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Droit des obligations
Le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts prévisibles lors de la conclusion du contrat
Mots-clefs : Contrat de transport, Dommages-intérêts, Charge de la preuve, Destination finale, Acheminement, Préjudice, Correspondance, Dommage prévisible
Le fait de manquer une correspondance aérienne en raison d’un retard de la SNCF n’est pas un dommage prévisible au sens de l’article 1150 du Code civil, sauf à prouver que la compagnie ferroviaire était au courant de la destination finale du passager lors de la réservation.
Un couple domicilié en Loire-Atlantique avait pris le train à destination de Paris (gare de Paris Montparnasse), avec l’intention de rejoindre l’aéroport de Paris Orly, où il comptait prendre un avion pour Cuba. Le train ayant eu du retard, les vacanciers n’avaient pas pu embarquer à temps. Ils avaient alors assigné la SNCF en réparation du préjudice financier et moral subi. Le juge de proximité de Saint-Nazaire avait accueilli favorablement leur demande.
Ce dernier considérait en effet que la SNCF était contractuellement tenue d’une obligation de résultat consistant en l’acheminement des passagers à leur destination finale, étant entendu que dans certaines grandes villes (Paris en l’espèce), la destination finale correspondait à l’aéroport, où les passagers prenaient une correspondance. Dès lors, conformément à l’article 1150 du Code civil, il avait condamné la SNCF à indemniser les passagers pour leur préjudice matériel (remboursement du billet d’avion, frais d’hébergement à Paris et retour au domicile) et moral (vacances annulées) en raison de l’inexécution de son obligation.
L’article 1150 du Code civil vise à garantir l’exécution des obligations mais permet également de limiter l’étendue des demandes de dommages-intérêts formulées par les parties, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil. En exigeant que seuls les dommages prévus au contrat ou qu’on a pu prévoir lors du contrat soient indemnisés, le législateur limite l’office du juge en cas d’inexécution contractuelle. La Cour de cassation considère ainsi que le dommage est prévisible « lorsqu’il peut être normalement prévu par les contractants au moment de la conclusion de la convention » (Civ. 1re, 25 janv. 1989).
En l’espèce, la première chambre civile casse le jugement, car elle constate que rien ne permettait à la SNCF de savoir que « le terme du voyage [en train] n’était pas la destination finale » des requérants et que ces derniers n’avaient pas fait état, lors de l’achat des billets, de ce qu’ils avaient conclu des contrats de transport aérien, dont l’exécution dépendait de celle du premier contrat.
Cet arrêt est à rapprocher d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Dijon, qui avait retenu la responsabilité d’une société de taxis, qui « devait prévoir que des clients ayant commandé un taxi pour le lendemain matin voulaient prendre le train conduisant à l’aéroport et donc poursuivre leur voyage » (Dijon, 7 oct. 2003).
Ainsi, en ce qui concerne la SNCF, il paraît difficile d’engager la responsabilité du transporteur en cas de retards ayant fait échouer la correspondance, à l’exception des trains qui relient directement un aéroport (Roissy Charles de Gaulle TGV par exemple), et à la condition d’avoir précisé ce détail lors de la réservation, ce qui est difficile à imaginer lors d’une réservation en ligne…
Civ. 1e, 28 avr. 2011, n° 10-15.056
Références
« Dommage matériel (perte d’un bien, d’une situation professionnelle…), corporel (blessure) ou moral (souffrance, atteinte à la considération, au respect de la vie privée) subi par une personne par le fait d’un tiers. Le terme est employé en particulier pour exprimer la mesure de ce qui doit être réparé : on parle de préjudice réparable. »
« Obligation en vertu de laquelle le débiteur est tenu d’un résultat précis. Ainsi le transporteur de personnes s’engage envers le voyageur à le déplacer d’un endroit à un autre ; ce qui est demandé c’est l’arrivée à la destination prévue. L’existence d’une telle obligation permet au créancier de mettre en jeu la responsabilité de son débiteur par la simple constatation que le résultat promis n’a pas été atteint, sans avoir à prouver une faute. »
« Somme d’argent destinée à réparer le dommage subi par une personne en raison de l’inexécution, de l’exécution tardive, ou de l’exécution défectueuse d’une obligation ou d’un devoir juridique par le cocontractant ou un tiers ; on parle alors de dommages et intérêts compensatoires. Lorsque le dommage subi provient du retard dans l’exécution, les dommages et intérêts sont dits moratoires. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
Article 1147
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Article 1150
« Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point exécutée. »
■ Civ. 1e, 25 janv. 1989 et Dijon, 7 oct. 2003, jurisprudence sous l’art. 1150 du Code civil 2011, Dalloz, 2010.
■ Sur cette notion, v. la Fiche de révision La responsabilité contractuelle.
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