Actualité > Focus sur...

Focus sur...

[ 27 mars 2015 ] Imprimer

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Nommée par décret du 17 juillet 2014, Adeline Kazan est le deuxième Contrôleur général des lieux de privation de liberté depuis la création de cette autorité indépendante en 2008. Auparavant, elle a exercé les fonctions de magistrat de 1980 à 1995 avant d’être élue députée européenne de 1999 à 2008, puis maire de Reims de 2008 à 2014 et, enfin, conseillère municipale et conseillère de l’agglomération rémoise. Elle répond à nos questions sur ses fonctions à l’occasion de la parution du rapport 2014 de l’institution.

Qui nomme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

Conformément à l’article 2 de la loi du 30 octobre 2007 ayant institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, celui-ci est nommé par décret du président de la République, après avis de la commission compétente de chaque Assemblée, pour un mandat non renouvelable d’une durée de six ans.

Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l’expiration de son mandat qu’en cas de démission ou d’empêchement. Les fonctions de Contrôleur général étant incompatibles avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif, je me consacre exclusivement à l’exercice de cette mission.

Quel est son périmètre d’activité ?

Le Contrôleur général est amené à s’intéresser à l’ensemble des lieux de privation de liberté afin de s’assurer du respect des droits fondamentaux des personnes qui y sont retenues.

Si on associe très largement la privation de liberté avec le milieu carcéral, sa mission ne s’arrête pas au contrôle des établissements pénitentiaires. Je suis également amenée à garantir ces droits dans les autres lieux de privation de liberté : des établissements de santé (établissements ou unités recevant des personnes hospitalisées sans leur consentement, chambres sécurisées au sein des hôpitaux, unités pour malades difficiles, unités médico-judiciaires), des établissements placés sous l’autorité conjointe du ministère de la Santé et du ministère de la Justice, des locaux de garde à vue, des locaux de rétention douanière, des centres et locaux de rétention administrative des étrangers, des zones d’attente des ports et aéroports, des dépôts ou geôles situés dans les tribunaux, des centres éducatifs fermés et aussi de tout véhicule permettant le transfèrement des personnes privées de liberté.

Depuis la loi du 26 mai 2014, je suis également compétente pour contrôler l’exécution matérielle des procédures d’éloignement de personnes étrangères jusqu’à leur remise aux autorités de l’État de destination.

Quels sont vos moyens ?

Je suis aidée d’une quarantaine de contrôleurs qui se répartissent en deux pôles.

Les contrôleurs chargés des saisines ont pour mission de traiter les courriers qui me sont adressés. Des investigations auprès des établissements concernés sont effectuées lorsque les faits portés à ma connaissance paraissent attentatoires aux droits fondamentaux d’une personne privée de liberté. Dans ce cadre, le Contrôleur général peut demander à ce que soit remis tout document jugé utile et se déplacer au sein de l’établissement concerné.

Les contrôleurs chargés des visites sont habilités à effectuer des visites régulières dans tout lieu où pourraient se trouver des personnes privées de liberté. Ils effectuent environ 150 visites par an. Le Contrôleur général choisit librement les établissements qu’il entend visiter. Bien entendu, les courriers de saisine qu’il reçoit sont de nature à le guider dans son choix. Ces visites peuvent être soit programmées, soit inopinées. À l’issue des visites, le Contrôleur général adresse au(x) ministre(s) concerné(s) un rapport de visite puis des recommandations qu’il peut rendre publiques et remet chaque année un rapport d’activité au président de la République et au Parlement.

Qu’est-ce qui différencie le contrôle sur les prisons de celui sur les centres de rétention administrative ou les hôpitaux psychiatriques, par exemple ?

La majeure différence repose sur la quantité de courriers reçus par mes services : 90 % des saisines portent sur des établissements pénitentiaires. Pour autant, les visites s’effectuent dans tous ces lieux avec la même attention et la même méthode consistant à recueillir les témoignages de toutes les personnes rencontrées sur place. Les équipes sont formées de contrôleurs aux profils variés qui ne sont pas spécialisés dans le contrôle d’un type d’établissement particulier. L’ensemble des établissements pénitentiaires a déjà été visité par le Contrôle général au moins une fois depuis sa création. Je souhaite qu’il en soit de même pour les établissements hospitaliers concernés, avant la fin de mon mandat.

Quelles sont les principales recommandations du rapport 2014 ?

Le rapport annuel de 2014 est celui d’une année de transition puisque j’ai pris mes fonctions durant l’été 2014. Des positions importantes ont été prises durant cette année comme la recommandation en urgence du 26 mars 2014 sur le quartier des mineurs de la Maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, l’avis du 6 février 2014 sur la rétention de sûreté, l’avis du 3 juin 2014 sur la situation des étrangers détenus et l’avis du 24 mars 2014 sur l’encellulement individuel.

Dans ce rapport, nous avons voulu insister sur les personnes privées de liberté comme sujets, et comme sujets de droits, notamment à travers la question de leur autonomie et du traitement de leurs requêtes. En effet, malgré des avancées dans la prise en charge des personnes privées de liberté, on constate que, tant l’architecture des établissements que le traitement des demandes au quotidien, font trop souvent prévaloir les fonctions d’enfermement et de surveillance dans les prisons, d’isolement et de soins dans les hôpitaux psychiatriques et de maintien à la disposition de la justice concernant la garde à vue ou les centres de rétention administrative.

 

Le questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? Ou le pire ?

Mon meilleur souvenir d’étudiante est mon admission au concours d’entrée à l’École nationale de la magistrature en 1978.

Quel est votre héros de fiction préféré ?

N’ayant pas par nature le culte du « héros », je ne peux pas vous citer UN nom, mais ceux de quelques personnages qui, dans la littérature, ont marqué mon enfance ou mon adolescence : le Grand Meaulnes, d’Alain-Fournier, Nana, de Zola ou le petit Prince de Saint-Exupéry.

Quel est votre droit de l’homme préféré ?

Je ne peux pas faire de hiérarchie entre les différents droits de l’homme. Si le droit à l’intégrité physique ne peut supporter aucune restriction, les autres droits (santé, vie privée, éducation…) sont absolument fondamentaux.

 

 

Références

■ Site : http://www.cglpl.fr/

■ Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport d'activité 2014, Dalloz, 2015.

■ Loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (JO 31 oct.)

Article 2

« Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est nommé en raison de ses compétences et connaissances professionnelles par décret du Président de la République pour une durée de six ans. Son mandat n'est pas renouvelable.

Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions.

Il ne peut être mis fin à ses fonctions avant l'expiration de son mandat qu'en cas de démission ou d'empêchement.

Les fonctions de Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont incompatibles avec tout autre emploi public, toute activité professionnelle et tout mandat électif. »

 

 Loi n° 2014-528 du 26 mai 2014 modifiant la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (JO 27 mai).

 


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr