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Procédure pénale
Participation des citoyens à la justice pénale : validation et publication de la loi
Mots-clefs : Jugement, Délits, Crimes, Assesseurs, Citoyens, Tribunal correctionnel, Cour d’assises (arrêts, motivation, condamnation, majorité requise), Mineurs, Juge des enfants
Par une décision du 4 août 2011, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et au jugement des mineurs.
Sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale, les Sages ont d’abord validé la participation des citoyens assesseurs au jugement des délits, en retenant « qu'il résulte de l'article 399-4 du code de procédure pénale que [ces derniers] ne participent aux décisions du tribunal correctionnel que sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine et que toute autre question est jugée par les seuls magistrats » et « que le législateur a ainsi adopté des règles propres à garantir que le jugement des délits du droit pénal général par des personnes tirées au sort ne soit pas incompatible avec les exigences de l'article 6 de la Déclaration de 1789 » (Consid. 13). Une limite a toutefois été posée : ainsi, « les infractions prévues au livre IV du code pénal et celles prévues au code de l'environnement sont d'une nature telle que leur examen nécessite des compétences juridiques spéciales qui font obstacle à ce que des personnes tirées au sort y participent » ; les 4° et 5° de l'article 399-2 ont donc été déclarés contraires à la Constitution. La possibilité pour les citoyens de participer aux décisions rendues en matière d’application des peines (réduction de période de sûreté, libération conditionnelle pour les peines supérieures à 5 ans, et examen, en appel, de l’ensemble des décisions rendues par le TAP sur le fondement de l’art. 712-7 C. pr. pén.) a également été validée ; le Conseil a cependant émis une réserve d’interprétation : « la complexité juridique du régime de l'application des peines ne saurait permettre que les citoyens assesseurs participent au jugement de toute autre question sur laquelle le tribunal de l'application des peines ou la chambre de l'application des peines serait appelé à statuer, tel que l'appréciation des conditions de recevabilité des demandes ou l'examen des incidents de procédure » (consid. 16).
Sur le recours à l’expérimentation (application de la loi à titre expérimental de janv. 2012 à janv. 2014 dans 2 à et 10 cours d’appel déterminées par arrêté ministériel), le Conseil a estimé que « le législateur a défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions de l'expérimentation en cause ; qu'il n'a pas méconnu sa compétence en renvoyant à un arrêté du garde des sceaux le soin de déterminer les cours d'appel dans le ressort desquelles cette expérimentation aura lieu ; qu'il a fixé le terme de l'expérimentation qu'il a autorisée ; que, par suite, l'article [en cause] est conforme à la Constitution » (consid. 20).
S’agissant des dispositions relatives à la cour d’assises (passage de 9 à 6 jurés en premier ressort, et de 12 à 9 en appel ; modification de la majorité requise pour entrer en voie de condamnation – 6 voix en premier ressort et 8 en appel ; introduction d’une motivation des arrêts), le Conseil a relevé que règle selon laquelle une condamnation en matière criminelle devrait émaner de la majorité absolue des jurés n’avait pas la qualité de principe fondamental reconnu par les lois de la République (consid. 25) et donc estimé que la nouvelle règle de majorité (permettant de condamner sans que cette majorité soit atteinte) ne méconnaissait aucune exigence constitutionnelle (consid. 27). Au passage, on notera la « pirouette » à propos de la décision no 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, invoquée par les auteurs de la saisine, et par laquelle le Conseil avait érigé la règle de la majorité absolue des jurés en contrepartie nécessaire à l’absence de motivation des arrêts : cette motivation étant aujourd’hui instaurée, la majorité absolue n’est plus requise (consid. 26)… Le Conseil valide en outre la possibilité de reporter de trois jours la rédaction de la motivation de l’arrêt en cas de particulière complexité de l’affaire.
Sur le jugement des mineurs, trois séries de dispositions étaient contestées :
– celles relatives à l’assignation à résidence avec surveillance électronique ;
– celles relatives à la saisine du tribunal pour enfants ;
– et celles relatives au tribunal correctionnel des mineurs.
Sur les premières, le Conseil a estimé qu’« en permettant l'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs de treize à seize ans comme une alternative au contrôle judiciaire dans des cas où le mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire, les dispositions contestées [art. 10-3 ord. 2 févr. 1945] ont institué une rigueur qui méconnaît les exigences constitutionnelles précitées » ; celles-ci sont donc déclarées contraires à la Constitution (consid. 38).
Sur les secondes, le Conseil a validé la possibilité de convoquer directement un mineur devant le tribunal pour enfants selon des modalités de la procédure pénale applicable aux majeurs (consid. 41), de même que l’obligation faite au juge (d’instruction ou des enfants) de saisir la juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines lorsqu'il estime, à l'issue de l'instruction, que les faits constituent un délit répondant à ces conditions (consid. 44). Le nouveau chapitre III ter de l’ordonnance de 1945, qui permet de séparer les débats sur la culpabilité de ceux sur les mesures, sanctions ou peines applicables (« césure du procès pénal »), a également été jugé conforme à la Constitution (consid. 48).
S’agissant du tribunal correctionnel des mineurs, nouvelle juridiction compétente pour juger les récidivistes âgés de plus de seize ans poursuivis, pour un ou plusieurs délits punis d’une peine d’au moins trois ans d’emprisonnement, le Conseil a censuré les dispositions permettant de faire convoquer ou comparaître directement le mineur devant cette juridiction sans instruction préparatoire (art. 24-2, 2° et 3°, ord. 2 févr. 1945), estimant qu’elles « conduisent, en méconnaissance des exigences du principe fondamental en matière de justice pénale des mineurs, à ce que les mineurs ne soient jugés ni par une juridiction spécialisée ni selon des procédures appropriées » (consid. 52). Tirant les conséquences de sa décision no 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 relative à la composition du tribunal pour enfants, le Conseil a censuré aussi l’article 24-1 modifié de l’ordonnance de 1945 qui attribuait la présidence du tribunal correctionnel des mineurs au juge des enfants. Ainsi, cette disposition méconnaît le principe d’impartialité des juridictions ; mais la déclaration d’inconstitutionnalité a, sur ce point, été reportée au 1er janvier 2013.
La loi no 2011-939 du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs a été publiée au Journal officiel du 11 août. Le garde des Sceaux a annoncé que l’expérimentation de la loi débuterait le 1er janvier prochain dans les cours d’appel de Dijon et de Toulouse.
Cons. const. 4 août 2011, no 2011-635 DC
Références
« Au sens large, le délit est synonyme d’infraction.
Au sens strict, le délit est une infraction dont l’auteur est puni de peines correctionnelles.
Les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont l’emprisonnement (10 ans au plus), l’amende (supérieure ou égale à 3 750 euros), le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d’intérêt général, des peines privatives ou restrictives de droits, des peines complémentaires, et la sanction-réparation. Pour les personnes morales, les peines applicables sont l’amende, dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques, certaines peines privatives ou restrictives de droits dans les cas prévus par la loi, et la sanction-réparation. »
« Mesure d’incarcération d’un mis en examen pendant l’information judiciaire, ou d’un prévenu dans le cadre de la comparution immédiate. De caractère exceptionnel, elle ne peut être prise que dans des cas déterminés et par un magistrat du siège après un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du ministère public, puis les observations du mis en examen et le cas échéant celles de son conseil. »
■ Impartialité [Procédure pénale]
Impératif procédural qui assure au justiciable le droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial. Il s’agit de garantir le droit à un procès équitable. La récusation d’un juge peut être réclamée et obtenue sur preuve de son manque d’impartialité.
Un magistrat ne peut siéger à la chambre d’accusation s’il avait précédemment examiné la valeur des charges qui pèsent sur « l’inculpé »; de même il ne peut participer au jugement des affaires dans lesquelles il a accompli un acte de poursuite comme membre du ministère public. À l’inverse, le juge de l’application des peines ayant fixé la peine de TIG peut siéger au sein du tribunal correctionnel qui doit statuer sur la violation de cette sanction; pareillement le juge des enfants peut dans la même affaire faire partie du tribunal pour enfants.
La chambre criminelle admettait avant une loi du 6 juillet 1989 le renvoi d’office d’une affaire devant une autre juridiction, et ce dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice; ainsi lorsqu’un juge d’instruction manifeste publiquement son hostilité à l’égard d’un « inculpé »; depuis cette loi, la chambre criminelle retient la suspicion légitime dès lors qu’il y a un doute objectif sur l’impartialité d’un tribunal, par exemple, lorsqu’un magistrat du parquet d’une juridiction a été victime d’une infraction dont celle-ci est saisie.
Le président d’une cour d’assises ne peut manifester prématurément son opinion ni par des réflexions ni par des actes. »
■ Juridictions de l’application des peines
« Instances mises en place par la loi no 2004-204 du 9 mars 2004 (Perben II), destinées à répondre à tous les besoins d’exécution des peines et qui reproduisent le modèle de l’organisation judiciaire, avec des juridictions du premier degré (juge de l’application des peines et tribunal de l’application des peines) et une juridiction d’appel (chambre de l’application des peines). »
■ Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République
« Expression vague, figurant à l’alinéa 1er du Préambule de la Constitution de 1946, auquel renvoie celui de la Constitution de 1958, et sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est fondé pour invalider certaines lois contraires aux principes qu’il estimait relever de cette catégorie. »
Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Cons. const. 8 juill. 2011, no 2011-147 QPC, Dalloz actualité 13 juill. 2011, obs. S. Lavric.
■ Cons. const. 1er avr. 2011, no 2011-113/115 QPC, Dalloz Actu Étudiant 14 avr. 2011.
■ Article 6 de la Déclaration de 1789
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
■ Code de procédure civile
Article 399-2 créé par la loi n°2011-939 du 10 août 2011 (art. 5)
« Sont jugés par le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne, en application de l'article 399-1, les délits suivants :
1° Les atteintes à la personne humaine passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues au titre II du livre II du code pénal ;
2° Les vols avec violence prévus au dernier alinéa de l'article 311-4, au 1° et au dernier alinéa de l'article 311-5 et à l'article 311-6 du code pénal, ainsi que les extorsions prévues aux articles 312-1 et 312-2 du même code ;
3° Les destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes passibles d'une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans prévues à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du code pénal ;
4° [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011.]
5° [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011.]
Le tribunal correctionnel dans sa formation citoyenne n'est toutefois pas compétent pour le jugement des délits prévus au présent article lorsqu'il s'agit d'un délit mentionné aux articles 706-73 et 706-74 ou, sous réserve des dispositions de l'article 399-3, mentionné à l'article 398-1 du présent code.
Nota : Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 art 54 II : les articles 399-1 à 399-11 du Code de procédure pénale sont applicables à titre expérimental à compter du 1er janvier 2012 dans au moins deux cours d'appel et jusqu'au 1er janvier 2014 dans au plus dix cours d'appel. Les cours d'appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des sceaux. »
Article 399-4 créé par la loi n°2011-939 du 10 août 2011 (art. 5)
« Les décisions sur la qualification des faits, la culpabilité du prévenu et la peine sont prises par les magistrats et les citoyens assesseurs. Sur toute autre question, les décisions sont prises par les seuls magistrats.
Nota : Loi n° 2011-939 du 10 août 2011 art 54 II : les articles 399-1 à 399-11 du Code de procédure pénale sont applicables à titre expérimental à compter du 1er janvier 2012 dans au moins deux cours d'appel et jusqu'au 1er janvier 2014 dans au plus dix cours d'appel. Les cours d'appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des sceaux. »
« Les mesures concernant le relèvement de la période de sûreté, la libération conditionnelle ou la suspension de peine qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines sont accordées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par jugement motivé du tribunal de l'application des peines saisi sur la demande du condamné, sur réquisitions du procureur de la République ou à l'initiative du juge de l'application des peines dont relève le condamné en application des dispositions de l'article 712-10.
Les jugements du tribunal de l'application des peines sont rendus, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel la juridiction entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Si le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l'établissement pénitentiaire. Il peut être fait application des dispositions de l'article 706-71. »
Ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante
Article 24-1 créé par la loi n°2011-939 du 10 août 2011 (art. 49), version à venir au 1er janvier 2012
« Les mineurs âgés de plus de seize ans sont jugés par le tribunal correctionnel pour mineurs lorsqu'ils sont poursuivis pour un ou plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans et commis en état de récidive légale.
[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution à compter du 1er janvier 2013 par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011.] Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l'article 398 du code de procédure pénale, à l'exception des troisième à cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants.
Les dispositions du chapitre III de la présente ordonnance relatives au tribunal pour enfants s'appliquent au tribunal correctionnel pour mineurs. Toutefois, en ce qui concerne l'article 14, la personne poursuivie, mineure au moment des faits et devenue majeure au jour de l'ouverture des débats, peut demander la publicité des débats dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 400 du code de procédure pénale.
Le tribunal correctionnel pour mineurs est également compétent pour le jugement des délits et contraventions connexes aux délits reprochés aux mineurs, notamment pour le jugement des coauteurs ou complices majeurs de ceux-ci.
Article 24-2, créé par la loi n°2011-939 du 10 août 2011(art. 49), version à venir au 1er janvier 2012
Le tribunal correctionnel pour mineurs peut être saisi :
1° Par ordonnance de renvoi du juge des enfants ou du juge d'instruction en application des articles 8 et 9 ;
2° [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011.]
3° [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-635 DC du 4 août 2011.]
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