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[ 6 janvier 2010 ] Imprimer

Droit pénal général

Violences sur mineurs : application de la prescription de droit commun

Mots-clefs : Prescription (point de départ, report, non), Loi pénale dans le temps (loi de prescription, application immédiate), Mineurs victimes

La règle selon laquelle le délai de prescription des délits commis sur des mineurs ne commence à courir qu'à partir de la majorité de la victime ne s'applique pas aux violences délictuelles de l'article 222-13 du Code pénal.

Par un arrêt du 25 novembre 2009, la chambre criminelle rappelle le champ d'application strictement limité de la possibilité de déroger au droit commun en matière de prescription de l'action publique, s'agissant de certaines infractions commises contre les mineurs (sur ce thème, v. « Point sur la prescription des infractions », Dalloz Actualité Étudiant 8 octobre 2009). En l'espèce, un père avait été condamné à trois ans d'emprisonnement pour agression sexuelle sur conjoint, violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, et violences n'ayant entraîné aucune ITT sur ses deux enfants, mineurs de quinze ans (art. 222-13 C. pén.).

C'est un problème d'application de la loi pénale dans le temps qui était soulevé. Plus précisément, se posait la question de savoir si, pour ces dernières violences commises entre 1996 et 2002, le report du point de départ du délai de prescription à la majorité des victimes devait s'appliquer, conformément à l'article 8 du Code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 17 juin 1998 (le texte, à l'époque, incluait les victimes notamment visées aux articles 222-11 à 222-15 du Code pénal). Les juges du fond avaient conclu par la positive et permis la condamnation du prévenu pour ces faits, révélés lors d'une enquête effectuée à partir du 28 février 2005. Dans son pourvoi, ce dernier soutenait que la loi nouvelle (loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », qui a modifié la rédaction de l'art. 8 C. pr. pén.) aurait du s'appliquer aux faits, en vertu de l'article 112-2, 4° du Code pénal (application immédiate de la loi nouvelle de prescription, sauf lorsque la prescription dont le délai est modifié est déjà acquise).

L'argument est accueilli et la cassation prononcée au visa de l'article 8 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° du 9 mars 2004. La chambre criminelle rappelle que « selon l'alinéa premier de ce texte, en matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois ans révolus » et précise qu'« il se déduit de l'alinéa 2 du même texte que la règle selon laquelle le délai de prescription des délits commis sur des mineurs ne commence à courir qu'à partir de la majorité de la victime ne s'applique qu'aux infractions mentionnées à l'article 706-47 du Code de procédure pénale et à celles définies par les articles 222-12, 222-30, 227-26 du Code de procédure pénale, à l'exclusion de celles prévues à l'article 222-13 ». Elle relève qu'à la date du 28 février 2005, aucune acte interruptif de prescription n'avait été commis et en déduit que l'action publique était prescrite pour les violences commises sur les deux enfants, y compris celles commises sur la fille du prévenu de 1998 au 27 février 2002, soit trois ans moins un jour avant le début de l'enquête !

Depuis la loi Perben II (qui a porté le délai de prescription des délits cités à dix ou vingt ans), complétée par la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006, sont donc désormais uniquement visées par l'article 8 du Code de procédure pénale — et concernées par le report du point de départ de la prescription — les infractions de l'article 706-47 du Code de procédure pénale (meurtre ou assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie et infractions d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur ou de recours à la prostitution d'un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-31, 225-7, 1°, 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 et 227-22 à 227-27 du Code pénal) et celles des articles 222-12 (violences sur mineur de quinze ans ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours), 222-30 et 227-26 du Code pénal (agression ou atteintes sexuelles commises sur mineur de quinze ans avec circonstance aggravante).

Crim. 25 nov. 2009

Références

■ Code de procédure pénale

Article 8 (Loi n° du 9 mars 2004)
« En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent.
Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime. »

Article 706-47
« Les dispositions du présent titre sont applicables aux procédures concernant les infractions de meurtre ou d'assassinat d'un mineur précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie ou pour les infractions d'agression ou d'atteintes sexuelles ou de proxénétisme à l'égard d'un mineur, ou de recours à la prostitution d'un mineur prévues par les articles 222-23 à 222-31, 225-7 (1°), 225-7-1, 225-12-1, 225-12-2 et 227-22 à 227-27 du code pénal.
Ces dispositions sont également applicables aux procédures concernant les crimes de meurtre ou assassinat commis avec tortures ou actes de barbarie, les crimes de tortures ou d'actes de barbarie et les meurtres ou assassinats commis en état de récidive légale. »

■ Code pénal

Article 112-2
« Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :
1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance ;
2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;
3° Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines ; toutefois, ces lois, lorsqu'elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;
4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique et à la prescription des peines. »

Article 222-13
« Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises :
1° Sur un mineur de quinze ans ;
2 ° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur.
3° Sur un ascendant légitime ou naturel ou sur les père ou mère adoptifs ;
4° Sur un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, un gardien assermenté d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation, dans l'exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
4° bis Sur le conjoint, les ascendants et les descendants en ligne directe des personnes mentionnées au 4° ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, en raison des fonctions exercées par ces personnes ;
4° ter Sur un agent d'un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne chargée d'une mission de service public ainsi que sur un professionnel de santé, dans l'exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur ;
5° Sur un témoin, une victime ou une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;
5° bis A raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ;
5° ter A raison de l'orientation sexuelle de la victime ;
6° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
7° Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
8° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
9° Avec préméditation ou avec guet-apens ;
10° Avec usage ou menace d'une arme ;
11° Dans les établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;
12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur.
13° Dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;
14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants.
Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75000 euros d'amende lorsque l'infraction définie au premier alinéa est commise sur un mineur de quinze ans par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur le mineur. Les peines sont également portées à cinq ans d'emprisonnement et 75000 euros d'amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, est commise dans deux des circonstances prévues aux 1° et suivants du présent article. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100000 euros d'amende lorsqu'elle est commise dans trois de ces circonstances. »

 

Auteur :S. L.


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