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Droit du travail - relations individuelles
Harcèlement moral et clauses de non-concurrence : jurisprudence favorable au salarié
Mots-clefs : Harcèlement moral, Présomption, Clause de non-concurrence (nullité, licéité), Préjudice
La chambre sociale marque son attachement à la protection des droits du salarié, dans l'appréciation des faits constitutifs de harcèlement moral comme dans les conséquences de la déclaration d'illicéité d'une clause de non-concurrence.
Un salarié prétendait être victime de harcèlement moral de la part de son employeur. Ce harcèlement ressortait selon lui des sanctions disciplinaires prises à son égard ainsi que de la rétrogradation sans motif dont il avait fait l'objet. Il s'était tourné vers le juge des prud'hommes afin d'obtenir la condamnation de son employeur et la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
L'article L. 1154-1 du Code du travail, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, a introduit la notion de harcèlement moral dans le droit français. Conscient de la difficulté de prouver les faits de harcèlement moral, la loi a établi une présomption en faveur du salarié qui se prétend victime d'un tel harcèlement. Le demandeur doit établir « des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ». Le défendeur doit alors justifier « par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement » les actes qu'il a commis. (art. L. 1154-1 C. trav.). Le juge a pour mission de trancher le litige, en prenant en compte tous les faits qui lui sont soumis et les justifications qui leur sont données.
Depuis quatre arrêts de 2008, la chambre sociale exerce un contrôle sur la qualification des faits de harcèlement par les juges du fond (Soc. 24 sept. 2008). Dans le cadre de ce contrôle, la Cour de cassation exige que « le juge prenne en considération l'ensemble des éléments établis par le demandeur, sans pouvoir sélectionner parmi eux » (D. 2008, v. obs. Perrin).
En l'espèce, le juge d'appel avait considéré que les nombreuses absences pour maladie et le statut de salarié protégé dont disposait le demandeur démontraient qu'il était « éloigné » du contexte professionnel, et qu'il ne pouvait prétendre à l'existence d'un harcèlement moral de ce fait.
La chambre sociale casse pour violation de l'article L. 1154-1 du Code du travail, au motif que la cour d'appel n'a pas pris en compte les éléments fournis par le salarié, « notamment les conditions de sa rétrogradation ». Cet arrêt semble se démarquer de la jurisprudence récente de la chambre sociale dans ce domaine, puisqu'elle avait récemment estimé qu'on ne pouvait pas « analyser en agissements répétés constitutifs de harcèlement moral une décision de l'employeur de rétrograder un salarié, peu important que, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision » (Soc. 9 déc. 2009). Toutefois, il faut se garder de parler de revirement, car le fondement de cet arrêt était le caractère répété du harcèlement moral.
Le salarié s'était par ailleurs vu imposé une clause de non-concurrence dans son contrat de travail, que le juge des prud'hommes avait annulé en raison de son caractère illicite, en même temps qu'il prononçait la résiliation du contrat de travail. Il avait donc demandé réparation du préjudice qui en découlait, sur le fondement des articles L. 1121-1 du Code du travail et 1147 du Code civil. La cour d'appel avait également débouté le salarié de sa demande, au motif que la clause de non-concurrence en question n'avait jamais été respectée par le demandeur, qui avait disposé « de toute liberté pour occuper le même emploi chez un autre employeur ».
La chambre sociale casse également cette solution, et énonce que « la stipulation que dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié ». Il s'agit ici d'une nouvelle illustration de la défiance des juges à l'égard des « interdictions conventionnelles de concurrence » (v. Précis Dalloz) qu'elle avait déjà dénoncé par trois arrêts remarqués en date du 10 juillet 2002 (Soc. 10 juill. 2002).
Soc. 12 janv. 2011, n° 08-45.280, FS-P+B
Références
« Constitutif d'un délit, le harcèlement moral est prohibé par le Code du travail depuis la loi no 2002-73 du 17 janvier 2002. Le législateur n'a pas défini son contenu mais stigmatise les comportements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel. La loi désigne implicitement ce comportement comme constitutif d'une faute disciplinaire. Afin de surmonter les problèmes très délicats liés à la preuve de ces actes, le régime de celle-ci a été aménagé, en dehors des poursuites pénales, le salarié n'ayant qu'à établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. À noter que tout salarié est protégé par ce texte, sans distinction de sexe ou de fonctions, et que le harcèlement peut se manifester en dehors de tout rapport d'autorité ou de relation hiérarchique. »
« Clause d'un contrat par laquelle une des parties s'interdit, dans certaines limites de temps et de lieu, d'exercer une activité professionnelle déterminée susceptible de faire concurrence à l'autre partie. Cette clause se rencontre notamment dans les contrats portant sur le fonds de commerce. On la trouve aussi dans les contrats de travail où elle est parfois appelée clause de non-réembauchage et par laquelle, dans les mêmes limites, un salarié s'interdit, lors de son départ de l'entreprise, de s'engager chez un concurrent ou de s'établir à son compte. La validité de cette clause a été subordonnée de manière prétorienne à un certain nombre de conditions : la clause doit ainsi être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, et comporter pour l'employeur l'obligation de verser au salarié une contrepartie financière. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code du travail
« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
■ Soc. 24 sept. 2008 ; D. 2008. AJ 2423, obs. Perrin ; ibid. 2009. Pan. 590, obs Wolmark ; RJS 2008. 891, n° 1070 ; Dr soc. 2009. 57, note Savatier ; JCP S 2008. 1537, avis Allix, obs. Leborgne- Ingelaere ; JS Lamy 2008, n° 242-2.
■ Soc. 9 déc. 2009 ; R., p. 348; D. 2010. AJ 95, obs. Perrin; RJS 2010. 123, no 148; JS Lamy 2010, n° 272-5.
■ Soc. 10 juill. 2002 : Bull. civ. V, n° 239 ; GADT, 4e éd., n° 46 ; D. 2002. 2491, note Serra ; RJS 2002. 840, n° 1119 ; JS Lamy 2002, n° 108-2 ; Dr. ouvrier 2002. 533, note Taté ; CSB 2002. 446, A. 54 ; RDC 2003. 17, obs. Roschfeld ; RDC 2003. 142, obs. Radé.
■ Concernant l'interdiction conventionnelle de concurrence, v. Dockès E., Pélissier J., Auzero G., Droit du travail, Dalloz, 25e éd., coll. « Précis », 2010, n° 260 s.
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