non de la convertir en obligation de résultat. Elle arguait enfin qu'à supposer même que l'organisateur de sauts à l'élastique soit tenu d'une obligation de sécurité de résultat, l’engagement de sa responsabilité est soumis à la condition que la victime prouve, outre son dommage, un lien de causalité direct entre le préjudice subi et la saut, en l’espèce démenti par le fait que les douleurs de la victime ne sont apparues que le jour suivant le saut, et que le témoignage produit deux mois après les faits par une amie de la victime, absente lors du saut litigieux, ne permettait pas de l’établir . Le pourvoi est rejeté par la Cour, confirmant la qualification d’obligation de sécurité de résultat retenue par les juges du fond et approuvant ces derniers d’avoir déduit des éléments de preuve soumis à leur examen que la victime avait ressenti, dès le saut effectué, une douleur à l'épaule dont elle s'était immédiatement plainte et dont elle avait fait part au moniteur se trouvant à l'arrivée, et qui était liée à la blessure médicalement constatée le lendemain, et ainsi caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre le dommage invoqué et le saut.
La jurisprudence a greffé à la plupart des contrats d’entreprise, dès lors que la prestation à accomplir ne porte pas sur une chose à effectuer, une obligation de sécurité. Celle-ci pèse, notamment, sur les organisateurs d’activités sportives. Parfois qualifiée de résultat (V. par ex., pour le tenancier d'un manège forain, Civ. 1re, 13 nov. 1974, n° 71-14.235 ; pour l’exploitant d’un toboggan aquatique, Civ. 1re, 3 févr. 2011, n° 09-72.325), l’obligation accessoire de sécurité n’est, en principe, qu’une obligation de moyens : le participant doit alors rapporter la preuve du manquement par l’organisateur à son obligation de sécurité et que ce manquement relève d’une faute de l’organisateur (par ex., pour les organisateurs d’une colonie de vacances, Civ. 1re, 10 févr. 1998, n° 96-14.623. Civ. 1re, 1er déc. 1999, n° 97-21.690 ; pour l'organisateur d'un stage de karting. Civ. 1re, 30 nov. 2016, n° 15-20.984, pour l’organisateur d’entraînements de danse folklorique). Cette qualification s’explique par le fait que la pratique d’un sport implique généralement un rôle actif du pratiquant et que la plupart des activités sportives contiennent une part d’aléa échappant au pouvoir de l’organisateur.
Elle est pourtant ici écartée par la Cour, qui juge en effet l’organisateur de sauts à l’élastique tenu d’une obligation de sécurité de résultat dans la mesure où le participant ne peut par son comportement contribuer à sa sécurité, la seule initiative qu'il peut avoir résidant dans la décision de sauter ou non et dans la force de l'impulsion donnée, qu'il ne dispose d'aucun moyen de se prémunir lui-même du danger qu'il court en sautant. Cette qualification paraît en l’espèce justifiée au regard d’un des deux critères classiques de distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, celui du rôle actif ou passif du créancier. En effet, il résultait des éléments versés en la cause que la victime n’avait aucun moyen de protéger sa sécurité, le saut à l’élastique, parce qu’il ne suppose la manœuvre d’aucun engin ou instrument pour être pratiqué, excluant tout pouvoir de commande de celui qui s’y adonne. En revanche, celui de l'existence ou de l'absence d'aléa, aurait dû exclure la qualification d'obligation de résultat, le résultat escompté, sauter sans accident, ne pouvant certainement pas être considéré comme dépourvu d'aléa. En ce sens, il eût été plus logique que la Cour mît à la charge de l’organisateur une obligation de moyens renforcée. En effet, il est assez naturel de considérer que l'obligation de sécurité pesant sur l’organisateur d’un sport dangereux soit appréciée avec plus de rigueur que pour celui qui a la charge d’assurer la sécurité des participants à un sport moins risqué (Civ. 1re, 16 oct. 2001, n° 99-18.221) . Cependant, cela ne devrait pas conduire à faire peser sur lui une obligation de résultat : au contraire, plus les risques sont élevés et plus la qualification d'obligation de moyens est justifiée, car l'aléa est alors, d'autant plus présent (V. L. Leveneur, CCC, n° 2, févr. 2002, comm. 21 ss. Civ. 1re, 16 oct. 2001, n° 99-18.221). Quoiqu’il en soit, l’engagement de la responsabilité de l’organisateur est, en revanche, sous l’angle de la qualification retenue, parfaitement logique : outre le fait qu’il résultait de la concordance temporelle entre les blessures et le saut, d'une part, et du témoignage versé aux débats, d'autre part, que le dommage avait bien trouvé sa cause dans le saut réalisé, l’établissement du lien de causalité suffisait à rendre la société responsable du fait dommageable, la victime n’ayant pas la charge d’établir, dans le cas d’une obligation de résultat, un manquement contractuel du débiteur, lequel s’induit du seul fait que le résultat escompté n’a pas été atteint.
Civ. 1re , 30 nov. 2016, n° 15-25.249
Références
■ Civ. 1re, 13 nov. 1974, n° 71-14.235 P.
■ Civ. 1re, 3 févr. 2011, n° 09-72.325 P, D. 2012. 704, obs. Centre de droit et d'économie du sport.
■ Civ. 1re, 10 févr. 1998, n° 96-14.623 P.
■ Civ. 1re, 1er déc. 1999, n° 97-21.690 P, D. 2000. 287, note J. Mouly.
■ Civ. 1re, 30 nov. 2016, n° 15-20.984 P, D. 2016. 2518.
■ Civ. 1re, 16 oct. 2001, n° 99-18.221 P, D. 2002. 2711, obs. A. Lacabarats ; RTD civ. 2002. 107, obs. P. Jourdain.
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