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[ 11 mai 2017 ] Imprimer

Le Brexit et l’Union européenne

L’activation de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne par le Premier ministre britannique est désormais une réalité tangible tandis que le traité de Rome fête en 2017 ses 60 ans. Vincent Bouhier, maître de conférences à l’Université d’Évry, doyen, répond à nos interrogations sur le sujet.

Que prévoit l’article 50 du traité sur l’Union européenne ?

L’article 50 TUE prévoit la possibilité pour un État membre de demander son retrait de l’Union européenne. Il s’agit d’une procédure introduite avec le traité de Lisbonne. À l’origine de la construction européenne, au moment du traité de Rome du 25 mars 1957, l’adhésion était considérée comme indéfinie et irréversible.

L’article 50 TUE est très sommaire quant aux conditions de la mise en œuvre de cet article. Tout d’abord, il revient à l’État concerné de déclencher la procédure quand il l’estime opportun. Ceci signifie tout d’abord que la procédure ne peut en aucun cas constituer une sanction déguisée face à des divergences entre un État et les autres États membres ou les institutions de l’Union. Ensuite, les procédures internes à l’État pour décider s’il est utile de déclencher cet article n’ont aucune incidence sur les rapports avec l’Union et n’entraîne jamais son déclenchement automatique. C’est ainsi que malgré le référendum en juin 2016, l’article 50 n’aura été déclenché que le 29 mars et n’aurait pu jamais être déclenché si les Britanniques avaient décidé de réviser leur position.

À quelle date les traités de l’Union cesseront de s’appliquer aux Britanniques ?

L’article 50 TUE organise très peu le retrait. Cependant un élément est explicitement indiqué, l’État concerné et l’Union européenne ont deux ans à partir du déclenchement de la procédure pour déterminer les conditions de leurs nouvelles relations par la négociation d’un nouveau traité. Le déclenchement de la procédure intervenant le 29 mars 2017, les traités de l’Union cesseront en théorie de s’appliquer le 30 mars 2019. Cependant cette date reste très théorique au regard de trois hypothèses principales :

- la première, si un accord intervient avant le terme des deux ans, celui-ci prendra alors effet, remettant en cause l’application des traités actuels ;

- la seconde hypothèse est qu’aucun accord n’a été trouvé au terme de ce délai. Il est possible que le Conseil de l’Union, en accord avec les Britanniques, souhaite, au regard des enjeux, poursuivre les négociations qui pourraient alors continuer sans durée prédéfinie. Le texte ne prévoit pas si le Conseil prend cette décision à l’unanimité ou à la majorité qualifiée, laissant une incertitude. L’absence de précision laisse penser que la procédure de la majorité qualifiée serait sans doute mise en œuvre ;

- la troisième hypothèse est que le traité négocié maintienne l’application de certaines dispositions liées notamment au marché intérieur ou à certaines politiques liées à la sécurité. Les traités pour ces parties-là ne cesseront pas alors de s’appliquer. Il est probable que cette hypothèse s’applique aux résidents britanniques et européens installés réciproquement dans l’Union ou au Royaume.

Qu’y a-t-il à négocier entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ?

Il y a beaucoup de sujets à négocier avec les Britanniques, soit dans l’intérêt du Royaume-Uni, soit de l’Union européenne, même si l’approche est à ce stade d’avoir une séparation dure afin de dissuader tout autre État de déclencher la procédure et qu’il faudra régler au préalable le volet financier. Les Britanniques n’ont pas versé la part totale de leur contribution au budget.

Cependant des négociations devront absolument intervenir sur le devenir des ressortissants de l’Union installés au Royaume-Uni, et inversement, afin de préciser à quelles conditions ils pourront y demeurer, quelle sera la protection sociale envisagée. Il existe également des solutions à trouver en matière de libre circulation des capitaux pour les libertés de circulation. Il faudra également envisager les questions de défense, de sécurité, de coopération policière dont la gestion relève aujourd’hui de textes européens. Il existe ensuite des problèmes spécifiques, notamment pour la France, qui concernent la gestion des zones de pêche. Les pêcheurs français pourront-ils toujours accéder aux zones de pêche britannique, notamment autour des Îles anglo-normandes ? Il faudra également régler le problème des migrants en situation illégale qui sont par des accords spécifiques retenus actuellement en France. Ce ne sont que quelques sujets, d’autres vont apparaître au fur et à mesure des négociations. Il est certain que les négociations seront complexes et longues étant donné qu’il s’agit de créer une nouvelle relation avec le Royaume-Uni qui demeure un allié et un partenaire commercial

Quels accords seront possibles entre le Royaume uni et les États membres de l’Union ?

Il est impossible à ce jour de déterminer quels seront les accords. En effet, ceci dépend à la fois des Britanniques, de l’Union, mais également des autres États membres de l’Union. Il n’y a pas actuellement une position qui fait consensus sur les relations à construire avec le Royaume-Uni. Les incertitudes des élections présidentielles françaises et législatives en Allemagne ne facilitent pas l’approche.

En outre l’éventuel accord négocié sera soumis côté Britannique au consentement du Parlement. Les prétentions ne sont pas davantage définies, compliquant toute anticipation.

Dans ces conditions, un accord, comme l’absence, d’accord, sont deux solutions parfaitement envisageables. Tout comme dans l’absolu, le Royaume-Uni pourrait renoncer à son retrait et mettre fin à la procédure en accord avec l’Union.

Que pensez-vous du « Frexit » ?

L’histoire française et les intérêts français ne sont pas comparables aux Britanniques. Nous sommes une nation continentale dont les liens avec nos pays voisins sont indispensables et nos frontières communes et terrestres. En outre, l’Europe a apporté à la France la paix avec ses voisins, ce qui n’avait jamais été le cas lors des siècles précédents. Les imperfections de l’Union européenne, si elles existent, ne peuvent masquer les effets bénéfiques de cette intégration, y compris sur le plan économique. Il s’agit aujourd’hui d’un débat qui prospère dans le cadre de l’élection présidentielle, mais qui se heurte à l’attachement d’une majorité de Français à l’Union qui ont été contrairement aux Britanniques à l’origine de cette aventure. Enfin la France n’a pas la culture d’une île.

À titre personnel, ce serait une erreur et j’ai toujours conscience que je fais partie de la première génération à ne pas avoir été mobilisée pour faire la guerre grâce à l’ambition de quelques hommes qui ont négocié et accepté le traité de Rome dont nous avons fêté les soixante ans.

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Mon mémoire de maîtrise dont l’objet d’étude était déjà sur l’Union européenne. Le sujet était « le groupe de Visegrad » et il était pour le moins énigmatique. Je l’ai finalement choisi par défi. Ce mémoire m’a donné un sentiment de liberté dans l’organisation de mon travail et une occasion d’apprendre différemment, de donner plus de sens aux règles juridiques. Cette première confrontation avec la recherche, sans avoir une quelconque idée de la manière de l’aborder, m’a donné le virus de la recherche. 

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Erin Brockovich, sans aucun doute. Ce personnage, qui a certes existé, est marquant à la fois par son combat sans concession à l’égard d’abord des personnes et ensuite pour sa volonté de protéger l’environnement. Il me plaît que l’individu soit au centre de son action, d’autant plus lorsque ceux-ci sont résignés. Sa volonté montre que même si tout combat, y compris juridique, est inégal, rien n’est impossible.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Le droit à l’accès aux documents consacré en droit de l’Union. Ce droit est essentiel à toute démocratie, dont l’existence n’est jamais acquise, afin que les citoyens aient les moyens d’être un contrepoids aux gouvernants à qui ils ont juste confié un mandat. L’accès aux documents est une source de vitalité et permet à chacun d’être responsable de ses actes.

 

Auteur :M. B.


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