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[ 12 octobre 2015 ] Imprimer

Droit des obligations

Vice de consentement : preuve de manœuvres dolosives

Mots-clefs : Vente, Dol, Manœuvres dolosives, perfection de la vente, Preuve

Le dol n’est pas caractérisé quand tous les cocontractants pouvaient obtenir les informations en cause.

Une maison d’habitation, implantée sur une parcelle boisée, fait l’objet d’une promesse de vente, passée le 8 octobre 2012 sous seing privé. Le vendeur refuse de réitérer la vente, devant notaire, en invoquant l’existence de manœuvres dolosives de la part du couple acquéreur. Les acquéreurs agissent donc en perfection de la vente. Cette demande est favorablement accueillie.

Le vendeur se pourvoit en cassation aux motifs que la vente ne peut être conclue car viciée par les manœuvres dolosives des acquéreurs, ce qu’a rejeté la Cour d’appel qui retient que la vente est parfaite et donc conclue.

Dans quelles conditions le silence gardé sur les renseignements concernant le bien peut-il être qualifié de dolosif ? Comment ces manœuvres dolosives doivent-elles être prouvées ?

La Cour de cassation rejette le pourvoi, constatant que la Cour d’appel avait relevé par motifs propres et adoptés que les acquéreurs ne disposaient pas d’information que le vendeur n’était pas en mesure d’obtenir. Le dol n’est pas, dans ces conditions, caractérisé. Elle ajoute que la demande de permis ne peut être considérée comme apportant la preuve de manœuvres dolosives.

La vente est parfaite dès l’échange de consentement, lorsque les parties se sont entendues sur la chose vendue et le prix (C. civ., art. 1583). De plus, la promesse synallagmatique vaut vente lorsqu’il y a accord sur le prix et la chose (C. civ., art. 1589). 

Dès lors, l’action en perfection vise à faire constater l’existence du contrat de vente et le faire exécuter. Afin de contester la validité de la vente, le vendeur invoque le dol qui vicie le consentement et est sanctionné par la nullité du contrat (C. civ., art. 1109 et 1116). 

Les manœuvres peuvent comporter un aspect positif, consistant en des actes matériels, mais aussi négatif, consistant dans le maintien au silence d’informations capitales (réticence dolosive). 

Le dol ne se présume pas, il revient alors, en vertu de l’article 1315 du Code civil, à celui qui invoque le dol de le prouver. 

Pour que le dol soit constitué, les manœuvres réalisées doivent émaner du cocontractant, avoir une intention dolosive et vicier le consentement. Ainsi, sans les manœuvres, la partie subissant le dol n’aurait pas contracté.

En l’espèce, le vendeur invoque de la part des acquéreurs une réticence dolosive. Pour cela, il considère que l’un des acquéreurs, étant architecte, avait travaillé sur la propriété et avait pu de ce fait avoir des informations importantes quant au terrain et aux travaux réalisables. Il ajoute qu’une enquête avait été réalisée, avant la vente, par la municipalité en vue de modifier la constructibilité du terrain dans le plan local d’urbanisme ; cette enquête était à la connaissance des acquéreurs qui n’ont pas prévenu le vendeur. Afin de prouver les manœuvres dolosives, le vendeur avance que les acquéreurs avaient déposé une demande de permis de construire sans demander son autorisation.

Cependant, la Cour d’appel a estimé que l’enquête avait effectivement été réalisée avant, mais le plan local d’urbanisme n’était pas adopté, ainsi l’information n’était pas certaine. Elle était, par ailleurs, accessible au vendeur. 

De plus, le dépôt de permis de construire ne prouve pas l’existence de manœuvres visant à vicier le consentement du vendeur. Le permis de construire démontre, en effet, que la constructibilité éventuelle était connue de l’acquéreur. Cette constructibilité aurait pu être connue du vendeur s’il s’était renseigné. Ainsi, il n’est pas démontré que les acquéreurs avaient volontairement l’intention de tromper le vendeur. 

Pour finir, il n’est pas certain qu’avec cette information la vente ne se serait pas conclue. En effet, le vendeur aurait surement toujours vendu mais à un prix plus élevé, puisque la modification de constructibilité du terrain peut révéler essentiellement une plus-value de celui-ci. 

La Cour de cassation avait pu estimer que l’acquéreur n’avait aucune obligation d’information quant à la valeur de photographies, objet du contrat de vente (Civ. 1re, 3 mai 2000, n ° 98-11.381). Toutefois, elle caractérisait toujours de réticence dolosive le déclenchement de la révision du plan d’occupation des sols, de nature à conférer une plus-value au bien immobilier vendu (Civ. 3e, 15 nov. 2000, n° 99-11.203) ; pour enfin estimer que la valeur réelle d’un bien immobilier non révélée par le vendeur professionnel n’était pas dolosif (Civ. 3e, 17 janv. 2007, n° 06-10.442).

La solution de l’arrêt du 16 septembre 2015 s’inscrit donc dans la tendance à écarter le dol en matière de fixation de prix, rappelant également les règles en matière de preuve de ce dernier. 

Civ. 3e, 16 sept. 2015, n° 14-11.912.

Références 

■ Code civil

Article 1109 

« Il n’y a point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol ».

Article 1116

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».

Il ne se présume point et doit être prouvé ».

Article 1315

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Article 1583 

« Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ». 

Article 1589, al. 1

« La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».

■ Civ. 1re, 3 mai 2000, n ° 98-11.381Bull. civ. I, n° 131; D. 2002. 928obs. O. Tournafond ; RTD civ. 2000. 566, obs. J. Mestre et B. Fages.

■ Civ. 3e, 15 nov. 2000, n° 99-11.203Bull. civ. III, n° 171; RTD civ. 2001. 355, obs. J. Mestre et B. Fages.

■ Civ. 3e, 17 janv. 2007, n° 06-10.442, Bull. civ. III, n° 5; D. 2007. 1051, note D. Mazeaud ; ibid. 1054, note P. Stoffel-Munck ; ibid. 2966, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 416, obs. S. Bigot de la Touanne ; RTD civ. 2007. 335, obs. J. Mestre et B. Fages.

 

Auteur :A. M.


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