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[ 20 avril 2011 ] Imprimer

Procédure pénale

Garde à vue : publication de la loi et décisions de l’assemblée plénière

Mots-clefs : Garde à vue, Réforme, Convention EDH (non-conformité, effet différé, application immédiate), Droit à l’assistance d’un avocat, Droit au silence, Nullité

La loi no 2011-392 relative à la garde à vue a été publiée au Journal officiel du 15 avril ; de son côté, l’Assemblée plénière a rendu quatre décisions qui censurent le défaut d’assistance effective par un avocat… et rendent immédiatement applicable de fait la réforme prévue pour le 1er juin.

Définitivement adopté le 13 avril 2011, le projet de loi a été publié au JO du 15 avril, avant toute saisine du Conseil constitutionnel. Le texte promulgué est celui adopté en première lecture par les sénateurs. Il comprend vingt-six articles, réunis en deux chapitres. Par un article 1er, il modifie l’article préliminaire, III, du code de procédure pénale, dont un nouvel alinéa indique désormais qu’« en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat ». De nouveaux articles 62-2 et 62-3 définissent la mesure et les modalités de son contrôle : des cas d’ouverture sont désormais prévus (6 au total) ; en revanche, elle continue, comme par le passé, de s’exécuter sous le contrôle du procureur de la République. S’agissant du placement et des droits devant être notifiés à la personne (art. 63 et 63-1), on notera la réapparition du droit de se taire (introduit en 2001, puis supprimé en 2003, v. RSC 2003. 664).

L’apport majeur du texte est de permettre une intervention élargie de l’avocat (du gardé à vue mais également de la victime, en cas de confrontation avec le premier). Outre l’entretien confidentiel de trente minutes (art. 63-4), les modalités d’exercice des nouvelles prérogatives reconnues à l’avocat sont précisées (art. 63-4-1 à 63-4-4) :

— Droit de consulter le procès-verbal constatant la notification du placement et des droits afférents, le certificat médical, les procès-verbaux d’auditions ;

— Droit d’assister aux confrontations et auditions et de poser des questions ou de présenter des observations écrites à leur issue (avec report possible « pour des raisons impérieuses » de la présence de l’avocat pour une durée maximale de douze heures) ;

— Respect du secret de l’enquête.

La loi dispose par ailleurs expressément que la garde à vue s’exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité (art. 63-5). Le régime de la rétention douanière est aligné sur celui de la garde à vue. En matière de criminalité organisée, l’intervention peut toujours être différée — jusqu’à soixante-douze heures —, mais « en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes » (art. 706-88, al. 6). Ces dispositions entrent en vigueur le 1er juin 2011.

Heureux hasard ou simple coïncidence de calendrier, le jour de publication de la loi, l’Assemblée plénière devait se prononcer sur le droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue dans le cadre de quatre affaires en matière de droit des étrangers. Sans surprise, la plus haute formation de la Cour de cassation a confirmé l’inconventionalité des dispositions en cause, en indiquant que, « pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales soit effectif et concret, il faut, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires » (v. déjà, Crim. 19 oct. 2010, 3 arrêts). En revanche, elle a déclaré nulles les gardes à vue qui s’étaient déroulées sans l’assistance effective d’un avocat, en considérant que les États adhérents à la Convention « sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation »…

S’il faut déduire de ces arrêts que les procédures se déroulant sans l’assistance de l’avocat sont nulles, il est également créé un vide juridique pour la période qui nous sépare encore de l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er juin prochain. La Chancellerie a donné des instructions aux policiers et aux parquets pour que le droit à l’assistance effective de l’avocat et le droit au silence soient, dès à présent, respectés. De leur côté, les avocats apparaissent divisés sur la légalité de cette mesure (v. le refus du bâtonnier des Deux-Sèvres d’appliquer le nouveau régime, blog de Maître Eolas, 17 avr. 2011).

Loi no 2011-392 du 14 avr. 2011 relative à la garde à vue, JO 15 avr.

Ass. plén. 15 avr. 2011, P+B+R+I, nos 10-17.049, 10-30.242, 10-30.313, 10-30.316

Références

Avocat

« Auxiliaire de justice exerçant l’ensemble des attributions antérieurement dévolues à des professions supprimées (en 1971, celle d’avoué prés le tribunal de grande instance, d’agréé prés le tribunal de commerce ; en 1991, celle de conseil juridique). L’avocat cumule actuellement les fonctions de conseil, de mandataire et de défenseur des plaideurs.

L’avocat peut plaider devant toutes les juridictions et tous les conseils disciplinaires, mais doit respecter le principe de territorialité en ce qui concerne la postulation devant le tribunal de grande instance (L. no 1130 du 31 déc. 1971, art. 5).

La profession d’avocat peut être exercée de manière fort diverse :

- à titre purement individuel, ou bien en qualité de collaborateur (Collaboration… Contrat de…), ou de salarié (Avocat salarié) ;

- en association (Association d’avocats) ;

- en société (Société civile professionnelle, Société d’exercice libéral, Société en participation). »

Procureur de la république

« Magistrat placé à la tête du ministère public prés le tribunal de grande instance.

En toutes matières, le ministère public est exercé devant les juridictions du premier degré du ressort du tribunal de grande instance par le procureur de la République. »

Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

Article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. »

Crim. 19 oct. 2010 (3 arrêts), Dalloz Actu Étudiant, 27 oct. 2010.

Sur le droit au silence, v. Lazerges C., « La dérive de la procédure pénale », RSC 2003. 644.

 

Auteur :S. L.


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