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Droit constitutionnel
Portée juridique de la Charte de l’environnement
Mots-clefs : Question prioritaire de constitutionnalité, Charte de l’environnement, Portée juridique, Valeur constitutionnelle, Application directe
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier dernier par la Cour de cassation, d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions relatives aux troubles anormaux du voisinage aux droits et libertés garantis par la Charte de l’environnement de 2004.
Les requérant, propriétaires victimes de troubles causés par les clients d’un relais routier dont le parking était contigu à leur habitation, estiment que l'article L. 112-6 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), qui exonère —sous certaines conditions— l'auteur des dommages de toute responsabilité au titre des troubles anormaux du voisinage antérieurs à son occupation, méconnaitrait les articles 1er à 4 de la Charte de l'environnement de 2004.
Par une décision du 8 avril 2011 le Conseil Constitutionnel décide que l'article L. 112-6 CCH est conforme à la Constitution.
Les Sages estiment en effet que le principe de responsabilité est maintenu par le texte. L'article L. 112-16 CCH prévoit en effet des conditions strictes d'exonération puisque l'auteur des nuisances n'est exonéré de responsabilité que si l'activité est antérieure à l'installation de la victime du dommage et si ses activités s'exercent en conformité avec les lois et règlements. Par ailleurs, précise le Conseil, cette disposition ne fait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute. Ainsi, l'article L. 112-16 ne méconnaît donc pas le principe de responsabilité.
Cependant, dans cette décision, l’innovation réelle réside dans le fait que le juge constitutionnel se prononce pour la première fois sur la conformité d'une disposition législative au regard de la Charte de l'environnement dans le cadre de la procédure de QPC entrée en vigueur le 1er mars 2010. Cette analyse permet ainsi au Conseil d’apporter des précisions quant à la portée juridique de la Charte de l'environnement.
Par une décision du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, le Conseil avait affirmé la pleine valeur constitutionnelle de la Charte de l'environnement.
En l’espèce, le Conseil confirme que les droits et libertés énoncés par les articles 1er à 4 de la Charte sont invocables dans le cadre de la procédure de QPC. Les droits et devoirs proclamés par les articles 1er et 2 sont donc d'application directe et s'imposent « non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l'ensemble des personnes ». Il en résulte de que « chacun est tenu à une obligation de vigilance à l'égard des atteintes à l'environnement qui pourraient résulter de son activité » précise le Conseil. Cependant, les juges précisent qu’il appartient au législateur de définir les conditions dans lesquelles une action en responsabilité peut être engagée contre le pollueur sur le fondement de la violation de cette obligation de vigilance environnementale.
Décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre [Troubles du voisinage et environnement]
Références
« Texte à valeur constitutionnelle, qui place les principes de sauvegarde de l’environnement au même niveau que les droits de l’homme et du citoyen. La France est le premier pays à avoir inclus dans sa Constitution une telle charte (adoptée par le Congrès le 28 février 2005), en l’intégrant dans le Préambule de la Constitution, au même titre que la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789. Le Conseil constitutionnel (29 déc. 2009, Loi de finances) et le Conseil d’État (3 oct. 2009, commune d’Annecy) lui ont reconnu un plein effet juridique. »
« Désagrément causé par un voisin, auteur de nuisances diverses (bruits, odeurs, fumées, privation de vue, privation de lumière…), devant dépasser la mesure coutumière des obligations ordinaires du voisinage pour être source de responsabilité. Cette responsabilité est engagée sans faute et alors même que le trouble proviendrait d’une exploitation licite. »
Sources : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation
« Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. »
■ Charte de l’environnement de 2004
« Article 1er. — Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Article 2. — Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
Article 3. — Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences.
Article 4. — Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi. »
■ Cons. const., 19 juin 2008, décision n° 2008-564 DC.
■ L’arrêt de la Cour de cassation sur le renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel : Civ. 3e, 27 janv. 2011, n° 10-40.056.
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