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Droit des obligations
La perte de chance s'applique au régime spécial de responsabilité médicale
Mots-clefs : Perte de chance, Dommage, Lien de causalité (direct, certain), Faute, Éventualité favorable, Responsabilité médicale, Hospitalisation, Art. 1142-1 I CSP
La perte de chance consiste dans la disparition d'une éventualité favorable à la victime, en raison de la faute du médecin, sans que la faute de ce dernier ait un lien direct avec le dommage causé.
Dans notre espèce, une femme atteinte d'une grippe maligne était décédée des suites d'un syndrome de détresse respiratoire aiguë. Peu de temps avant son décès, un médecin s'était rendu au chevet de la malade, sans ordonner de modification dans le traitement. Le mari et le fils de la défunte reprochaient au médecin, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, d'avoir commis une faute ayant entraîné le décès de la patiente.
Or, le rapport d'expert ne retenait aucune faute commise par le médecin en lien direct avec le dommage, mais constatait qu'en vertu de son obligation de délivrer des soins « consciencieux, attentifs et diligents », le médecin aurait du opter pour une hospitalisation immédiate de la patiente.
Toutefois, la cour d'appel avait refusé de condamner le médecin au titre de la perte de chance de survie de la patiente, puisqu'il n'était pas rapporté l'existence d'un lien de causalité entre le décès et la faute du médecin.
La première chambre civile casse l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 1142-1 I du Code de la santé publique, qui prévoit un régime de responsabilité pour faute des personnels médicaux. Elle annule donc la décision des juges du fond, au motif que la notion de perte de chance est justement utilisée pour contourner l'exigence du caractère direct et certain du préjudice. La cour de cassation reprend les termes d'une jurisprudence constante en matière de responsabilité délictuelle, qui exige simplement « la disparition d'une éventualité favorable » afin de mettre en œuvre la réparation du dommage via la perte de chance de ne pas subir le dommage — soit le décès en l’espèce — (Civ. 1re, 21 nov. 2006)
En l'espèce, la Cour relève que « ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie, ni l'indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë ayant entraîné le décès n'étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par [le médecin], laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de [la patiente], et la perte d'une chance de survie pour cette dernière ». En d'autres termes, s'il existait bien une incertitude sur l'évolution de la maladie même en cas d'hospitalisation, ou sur la cause du syndrome respiratoire ayant causé la mort, cela n'enlevait pas pour autant à la faute du médecin son caractère d'acte ayant entraîné une perte de chance de survie.
Civ. 1re, 14 oct. 2010, n° 09-69.195, FS-P+B+R+I
Références
« Préjudice résultant de la disparition, due au fait d'un tiers, de la probabilité d'un événement favorable et donnant lieu à une réparation partielle, mesurée sur la valeur de la chance perdue déterminée par un calcul de probabilités. »
« Attitude d'une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas ses engagements contractuels (faute contractuelle) ou son devoir de ne causer aucun dommage à autrui (faute civile appelée également faute délictuelle ou quasi délictuelle). »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
« Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
■ Article L. 1142-1 I du Code de la santé publique
« Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. »
■ Civ. 1re, 21 nov. 2006, Bull. civ. I, n°498 ; D. 2006. IR. 3013. V. aussi ss l'art. 1383 C. civ. Dalloz , note 61 s. pour d’autres décisions sur la notion de perte de chance.
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