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Droit pénal spécial
Définition de l’inceste : le législateur recalé
Mots-clefs : Inceste, Viol, Agression sexuelle, Infraction, Définition, Imprécision, Auteur, Légalité criminelle, Contrôle de constitutionnalité, Abrogation
Par une décision QPC du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire au principe de légalité des délits et des peines l’article 222-31-1 du Code pénal relatif aux viols et agressions sexuelles qualifiés d’incestueux, introduit par la loi du 8 février 2010.
L’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité reprochait au texte concerné de ne pas définir les liens familiaux conduisant à ce que les viols et agressions sexuels puissent être qualifiés d’incestueux. Rappelons la lettre de l’article 222-31-1 du Code pénal, telle qu’issue de la loi no 2010-121 du 8 février 2010 (JO 9 févr.) : « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
Par une décision pour le moins lapidaire, le Conseil censure le texte d’incrimination sur le fondement du principe de légalité des délits et des peines, tel que garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789. On rappellera qu’il résulte notamment de ce principe fondamental du droit pénal à valeur constitutionnelle et supranationale que le législateur est tenu par des impératifs de clarté et de précision aux fins d’exclure l’arbitraire.
C’est ce que rappelle le Conseil dans la présente décision : « le législateur tient de l'article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis » (consid. 3). Au soutien de la censure, il énonce simplement que « s'il était loisible au législateur d'instituer une qualification pénale particulière pour désigner les agissements sexuels incestueux, il ne pouvait, sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief [atteinte au principe de non-rétroactivité in pejus], la disposition contestée doit être déclarée contraire à la Constitution » (consid. 4).
C’est donc l’absence de détermination précise de l’auteur de l’infraction qui entraîne la déclaration d’inconstitutionnalité. On rappellera que c’est le Sénat qui était revenu sur la rédaction initiale de l’article (qui visait l’ascendant, l’oncle, la tante, le frère, la sœur, la nièce, le neveu, le conjoint, le concubin et le partenaire lié par un PACS) pour favoriser une référence générale à la notion de violences commises « au sein de la famille ». Or la notion même d’inceste impliquait pour le législateur — qui ne pouvait pas laisser ce soin au juge — de « définir une limite de proximité familiale au-delà de laquelle les relations sexuelles sont admises » (v. le commentaire disponible sur le site du Conseil constitutionnel).
L’abrogation du texte prend effet à compter de la publication de la décision (JO 17 sept.). Comme l’indique le Conseil constitutionnel, « à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification de crime ou de délit “incestueux” prévue par cet article » ; il précise encore que « lorsque l'affaire a été définitivement jugée à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au casier judiciaire ».
Cons. const. 16 sept. 2011, no 2011-163-QPC
Références
■ Sur la portée et les enjeux du principe de légalité, v. not. Y. Mayaud, Les grands articles du Code pénal, Dalloz, 2011, coll. « À savoir », p. 8 s.
■ Inceste
[Droit civil/Droit pénal]
« Rapport charnel entre proches parents ou alliés dont le mariage est prohibé par la loi. Le mot ne figure pas dans les textes de loi.
Toutefois, sur le plan civil, le mariage incestueux est nul et la filiation incestueuse est strictement régie par la loi. Sur le plan pénal, l’inceste est une circonstance aggravante du viol, des agressions sexuelles, ainsi que de la mise en péril des mineurs de 15 ans par atteinte sexuelle. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme
« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
■ Article 34 de la Constitution de 1958
« La loi fixe les règles concernant :
– les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
– la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
– la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
– l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
– le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
– la création de catégories d'établissements publics ;
– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ;
– les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
– de l'organisation générale de la Défense nationale ;
– de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
– de l'enseignement ;
– de la préservation de l'environnement ;
– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
– du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.
Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.
Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »
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