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[ 7 avril 2017 ] Imprimer

Droit pénal général

Stupéfiants : qui use ne détient pas forcément !

Mots-clefs : Stupéfiant, Usage illicite, Détention, Consommation personnelle, Cannabis

La qualification d’usage illicite de produits stupéfiants exclut celle de détention de tels produits si les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu.

Interpellé pour des faits de mise en danger de la vie d’autrui à l’occasion de la conduite d’un véhicule, un conducteur avait été trouvé en possession de trois grammes de cannabis. Il avait déclaré aux policiers consommer environ trois grammes de ce produit depuis une quinzaine d’années. Le tribunal correctionnel l’avait condamné pour mise en danger de la vie d’autrui et détention de stupéfiants (à un an d’emprisonnement, assorti d’une suspension de son permis de conduire pendant un an), puis la cour d’appel avait confirmé cette condamnation.  

Saisie du pourvoi formé par le prévenu, la chambre criminelle casse et annule l’arrêt d’appel, reprochant à cette dernière de ne pas avoir caractérisé des faits de détention indépendants de la consommation personnelle de l’intéressé. Au visa notamment des articles L. 3421-1 du Code de la santé publique et 222-37 du Code pénal, la Haute Cour rappelle en attendu que « les dispositions spéciales du premier de ces textes, incriminant l’usage illicite de stupéfiants, excluent l’application du second, incriminant la détention de tels produits, si les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation personnelle du prévenu ». 

Cette solution confirme la jurisprudence de la Cour de cassation qui réserve l’application du délit de l’article 222-37 du Code pénal aux seules hypothèses dans lesquelles la détention s’inscrit dans le cadre d’un trafic, comme le laisse supposer la place de cet article au sein du code pénal, dans une section précisément consacrée au trafic de stupéfiants. Ce texte réprime une forme de participation directe à un tel trafic, en incriminant le transport, la détention, l’offre, la cession et l’acquisition ainsi que l’emploi de produits stupéfiants, en d’autres termes la distribution de ces produits (par opposition à l’importation et à l’exportation visées à l’article 222-36 et à la vente au détail incriminée à l’article 222-39). La détention visée correspond au stockage de produits stupéfiants, et il s’agit en réalité d’atteindre les transporteurs, grossistes et semi-grossistes et aux transformateurs qui offrent au trafic ses infrastructures locales et lui permettent de se développer (E. Dreyer, Droit pénal spécial, ellipses, 2008, n° 237). Elle pourra par exemple être prouvée par des témoignages confortés par la découverte, au domicile de l’intéressé, de grosses quantités de stupéfiants ainsi que de l’argent liquide (V. Crim. 29 févr. 2000, n° 98-80.518 : pour 57 kg de cannabis et 618 000 francs découverts au domicile du prévenu, lequel possédait par ailleurs plusieurs comptes en banque dont les avoirs totalisaient près de 9 millions de francs).    

Dès lors, pour pouvoir retenir cette qualification, il faut pouvoir établir que le produit était destiné à autrui et pas uniquement à son détenteur. C’est le sens de la décision rendue en l’espèce (énonçant que « la détention illicite de stupéfiants ne peut être réprimée que si elle s’inscrit dans un trafic ou dans le cadre de l’article 222-39 du code pénal », V. déjà Crim. 21 oct. 2015, n° 14-82.832). 

Faute d’avoir rapporté la preuve d’une détention indépendante de la consommation du prévenu, les juges du fond, qui avaient opté pour l’infraction la plus sévèrement réprimée (10 ans d’emprisonnement et 7 500 000 euros d’amende - !-, contre 1 an d’emprisonnement et 3 750 euros pour le seul usage) mais aussi la plus souvent poursuivie (démontrant que « de facto, l’incrimination [d’usage de stupéfiants] est tombée en désuétude », et qu’« il s’agit moins de sanctionner les toxicomanes que de lutter contre ceux qui profitent de leur faiblesse », V. E. Dreyer, op. cit., n° 229), sont logiquement sanctionnés. 

Crim. 14 mars 2017, n° 16-81.805

Références

■ Crim. 29 févr. 2000, n° 98-80.518 P, D. 2000. 107 ; RSC 2001. 167, obs. J.-P. Delmas Saint-Hilaire.

■ Crim. 21 oct. 2015, n° 14-82.832 P, Dalloz actualité, 3 nov. 2015, obs. D. Goetz, D. 2015. 2251 ; RSC 2016. 349, obs. P. Mistretta.

 

Auteur :S. L.


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