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Droit administratif général
Point sur le Tribunal des conflits
Mots-clefs : Justice retenue, Justice déléguée, Compétence d’attribution, Conflits, Grands arrêts
L’ouverture du site du Tribunal des conflits (www.tribunal-conflits.fr) est l’occasion pour Dalloz Actu Étudiant de faire un point sur cette juridiction.
■ Historique
Le Tribunal des conflits a été créé par l’article 89 de la Constitution de 1848 (Seconde République) afin de régler « les conflits d’attribution entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire », et organisé par le règlement du 28 octobre 1849 et la loi du 4 février 1850. Supprimé sous le Second Empire (1852), il renaît avec la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du Conseil d’État. Sa création tire sa raison d’être de la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire qui instaurait la séparation des autorités judiciaires et administratives (art. 13 : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. »). La volonté de la Révolution était de prévenir de tout empiétement par les autorités judiciaires sur le pouvoir administratif. Depuis 1790, la répartition des compétences entre l’administration et le juge judiciaire était opérée par le Conseil d’État selon le régime de la justice retenue (absence de souveraineté des décisions du Conseil d’État, celles-ci devant recevoir l’approbation du chef de l’État). À partir de 1872, les juges du Palais Royal ont pu statuer souverainement, selon le système de la justice déléguée et n’avaient plus la possibilité de régler les conflits entre juges judiciaires et administratifs. C’est la raison pour laquelle le Tribunal des conflits a été créé. Les attributions du Tribunal des conflits sont renforcées par la loi du 20 avril 1932 et le décret du 25 juillet 1960. Le Code de justice administrative lui consacre deux articles (art. R. 771-1 et R. 771-2).
Le Tribunal des conflits participe à l’émergence du droit administratif. Ainsi, parmi les arrêts importants, fondateurs du droit administratif, on peut citer :
– Blanco du 8 février 1873 : fondement de la responsabilité de l’État ;
– Pelletier du 30 juillet 1873 : distinction faute de service et faute personnelle ;
– Société commerciale de l’Ouest africain, affaire du Bac d’Eloka du 22 janvier 1921 : distinction SPIC-SPA ;
– Effimief du 28 mars 1955 : travaux publics ;
– Société Baum du 12 mai 1997 et Boussadar du 23 octobre 2000 : précisions sur la voie de fait….
■ Composition
Le Tribunal des conflits, qui siège au Palais Royal, est composé de 8 juges nommés pour 3 ans renouvelables. 4 sont membres du Conseil d’État et 4, de la Cour de cassation. Le ministère public (les commissaires du gouvernement) est composé de 2 maîtres des requêtes et de 2 avocats généraux.
Le président du Tribunal est le ministre de la Justice (Michel Mercier) qui intervient comme départiteur en cas de partage égal des voix. Le Vice-président est actuellement M. Jean-Louis Gallet, conseiller à la Cour de cassation.
Le Tribunal se réunit une fois par mois environ et rend entre 50 et 60 décisions par an.
■ Compétences
Quatre types de conflits sont dévolus au Tribunal :
– Le conflit positif : procédure permettant au préfet de département ou, à Paris, au préfet de Paris, de contester la compétence d'un tribunal de l'ordre judiciaire pour juger d'une affaire dont ce dernier a été saisi.
– Le conflit négatif : lorsqu'une juridiction administrative et une juridiction judiciaire se sont respectivement déclarées successivement incompétentes pour juger d'un même litige, sans que la seconde ait fait jouer la procédure de renvoi en prévention du conflit négatif, les parties à un litige peuvent saisir le Tribunal des conflits afin qu’il désigne l'ordre de juridiction compétent (Décr. 26 oct. 1849, art. 17).
– Le conflit sur renvoi : deux types de conflits sur renvoi existent :
~ le conflit sur renvoi en prévention d'un conflit négatif : il a lieu lorsqu'un tribunal, administratif ou judiciaire, a jugé, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné sa compétence. Tout tribunal de l'autre ordre de juridiction saisi du même litige, qui estime que celui-ci relève du premier ordre saisi, doit surseoir à statuer et renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider de la compétence (Décr. 26 oct. 1849, art. 35) ;
~ le conflit sur renvoi d'une juridiction statuant souverainement : il existe lorsque le Conseil d'État ou la Cour de cassation sont saisis d'un litige « qui présente, à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, en cas de difficulté sérieuse de compétence » (Décr. 26 oct. 1849, art. 35).
– Le conflit de décisions (appelé également contrariété de jugement) : lorsque des juridictions appartenant à chacun des deux ordres ont, sans décliner leur compétence, rendu dans un même litige des décisions contraires qui conduisent à un déni de justice. Le Tribunal des conflits peut alors rendre une décision sur le fond du litige.
http://www.tribunal-conflits.fr/
Références
[Droit administratif]
« 1° Faute du service public : en matière de responsabilité de l’Administration, expression désignant tout défaut de fonctionnement des services publics de nature à engager la responsabilité pécuniaire de l’Administration à l’égard des administrés.
2° Faute de service : en matière de responsabilité de l’agent public, expression désignant toute faute qui, n’ayant pas le caractère de faute personnelle, ne peut engager la responsabilité civile de son auteur que ce soit envers l’Administration ou envers les administrés.
3° Faute personnelle : en matière de responsabilité de l’agent public, expression désignant toute faute qui présente au regard de la jurisprudence tant judiciaire qu’administrative des caractères propres à engager la responsabilité pécuniaire de son auteur. Cette notion de faute personnelle s’est dédoublée : on peut distinguer la faute personnelle classique, qui permet aux administrés de rechercher la responsabilité de son auteur devant les tribunaux judiciaires (et à l’Administration de se retourner contre l’agent si elle a dû indemniser la victime en application de la théorie du cumul des responsabilités), et la faute personnelle à coloration disciplinaire, intéressant uniquement les rapports de l’agent et de l’Administration, et qui permet à celle-ci d’obtenir de celui-là réparation du préjudice qu’il a pu lui causer. »
[Droit administratif]
« Théorie d’origine jurisprudentielle, protectrice des droits des administrés en ce qu’elle entraîne pour l’Administration la perte de la majeure partie de ses privilèges traditionnels. Il y a voie de fait si l’Administration accomplit un acte matériel représentant une irrégularité manifeste soit parce qu’elle exécute une décision ne se rattachant pas à un pouvoir qui lui appartient (comme une décision grossièrement illégale, ou annulée par une juridiction), soit parce qu’elle exécute selon une procédure grossièrement illégale une décision même légale, et à condition que cet agissement porte atteinte à la propriété mobilière ou immobilière ou à une liberté publique. Les juges judiciaires deviennent alors compétents pour connaître de cette irrégularité, à titre exclusif en matière d’action en responsabilité, et concurremment avec les juges administratifs pour prononcer l’annulation de l’acte. »
■ Commissaire du gouvernement
« 1° Auprès du Tribunal des conflits, des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel, des formations contentieuses du Conseil d’État : ancienne appellation d’un membre de la juridiction chargé, en toute indépendance, de présenter à l’audience sous forme de « conclusions » son opinion sur la solution que lui paraissait appeler le problème juridique soumis à la juridiction.
Un décret du 7 janvier 2009 a remplacé cette appellation peu heureuse par celle, plus neutre, de rapporteur public. (…) »
« Compétence d’une juridiction en fonction de la nature des affaires, parfois aussi de leur importance pécuniaire.
Les règles de compétence d’attribution répartissent les litiges entre les divers ordres, degrés et nature de juridiction. »
Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ TC 8 février 1873, Blanco, GAJA, 18e éd., 2011, n° 1.
■ TC 30 juillet 1873, Pelletier, GAJA, 18e éd., 2011, n° 2.
■ TC 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest africain, GAJA, 18e éd., 2011, n° 36.
■ TC 28 mars 1955, Effimief, GAJA, 18e éd., 2011, n° 70.
■ TC 12 mai 1997, Société Baum, n° 03056.
■ TC 23 octobre 2000, Boussadar, n° 3127.
■ Article 89 de la Constitution de 1848
« Les conflits d'attributions entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire seront réglés par un tribunal spécial de membres de la Cour de cassation et de conseillers d'État, désignés tous les trois ans en nombre égal par leur corps respectif.
Ce tribunal sera présidé par le ministre de la justice. »
■ Code de justice administrative
« La saisine du Tribunal des conflits par les juridictions administratives en prévention des conflits négatifs obéit aux règles définies par l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 ci-après reproduit :
" Art. 34. - Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que ledit litige ressortit à l'ordre de juridictions primitivement saisi, doit par un jugement motivé qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal. " »
« Le renvoi par le Conseil d'Etat d'une question de compétence au Tribunal des conflits obéit aux règles définies par l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 ci-après reproduit :
" Art. 35. - Lorsque le Conseil d'Etat statuant au contentieux, la Cour de cassation ou toute autre juridiction statuant souverainement et échappant ainsi au contrôle tant du Conseil d'Etat que de la Cour de cassation, est saisi d'un litige qui présente à juger, soit sur l'action introduite, soit sur une exception, une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires, la juridiction saisie peut, par décision ou arrêt motivé qui n'est susceptible d'aucun recours, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur cette question de compétence. Il est alors sursis à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal. " »
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