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[ 4 février 2016 ] Imprimer

La condamnation d’avocat.net

Par un arrêt du 18 décembre 2015, la cour d’appel de Paris vient d’accueillir les prétentions du Conseil national des barreaux dans une affaire importante concernant une plateforme privée de mise en relation des particuliers avec des avocats. Stéphane Bortoluzzi, directeur général du Conseil national des barreaux, a bien voulu répondre à nos questions.

En quoi consiste l’usage illicite du titre d’«avocat » ?

Le titre II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 prévoit pour la protection du domaine d’activité de l’avocat quatre incriminations : l'exercice illégal du droit (art. 66-2) et de la profession d'avocat par activité de représentation (art. 72), le démarchage juridique (art. 66-4) et l'usage illicite du titre d'avocat (art. 74). Le mot avocat n’est pas un titre conféré à une personne en raison de qualités qui lui sont propres, mais a pour fonction de désigner une profession pour laquelle les articles 1er et 4 de la loi du 31 décembre 1971 posent des conditions précises d’admission et d’exercice. Ce titre est réservé aux avocats inscrits à un barreau, sauf les avocats ayant cessé leur activité, qui portent le titre d’avocat honoraire.

Quelles pratiques comparatives ne peuvent pas être appliquées aux avocats ?

Par un jugement du 30 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris, saisi par le Conseil national des barreaux, a enjoint sous astreinte à une société commerciale de procéder à la radiation du nom de domaine déposé « avocat.net ». Les juges de première instance ont retenu que l’usage de cette dénomination, sans adjonction d’autres termes, était de nature à laisser penser à l’internaute que le site ainsi désigné était exploité par des avocats ou que les services proposés émanaient d’avocats. Le tribunal a interdit également à la société l’usage du slogan « premier comparateur d’avocats » jugé trompeur, dès lors que la comparaison ne portait que sur le prix des avocats inscrits sur le site. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 décembre 2015 qui retient le chef d’exercice illégal du droit et étend l’interdiction de la mention trompeuse « comparateur d’avocats n° 1 en France » aux nouveaux slogans « comparez les avocats » et « comparateurs d’avocats » adoptés en cours d’instance.

Comment la déontologie de la profession s’applique-t-elle au tiers non avocat ?

Les juges d’appel reconnaissent l’opposabilité de la déontologie de l’avocat aux tiers en admettant que « la violation d’une obligation déontologique par un tiers non soumis à son application peut être constitutive d’une faute délictuelle à l’égard de ceux qui sont tenus au respect de cette obligation et dont le CNB est recevable à prétendre en subir un préjudice ». La cour d’appel condamne aussi le système de notation des avocats par les internautes mis en place sur la nouvelle version du site.

Quelle est la singularité de la prestation juridique de l’avocat par rapport à un acte de commerce ?

Les restrictions du titre II de la loi du 31 décembre 1971 sont justifiées au regard du droit européen par des raisons impérieuses d’intérêt général tenant à la protection du consommateur, aux conditions de compétence, de moralité et d’assurance que doit avoir tout prestataire habilité à donner des consultations ou rédiger des actes juridiques. À ce titre, les prestations juridiques sont considérées comme un service complexe qui doit être réservé aux seuls titulaires d’une qualification professionnelle particulière. Le régime des incompatibilités, qui trouve son fondement dans le principe d’indépendance de l’avocat, lui interdit par ailleurs l’exercice de toute activité commerciale.

Faut-il souhaiter un arrêt de la Cour de cassation sur cette affaire ?

À ce jour, les condamnations prononcées à l’encontre de la société exploitant le site ont été réglées et aucun pourvoi n’a été formé. Il est vrai que l’opposabilité aux tiers de la déontologie de la profession d’avocat n’a pas manqué d’étonner certains auteurs. La Cour de cassation aura certainement l’occasion de se prononcer, dans cette affaire ou une autre, sur cette question.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ?

La soutenance de thèse reste incontestablement un moment particulier de ma vie d’étudiant par sa solennité. Le port du titre de docteur en droit, au-delà d’un simple titre universitaire, a aussi constitué une ouverture sur le monde professionnel.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Joseph K., héros de Franz Kafka (Le Procès) soumis aux rigueurs de la justice.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Le principe d’égalité qui figure dans la devise de la République française.

Références

 Paris, 18 déc. 2015, n° 15/03732.

■ TGI Paris, 30 janv. 2015, n° 13/00332.

 

Auteur :M. B.


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