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[ 14 avril 2011 ] Imprimer

Procédure pénale

Arrêts d’assises : constitutionnalité de la motivation « à la française »

Mots-clefs : Cour d’assises, Arrêts, Motivation, Question prioritaire de constitutionnalité, Égalité devant la justice, Droits de la défense, Arbitraire (garanties contre)

Par une décision QPC du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel estime que les articles 349, 350, 353 et 359 du Code de procédure pénale relatifs au prononcé des condamnations en matière criminelle sont conformes à la Constitution.

Quelques mois seulement après l’arrêt Taxquet de grande chambre et quelques mois avant l’entrée annoncée du jury populaire dans les tribunaux correctionnels (v. l’interview de D. Coujard, Dalloz Actu Étudiants), les Sages de la rue Montpensier, finalement saisis de deux questions prioritaires de constitutionnalité, transmises le 29 janvier par la chambre criminelle (Crim. 19 janv. 2011), se prononcent en faveur de la conformité des droits et libertés garantis par la Constitution des quatre articles du Code de procédure pénale régissant le prononcé des verdicts de condamnation. Ils rejettent ainsi les trois griefs qui étaient présentés, fondés sur le principe d'égalité devant la justice, le respect des droits de la défense et l'obligation de motiver les décisions de condamnation.

Sur le premier point, le Conseil rappelle, en se référant à l’article 34 de la Constitution, qu’eu égard à la situation particulière d’un accusé déféré devant la cour d’assises, « le législateur a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, édicter pour le prononcé des arrêts de la cour d'assises des règles différentes de celles qui s'appliquent devant les autres juridictions pénales » (consid. 9).

Sur le second point, il se contente de deux propositions générales :

— les droits de la défense sont assurés tout au long de la procédure grâce aux dispositions spécifiques à la cour d’assises prévues par le code ;

— les dispositions en cause, qui ne concernent que le délibéré de cette juridiction, ne portent aucune atteinte aux droits garantis par l’article 16 de la DDHC de 1789 (consid. 10).

La réponse apportée par le Conseil sur le troisième point est davantage détaillée. Celui-ci précise d’abord que l'obligation de motiver les jugements et arrêts de condamnation constitue une garantie légale découlant de l'exigence constitutionnelle suivant laquelle le législateur doit fixer, en matière pénale, des règles de nature à exclure l’arbitraire, à quelque stade que ce soit de la procédure. Il énonce alors que « si la Constitution ne confère pas à cette obligation un caractère général et absolu, l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu'à la condition que soient instituées des garanties propres à exclure l'arbitraire » (consid. 11).

Le Conseil s’emploie ensuite à rechercher l’ensemble de ces garanties, qu’il détaille :

— principes d'oralité et de continuité des débats, dont il découle que magistrats et jurés délibèrent juste après la clôture des débats, sur la seule base des éléments produits et discutés contradictoirement à l’audience ;

— présence de l'accusé et bénéfice de l'assistance d'un défenseur ;

— interdiction de consultation du dossier en cours de délibéré hors la présence du ministère public et des avocats des parties.

Pour le Conseil, « il résulte des garanties relatives aux débats et aux modalités de délibération sur l'action publique que le grief tiré de ce que les dispositions critiquées laisseraient à cette juridiction un pouvoir arbitraire pour décider de la culpabilité d'un accusé doit être écarté » (consid. 17).

La question de la conformité aux droits et libertés de la motivation des verdicts d’assises est réapparue récemment grâce à (ou à cause de) l’arrêt rendu par la Cour de Strasbourg dans l’affaire Taxquet en 2009. L’arrêt de Grande chambre avait quelque peu « apaisé » le débat en n’exigeant pas des États parties une motivation littérale des verdicts d'assises.

Par sa décision, le Conseil conforte la jurisprudence de la chambre criminelle qui considère qu’est conforme tant aux exigences européennes que constitutionnelles la « motivation » qui ne fait que reprendre les réponses qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés, statuant dans la continuité des débats, ont donné aux questions sur la culpabilité (v. par ex. Crim. 14 nov. 2009).

Cons. const., décis. no 2011-113/115 QPC, 1er avr. 2011

Références

Cour d’assises

« Juridiction répressive compétente, en premier ressort ou en appel, pour juger les crimes. À raison d’une cour d’assises par département, elle est composée de deux catégories de membres délibérant ensemble : d’une part, trois magistrats professionnels qui forment la cour, d’autre part, des jurés de jugement non professionnels qui forment le jury, au nombre de neuf lorsque la cour d’assises statue en premier ressort et de douze lorsqu’elle statue en appel, tous étant désignés par tirages au sort à partir des listes électorales.

Il existe une formation spéciale de la cour d’assises dans le ressort de chaque cour d’appel, chargée de juger les crimes militaires, les crimes de droit commun commis dans l’exécution de leur service par les militaires lorsqu’il y a un risque de divulgation d’un secret de la défense nationale, certains crimes contre les intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, et, depuis la réforme du Code pénal, les crimes en matière de trafics de stupéfiants. Elle est composée d’un président, et de six ou huit assesseurs, selon qu’elle statue en premier ressort ou en appel, tous magistrats professionnels, ce qui en fait une cour d’assises sans jurés. »

Verdict

« Réponses données par la cour et le jury d’assises aux questions posées à la suite des débats. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Code de procédure pénale

Article 349

« Chaque question principale est posée ainsi qu'il suit : "L'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ?"

Une question est posée sur chaque fait spécifié dans le dispositif de la décision de mise en accusation.

Chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte.

Il en est de même, lorsqu'elle est invoquée, de chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine. »

Article 350

« S'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes, non mentionnées dans l'arrêt de renvoi, le président pose une ou plusieurs questions spéciales. »

Article 353

« Avant que la cour d'assises se retire, le président donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre, affichée en gros caractères, dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations :

" La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? "." »

Article 359

« Toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de dix voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel. »

Article 34 de la Constitution

« La loi fixe les règles concernant :

[…] la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ; […] »

Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789

« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

CEDH, 13 janv. 2009, Taxquet c/ Belgique, no 926/05, D. 2009. 1058, note J.-F. Renucci ; RSC 2009. 657, obs. J.-P. Marguénaud ; JDI 2010. 966, note O. Bachelet. – Gde ch., 16 nov. 2010, D. 2011. 47, note J.-F. Renucci ; ibid. 48, note J. Pradel ; AJ pénal 2011. 35, obs. C. Renaud-Duparc.

Crim. 19 janv. 2011, D. 2011. 800, note J.-B. Perrier.

Crim. 14 oct. 2009, D. 2009. 2778, note J. Pradel ; AJ pénal 2009. 495, étude Lasserre-Capdeville.

Rép. pén. Dalloz, vo Cour d’assises, par Redon ; v° Jugement, par Léna.

 

Auteur :S. L.


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