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Droit de la responsabilité civile
Absence de responsabilité de la SNCF en cas d’agression mortelle d’un voyageur
Mots-clefs : Responsabilité, Causes d’exonération, Force majeure, Irrésistible, Irréversible, Contrat de transport, SNCF
L’agression mortelle commise par un voyageur agissant de façon totalement irrationnelle est un événement imprévisible et irrésistible constituant un cas de force majeure qui exonère la SNCF de son obligation de sécurité de résultat.
Le passager d’un train avait été mortellement blessé au couteau par un autre voyageur. La mère de la victime avait alors agi en réparation de son préjudice moral auprès du transporteur, la SNCF, pour manquement à son obligation de sécurité de résultat. Après avoir été déboutée en appel, elle forme un pourvoi en cassation insistant sur le caractère prévisible de l’agression de son fils, du fait, entre autres, de l’absence de mesures de précaution particulières pendant cette période de troubles que représentait l’événement de la coupe du monde de football de 1998.
Se pose ainsi la question de savoir si le comportement irrationnel d’un usager blessant mortellement un autre voyageur dans un train est constitutif d’un cas de force majeure exonérant la SNCF de toute responsabilité.
La Cour de cassation va rejeter le pourvoi en retenant que cette agression était imprévisible et irrésistible, en raison de son caractère irrationnel.
Cette solution a de quoi surprendre si l’on se penche sur la jurisprudence antérieure de la Cour.
La compagnie de transport est débitrice d’une obligation de sécurité envers les usagers. Il s’agit là d’une obligation de résultat. Elle ne peut s’en exonérer qu’en cas de force majeure, c’est-à-dire la survenance d’un événement imprévisible et irrésistible. Il résulte en effet de l’article 1148 du Code civil qu’« il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».
Le cas de force majeure est rarement retenu par la Cour de cassation. En effet, dans un souci d’une meilleure protection de la victime, elle interprète de façon restrictive les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. Aussi a-t-elle toujours retenu la responsabilité du transporteur en cas d’agression d’un voyageur.
Elle avait ainsi jugé en ce sens dans un arrêt de la première chambre civile du 12 décembre 2000 (Civ. 1re, 12 déc. 2000), les faits mettant en scène une personne en état d’ébriété blessant volontairement une voyageuse.
Sa volonté très marquée en faveur d’une plus grande protection de la victime apparaît aussi dans les cas où une faute de celle-ci serait susceptible d’exonérer la compagnie de transport de toute responsabilité. Là encore, en cas de faute d’imprudence de la victime, la Cour va tout de même condamner le transporteur pour manquement à son obligation de sécurité, laquelle, rappelons-le, est une obligation de résultat, et non de moyens (Ch. mixte, 28 nov. 2008).
En l’espèce, la Cour admet pour la première fois le cas de force majeure permettant à la SNCF de s’exonérer de son obligation de sécurité, motivant sa décision par la reconnaissance du caractère imprévisible et irrésistible de l’événement (au vu du comportement de l’agresseur inattendu et dénué de toute raison). Cette solution peut paraître contradictoire avec les solutions retenues jusqu’à présent par la juridiction suprême.
Il semble sans doute plus prudent d’attendre la prochaine décision de la Cour en ce sens, avant d’affirmer que la juridiction suprême rompt bel et bien avec sa jurisprudence antérieure ou s’il ne s’agit que d’un cas d’espèce.
Civ. 1re, 23 juin 2011, n°10-15.811, FS- P+ B+I
Références
« Au sens large, tout événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d’exécuter son obligation; la force majeure est exonératoire.
Au sens étroit, la force majeure s’oppose au cas fortuit ; elle est un événement non seulement imprévisible et insurmontable mais encore d’origine externe, absolument étranger à la personne du débiteur (force de la nature, fait du prince, fait d’un tiers).
La Cour de cassation n’exige plus la condition d’extériorité, en matière contractuelle du moins; elle admet qu’il y a force majeure lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement présentait un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et était irrésistible dans son exécution. »
« Obligation introduite par la jurisprudence dans certains types de contrat et par laquelle le débiteur est tenu d’assurer, outre la prestation principale, objet du contrat, la sécurité du créancier. Ainsi dans le contrat de transport de personnes, le transporteur doit non seulement déplacer le voyageur d’un endroit à un autre, mais encore faire en sorte qu’il soit sain et sauf à l’arrivée. Cette obligation a été étendue aux contrats les plus divers relatifs, par exemple, aux manèges forains, aux établissements hôteliers, aux restaurants, aux agences de voyages, aux salles de spectacles. L’obligation de sécurité peut être une obligation de moyens ou une obligation de résultat.
De son côté le législateur dispose que les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. »
■ Civ. 1re, 12 déc. 2000, n°98-20.635, D. 2001. 2230.
■ Ch. mixte, 28 nov. 2008, n°06-12.307 , D. 2008. 3079 ; ibid. 2009. 461.
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