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[ 3 juin 2016 ] Imprimer

Contrats spéciaux

Vice caché : la mauvaise foi du vendeur prive d’efficacité la clause excluant sa garantie

Mots-clefs : Civil, Vente, Garantie des vices cachés, Vendeur profane, Mauvaise foi, Preuve

Le vendeur qui, par la réalisation antérieure à la vente de certains travaux, avait nécessairement connaissance du vice caché de la chose vendue, ne peut bénéficier de la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés.

Deux particuliers avaient vendu à un couple deux lots de copropriété constitués d'un appartement et de combles aménagés. Soutenant que le plancher des combles présentait une fragilité, les acquéreurs avaient assigné les vendeurs en paiement de dommages-intérêts.

La cour d’appel jugea leur demande bien fondée et condamna en conséquence les vendeurs à payer aux acquéreurs une certaine somme à titre de dommages-intérêts, dont une part à verser au titre du trouble de jouissance. L’un des vendeurs forma un pourvoi en cassation pour contester le fait, que les juges du fond auraient à tort tenu pour acquis, qu’il avait nécessairement eu connaissance du vice à l’occasion de la réalisation de certains travaux, ce dont la preuve n’avait pas été rapportée, d’autant que les juges avaient eux-mêmes constaté que celui-ci les avait effectués en qualité de « particulier non professionnel ». Son pourvoi est rejeté au motif que les juges du fond ayant relevé que l’annexe à l’acte de vente, décrivant les « travaux d'aménagement intérieur effectués en tant que particulier non professionnel » ainsi que les photographies du plancher versées aux débats démontraient que celui-ci reposait sur une structure sans rapport avec celle escomptée d’un plancher censé supporter une charge d'habitation ; ce vice, affectant gravement l'usage de la pièce et la rendant même dangereuse, dont le vendeur, ayant réalisé lui-même les travaux d'aménagement, avait nécessairement connaissance, ne serait-ce qu'à l'occasion du percement du plafond et de l'ouverture d’une trémie, devait en conséquence être tenu à l’indemnisation de l’acheteur sans pouvoir bénéficier de la clause d'exclusion de garantie des vices cachés stipulée au contrat. 

Aux termes de l’article 1645 du Code civil, le vendeur de mauvaise foi est tenu à la réparation intégrale du dommage subi par l'acquéreur (V. Civ. 3e, 8 oct. 1997, n° 95-19.808). Est considéré comme étant de mauvaise foi le vendeur qui connaissait le vice de la chose au moment de la conclusion du contrat (C. civ., art. 1645. Civ. 3e, 28 mars 2007, n° 06-12.299), la mauvaise foi privant d’efficacité la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés stipulée au contrat (Civ. 3e, 19 nov. 2008, n° 07-17.880, cassation d'un arrêt ayant appliqué une clause d'exclusion de garantie en retenant la bonne foi des vendeurs, profanes en la matière, alors que ceux-ci avaient procédé à des réparations importantes de solives attaquées par des insectes xylophages – Dans le même sens, V. Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690). 

Le problème qui se posait dans la décision rapportée et qui, d’ailleurs, est depuis longtemps soulevé, consistait à savoir comment établir la mauvaise foi d’un vendeur profane. En effet, lorsque le vendeur a la qualité de professionnel, l’établissement de celle-ci est simple pour l’acquéreur puisqu’il bénéficie de la présomption selon laquelle tout vendeur professionnel est présumé de mauvaise foi. Soutenue par une doctrine favorable à la protection maximale de l'acquéreur (V. par ex., L. Josserand, note au DP 1926, 1, p. 9, in fine, citant Pothier. – J. Savatier, note JCP 1963, II, 13159), la jurisprudence a définitivement adopté cette solution par un arrêt en date du 24 novembre 1954, déclarant tenu à la réparation intégrale du dommage subi par l’acheteur « le vendeur qui connaissait les vices de la chose, auquel il convient d'assimiler celui qui, par sa profession, ne pouvait les ignorer » (Civ. 1re, 24 nov. 1954, n° 54-07171 ; Rappr. Cass. req., 10 mai 1909, DP 1912, 1, p. 16, l'arrêt se fondant sur la faute du professionnel et non sur sa mauvaise foi, les juges considérant que même s'il ignorait le vice, le vendeur était tout de même en faute dès lors que par sa profession, il était tenu de le connaître, et devait alors indemniser l'acquéreur). La jurisprudence assimilant le professionnel à un vendeur de mauvaise foi est absolument constante (V. Civ. 1re, 19 janv. 1965, n° 61-10.952), la solution se trouvant régulièrement rappelée par la Cour de cassation (V. Com., 12 mars 1979, n° 77-13.018; Civ. 1re, 30 sept. 2008, n° 07-16.876, à propos de la vente d'un véhicule équipé d'un système de carburation GPL inadapté). 

Reste néanmoins à savoir comment prouver la mauvaise foi du vendeur profane, ce qui était l’hypothèse de l’espèce. La preuve est, en principe, à la charge de l'acheteur, qui peut la rapporter par tous moyens. Mais la réticence dolosive du vendeur qui cache un défaut de la chose nécessairement connu de lui lors de la vente suffit à l'établir (V. Civ. 1re, 16 juin 1966, vente d'immeuble en construction, terrain enclavé, vice caché, précarité du permis de construire connue du vendeur par suite d'une mise en demeure d'arrêter les travaux). C’est ce raisonnement qui est ici appliqué par les juges, déduisant de la réalisation de certains travaux par le vendeur sa connaissance nécessaire du vice, privant ainsi d’efficacité la clause excluant sa garantie.

Civ. 3e, 4 mai 2016, n° 15-12.429

Références

■ Civ. 3e, 8 oct. 1997, n° 95-19.808 P.

■ Civ. 3e, 28 mars 2007, n° 06-12.299 P, D. 2007. 1139 ; RDI 2007. 330, obs. F. G. Trébulle.

■ Civ. 3e, 19 nov. 2008, n° 07-17.880 P, D. 2008. 3085 ; ibid. 2009. 2448, obs. F. G. Trébulle ; RTD civ. 2009. 115, obs. B. Fages.

■ Civ. 3e, 8 avr. 2009, n° 07-19.690, D. 2009. 1356, obs. G. Forest.

■ Civ. 1re, 24 nov. 1954, n° 54-07171 P.

■ Cass. req., 10 mai 1909, DP 1912, 1, p. 16.

■ Civ. 1re, 19 janv. 1965, n° 61-10.952 P, D. 1965. 389.

■ Com., 12 mars 1979, n° 77-13.018 P.

■ Civ. 1re, 30 sept. 2008, n° 07-16.876 P, D. 2008. 2503 ; RTD com. 2009. 201, obs. B. Bouloc.

■ Civ. 1re, 16 juin 1966.

 

Auteur :M. H.


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