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Procédure pénale
Garde à vue : absence d'avocat validée par la cour d'appel de Paris
Mots-clefs : Garde à vue, Procès équitable, Convention européenne des droits de l'homme, Avocat, Assistance
Par un arrêt du 9 février 2010, la cour d'appel de Paris valide une procédure au cours de laquelle le gardé à vue, qui avait exprimé le souhait de bénéficier de l'assistance d'un avocat à la soixante-douzième heure, avait été conduit devant le juge d'instruction avant l'expiration de ce délai.
Dans une information ouverte des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, un individu, arrêté et placé en garde à vue, avait été déféré au magistrat instructeur avant l'expiration du délai légal de soixante-douze heures (art. 706-88, al. 6, et 706-73, 3°, C. pr. pén.) et avait, de fait, été privé de l'assistance d'un conseil. Estimant que l'ensemble des droits et règles régissant la garde à vue a été respecté, la cour d'appel rejette la requête en nullité présentée par l'intéressé. Pour cela, elle se fonde essentiellement sur deux arguments essentiels : l'absence d'effet erga omnes, en quelque sorte, des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (la défense se prévalant des récents arrêts de la CEDH concernant la Turquie, dont CEDH 13 oct. 2009, Dayanan c. Turquie et la gravité des infractions poursuivies).
Ainsi, la cour énonce qu'« en application de l'article 46 de la Convention EDH seules les hautes parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquelles elles sont parties » et que « tel n'est pas le cas en l'espèce des décisions citées par la défense dans sa requête ». Sur ce point, on renverra au discours tenu par Jean-Paul Costa lors de la cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire de la Cour européenne, au cours de laquelle celui-ci a réaffirmé que l'engagement des États parties comprenait « l'obligation de se conformer aux arrêts de la Cour, au minimum lorsque les États sont parties, et, de plus en plus, lorsque des arrêts identifient, pour d'autres États, des problèmes ou des dysfonctionnements analogues ».
Affirmant d’abord la conformité du régime français de la garde à vue à l'article 6, paragraphe 3, de la Convention qui garantit le droit à l'assistance par un avocat (en énonçant notamment que « l'effectivité de ce droit est réelle, l'avocat étant avisée de la nature et de la date des faits, cet entretien pouvant durer trente minutes, cette faculté étant renouvelée à chaque prolongation de la mesure »), la Cour se réfugie ensuite derrière les restrictions possibles à ce droit (telles que celles prévues par le droit français en matière de criminalité organisée, de terrorisme ou, précisément, de la législation sur les stupéfiants). Elle ajoute, pour finir (par une référence à la jurisprudence européenne, dont elle réfute précisément l'influence), que la mise en examen n'était, en l'espèce, pas uniquement fondée sur les déclarations faites pendant la garde à vue.
En attendant l'analyse de la chambre criminelle, la ministre de la Justice a d'ores et déjà annoncé qu'un texte sur la garde à vue serait soumis à concertation dans les mois qui viennent. Parmi les propositions formulées : la possibilité pour la personne d'être entendue librement pour une durée maximale de quatre heures, et celle, pour l'avocat du gardé à vue, de recevoir copie des procès-verbaux des auditions de son client, et, en cas de prolongation de la mesure, de l'assister pour les auditions qui se dérouleraient ultérieurement.
Paris, Pôle 7, Ch. 5, 9 févr. 2010
Références
« Mesure par laquelle un officier de police judiciaire retient dans les locaux de la police, pendant une durée légalement déterminée, toute personne qui, pour les nécessités de l’enquête, doit rester à la disposition des services de police.
La durée de la garde à vue dépend de la nature de l’infraction : elle est plus longue en cas de criminalité ou de délinquance organisées (terrorisme, trafic de stupéfiants…). »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
Article 706-88, alinéa 6
« La personne dont la garde à vue est prolongée en application des dispositions du présent article peut demander à s'entretenir avec un avocat, selon les modalités prévues par l'article 63-4, à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure ; elle est avisée de ce droit lorsque la ou les prolongations lui sont notifiées et mention en est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention. Toutefois, lorsque l'enquête porte sur une infraction entrant dans le champ d'application des 3° et 11° de l'article 706-73, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue de la soixante-douzième heure. »
Article 707-73, 3°
« La procédure applicable à l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre : (…)
3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ; (…) »
■ Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
Article 6 – Droit à un procès équitable
« Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense,
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; »
Article 46 – Force obligatoire et exécution des arrêts
« Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.
L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »
■ CEDH, 13 octobre 2009, Danayan c. Turquie, Requête n° 7377/03, § 32 et 33
« 32. Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir Salduz, précité, §§ 37-44). En effet, l'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. A cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer. »
« 33. En l'espèce, nul ne conteste que le requérant n'a pas bénéficié de l'assistance d'un conseil lors de sa garde à vue parce que la loi en vigueur à l'époque pertinente y faisait obstacle (Salduz, précité, §§ 27, 28). En soi, une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes, suffit à conclure à un manquement aux exigences de l'article 6 de la Convention, nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue. »
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