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Procédure pénale
Rejet des QPC concernant les règles de prescription de l’action publique
Mots-clefs : Action publique, Prescription, Report, Délai, Crime, Délit, Connexité, Infraction dissimulée, Appropriation frauduleuse, QPC, Caractère sérieux
Les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à l’interprétation des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale ne présentent pas de caractère sérieux, selon l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, qui refuse leur renvoi au Conseil constitutionnel.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté les quatre QPC relatives à l’interruption du délai de prescription de l’action publique pour les délits dissimulés et les crimes rattachés à une infraction connexe non prescrite.
Ces quatre questions étaient posées, d’une part, de prévenus et de mis en examens soupçonnés d’avoir commis des abus de biens sociaux (ABS) et des abus de confiance (nos 11-90.032, 11-90.033, 11-90.025), d’autre part, d’un individu poursuivi pour assassinat et recel de vol d’arme (n° 11-90.042).
Concernant les trois premières affaires, qui concernaient des délits d’appropriation frauduleuse de biens, les juges du fond s’étaient appuyés sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour déclarer non prescrite l’action publique. En effet, la Haute cour, par un arrêt du 13 mai 1991, a décidé que « la prescription en matière d’abus de confiance ne court qu’à compter du jour où l’infraction est apparue à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique » (Crim. 13 mai 1991).
Cette jurisprudence a été généralisée à un certaines infractions dites « dissimulées » (recel d’ABS par ex., V. Crim. 6 févr. 1997), la caractérisation de la dissimulation étant laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond (V. jurisprudence ss art. 8 C. pr. pén., Dalloz 2011).
Dans la quatrième affaire, les juges avaient interrompu la prescription de l’action publique par le biais de la connexité, qui permet de rattacher entre eux des crimes et des délits lorsque les « coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité » (art. 203 C. pr. pén). Dans ce cas, « un acte ayant interrompu la prescription dans la poursuite d’une affaire, interrompt également la prescription de l’action publique dans une infraction connexe » (Crim. 28 mai 2003).
Concernant ces quatre questions, la Cour de cassation était donc confrontée à une question qui remettait en cause l’interprétation jurisprudentielle qu’elle fait des articles 7, 8 et 203 C. pr. pén., ce qui avait amené les avocats des requérants à demander le renvoi directement au Conseil constitutionnel. Ils craignaient en effet que la Cour ne soit pas impartiale dans son appréciation. La Cour rejette cette requête préalable, aux motifs « qu’il n’existe aucune autre juridiction du même ordre et de même nature qui pourrait se prononcer. » La Cour enfonce le clou en énonçant que « Poussé jusqu’à l’absurde, un tel raisonnement [la] mettrait d’ailleurs […] dans l’impossibilité d’accomplir sa mission, dès lors que les justiciables invoquent le plus souvent devant elle sa propre jurisprudence, qui n’est pas figée » (V. communiqué de la Première présidence).
Dès lors, la Cour de cassation devait examiner les conditions d’admission posées par l’article 23-4 de la Loi organique sur le Conseil constitutionnel. Elle admet que les QPC s’appliquent bien à chaque espèce, et n’ont pas déjà fait l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel. Toutefois, la Cour rejette les QPC en constatant qu’elles ne présentent pas un caractère sérieux.
En effet, les requérants estimaient que cette interprétation des articles du Code de procédure pénale contredisait les principes constitutionnels de prescription de l’action publique, de prévisibilité de la loi pénale, et du principe de légalité de la loi pénale (art. 8 DDHC). L’Assemblée plénière rejette ces arguments en constatant d’abord que sa jurisprudence ne heurte pas un principe à valeur constitutionnelle (prescription de l’action publique), qu’elle est prévisible (la jurisprudence est « ancienne, connue, constante et repose sur des critères précis et objectifs ») et qu’il est assuré au justiciable un recours effectif devant une juridiction, ce qui est conforme à l’art. 8 DDHC.
Soulignons que cette jurisprudence répressive qui vise à ne pas laisser impunis des crimes et des délits qui auraient été dissimulés ou passés sous silence, est en accord avec la politique pénale du législateur, qui a par exemple reculé le point de départ de la prescription, pour les crimes sexuels commis sur des mineurs, à la majorité de ces derniers, et allongé le délai de prescription à 20 ans (Loi du 9 mars 2004, art. 7 C. pr. pén.).
Ass. plén. 20 mai 2011, nos 11-90.032, 11-90.033, 11-90.025 et 11-90.042, Communiqué de la Première présidence
Références
« Hypothèse légale de prorogation de compétence tenant à des liens étroits entre plusieurs infractions, soit qu’il y ait de l’une à l’autre unité de temps, de lieu ou de dessein, soit qu’une relation de cause à effet les unisse, soit qu’il y ait encore recel après appropriation illicite d’une chose. »
« Crime ou délit consistant à dissimuler, détenir, transmettre directement ou indirectement une chose en sachant qu’elle provient d’un crime ou d’un délit, à bénéficier en connaissance de cause du produit d’un crime ou d’un délit ou encore à soustraire à la justice des personnes responsables d’infraction ou le cadavre de la victime d’un homicide ou décédée à la suite de violences. »
■ Prescription de l’action publique
« Principe selon lequel l’écoulement d’un délai (10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits, 1 an pour les contraventions) entraîne l’extinction de l’action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible.
Il existe aussi des délais spéciaux parfois plus longs (30 ans pour les crimes de terrorisme par ex.), parfois plus courts (3 mois pour les délits de presse par ex.).
Ces délais peuvent être interrompus par des actes de poursuite ou d’instruction, anéantissant le délai déjà écoulé ou suspendus en cas d’obstacles de droit ou de fait à leur écoulement. Il en est ainsi des procès-verbaux dressés dans le cadre de l’enquête préliminaire qui interrompent le délai de la prescription ou d’une demande d’autorisation de poursuite adressée à la chambre à laquelle appartient un parlementaire qui suspend son écoulement. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
Article 7
« En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite.
S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite.
Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers. »
Article 8
« En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues ; elle s'accomplit selon les distinctions spécifiées à l'article précédent.
Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés à l'article 706-47 et commis contre des mineurs est de dix ans ; celui des délits prévus par les articles 222-12, 222-30 et 227-26 du code pénal est de vingt ans ; ces délais ne commencent à courir qu'à partir de la majorité de la victime.
Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2,311-3,311-4,313-1,313-2,314-1,314-2,314-3,314-6 et 321-1 du code pénal, commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. »
Article 203
« Les infractions sont connexes soit lorsqu'elles ont été commises en même temps par plusieurs personnes réunies, soit lorsqu'elles ont été commises par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux, mais par suite d'un concert formé à l'avance entre elles, soit lorsque les coupables ont commis les unes pour se procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l'exécution ou pour en assurer l'impunité, soit lorsque des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit ont été, en tout ou partie, recelées. »
■ Article 61-1 de la Constitution
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.
Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
■ Article 23-4 de l’Ordonnance du 7 nov. 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel
« Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l'article 23-2 ou au dernier alinéa de l'article 23-1, le Conseil d'État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux. »
■ Article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
■ Crim. 13 mai 1991, Dr. Pén. 1991. Comm. 258, obs. Véron.
■ Crim. 6 févr. 1997, Bull. crim. n° 48 ; D. 1997. 334, obs. Renucci ; JCP 1997. II. 22823.
■ Crim. 28 mai 2003, Bull. crim. n° 108 ; JCP 2003 IV. 2370.
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