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[ 20 janvier 2014 ] Imprimer

Procédure pénale

Sonorisation de la cellule de garde à vue durant son temps de repos : violation du principe de loyauté de la preuve

Mots-clefs : Sonorisation, Garde à vue, Loyauté de la preuve

Porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique. Participe d’un tel stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement des suspects dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux, amenant l’un des mis en cause à s'incriminer lui-même au cours de sa garde à vue.

Dans le cadre d'une information ouverte à la suite d'un vol à main armée, un juge d'instruction a, par ordonnance prise sur le fondement des articles 706-92 à 706-102 du Code de procédure pénale, autorisé la mise en place d'un dispositif de sonorisation dans deux cellules contiguës de garde à vue d'un commissariat de police dans lesquelles deux suspects, identifiés comme ayant pu participer aux faits objet de la poursuite, avaient été placés. 

Au cours de leurs périodes de repos, les propos par lesquels l’un d’eux s'auto-incriminait ont été enregistrés. Ce dernier, mis en examen et placé en détention provisoire, a déposé sans succès une requête en annulation de pièces de la procédure fondée sur la violation du droit de se taire, du droit au respect de la vie privée et de la déloyauté dans la recherche de la preuve.

Selon la chambre de l’instruction, « le mode de recueil de la preuve associant la garde à vue et la sonorisation des cellules de la garde à vue ne doit pas être considéré comme déloyal ou susceptible de porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que les règles relatives à la garde à vue et les droits inhérents à cette mesure ont été respectés et que la sonorisation a été menée conformément aux restrictions et aux règles procédurales protectrices des droits fondamentaux posées expressément par la commission rogatoire du juge d'instruction et qu'il peut être discuté tout au long de la procédure ».

Un tel raisonnement est, fort opportunément, censuré afin de protéger le droit au repos du gardé à vue, le droit de garder le silence et le droit de ne pas s’auto-incriminer.

Au triple visa de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire du Code de procédure pénale, et du principe de loyauté des preuves, la chambre criminelle affirme aux termes d’un attendu de principe que « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique ».

Selon la Haute juridiction, « la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement [des suspects] dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participait d'un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a amené un des mis en cause à s'incriminer lui-même au cours de sa garde à vue ».

Crim. 7 janv. 2014, n°13-85.246

Références

 Article préliminaire du Code de procédure pénale

« I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. 

Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement. 

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles. 

II.-L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. 

III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. 

Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur. 

Si la personne suspectée ou poursuivie ne comprend pas la langue française, elle a droit, dans une langue qu'elle comprend et jusqu'au terme de la procédure, à l'assistance d'un interprète, y compris pour les entretiens avec son avocat ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience, et, sauf renonciation expresse et éclairée de sa part, à la traduction des pièces essentielles à l'exercice de sa défense et à la garantie du caractère équitable du procès qui doivent, à ce titre, lui être remises ou notifiées en application du présent code. 

Les mesures de contraintes dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. 

Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable. 

Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. 

En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »

■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme - Droit à un procès équitable

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 

3. Tout accusé a droit notamment à : 

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; 

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ; 

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; 

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

 

Auteur :C. L.


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