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[ 11 janvier 2013 ] Imprimer

Le pôle « Déontologie de la sécurité » du Défenseur des droits

S'orienter, étudier, passer des concours, suivre des stages, découvrir un métier, décrocher un contrat… Autant d'étapes importantes qui soulèvent, pour chaque étudiant, un foisonnement de questions. Afin de démêler les réalités des idées reçues, Dalloz Actu Étudiant a décidé de décrypter tous les mois les spécificités d'un métier du droit à partir du témoignage d'un professionnel.

Après avoir découvert la CNIL, Dalloz Actu Étudiant s'est intéressé à une autre autorité administrative indépendante : le Défenseur des droits, issu de la réunion en 2011 des anciennes institutions du médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Rencontre avec Benoît Narbey et Samantha Enderlin, respectivement chef et rapporteur du pôle « Déontologie de la sécurité » du Défenseur des droits chargé de contrôler les éventuelles défaillances déontologiques des forces de l'ordre (policier, gendarmes, surveillants, douaniers, agents des transports en commun, vigiles de sociétés privées…), etc.

Quel a été votre parcours jusqu'à aujourd'hui ?

Samantha Enderlin : « Je suis docteur en droit depuis 2008. J'ai fait une thèse sur l'évolution croisée du droit pénitentiaire et l'application de la peine de prison au regard de la Cour européenne des droits de l'homme et du droit constitutionnel. Parallèlement j'enseignais à Nanterre des travaux dirigés de droit pénal et de procédure pénale et j'ai travaillé huit ans au Répertoire Dalloz en tant que collaborateur extérieur jusqu'à la fin de ma thèse. En même temps, je suis devenue secrétaire générale de l'Association française de criminologie et secrétaire de la bourse réinsertion détenus gérée par cette association. J'étais enfin intervieweuse pour le site d'information collection-privee.org sur les questions pénales et la criminologie. Toutes ces expériences m'ont donné une connaissance transversale du droit et quand j'ai eu terminé ma thèse, je suis devenue salariée chez Dalloz à l'AJ pénale avant d'être engagée à la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité). Le 1er avril 2011, l'institution a été remplacée par le Défenseur des droits. Les contrats des salariés de la CNDS ont été repris par le Défenseur des droits, dont le mien. »

Qu'est-ce que vous appréciez en particulier dans ce métier de rapporteur ?

Samantha Enderlin : « J'aime essayer d'améliorer les pratiques en matière de déontologie de la sécurité. Personnellement cela oblige à travailler de manière rigoureuse, à viser l'impartialité et l'indépendance. Nous devons régulièrement faire des recommandations d'ordre général, c'est le but de notre travail qui est intéressant. C'est aussi très intéressant d'apprendre le métier d'enquêteur, d'ordinaire réservé aux magistrats ou aux policiers. De plus, nous faisons régulièrement des recommandations d'ordre individuel comme des demandes de poursuites disciplinaires, ou d'ordre général, ce qui impose d’être toujours au fait des évolutions textuelles ou jurisprudentielles dans notre domaine. Par la voix du Défenseur des droits, nous pouvons mettre en exergue, des pratiques déviantes ou des difficultés récurrentes. À l'occasion d'une enquête relative à l’usage du flashball super pro, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait une distance d'imprécision de 30 à 40 centimètres pour un tir à dix mètres, ce qui rend donc l’usage de cette arme très délicate pour les forces de l’ordre. Nous l'avons dénoncé dans une décision, et une étude est menée en interne par le ministre de l’Intérieur sur l'arme en question. Nous pouvons avoir du poids sur le devenir de certaines choses. Le Défenseur des droits est aussi compétent que la CNCDH (ndlr Commission nationale consultative des droits de l'homme) pour suivre l'exécution des mesures prises. Nous avons donc une grande légitimité, et un rôle de rappel. C’est également passionnant de voir « de l’intérieur » comment fonctionnent au quotidien des institutions telles que la police ou la gendarmerie et de comprendre les enjeux. »

Dans le cadre de vos enquêtes, vous êtes amenés à réaliser des auditions. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce différent de celles effectuées par les juges ?

Samantha Enderlin : « Nous laissons trois semaines de délai entre l'envoi de nos convocations et le jour de l'audition pour que les plaignants et les personnes mises en cause aient le temps de préparer leurs arguments. Ils peuvent se faire assister d'un avocat ou d'une personne de leur choix, sauf s'il s'agit d'une personne qui a participé aux faits. Ce sont des moments que les agents mis en cause appréhendent car c’est difficile pour eux de devoir s’expliquer devant des personnes extérieures à leur institution, et de se soumettre à un contrôle supplémentaire à ceux effectués en interne ou lors d’une enquête judiciaire. Mais le dialogue est souvent intéressant. L’audition porte sur le déroulement matériel des faits, mais il y a aussi une part d'échange sur les pratiques, le contexte de l’intervention ou encore le fonctionnement du service. Par ailleurs, si à un moment la personne souhaite reformuler ses propos, nous modifions le procès-verbal, sauf bien sûr en cas de contradiction totale avec la première version des faits, auquel cas ce revirement serait indiqué. Un point qui nous différencie des magistrats lors de la phase de la rédaction et de l’adoption de la décision, c'est que le Défenseur des droits ne statue pas en fonction de son intime conviction. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer en présence de versions contradictoires des faits et en l’absence d’autre élément de preuve. »

Depuis l'époque de la CNDS dont vous étiez le secrétaire général, les relations avec vos interlocuteurs administratifs ont-elles évolué ? De quelle manière ?

Benoît Narbey : « Depuis qu'est née l'institution du Défenseur des droits, les relations avec les juridictions et les administrations se sont nettement améliorées. Aujourd'hui, nos échanges vont au-delà de la transmission des pièces de dossier qui d'ailleurs se réalise beaucoup plus facilement. Avant nous passions par le niveau départemental et cela pouvait prendre un certain temps. À présent, nous les obtenons en un mois, un mois et demi maximum. Quant aux ministères de la Justice et de l'Intérieur, leurs réponses témoignent d’une meilleure prise en compte des décisions du Défenseur par rapport aux avis de la CNDS, notamment sur les demandes d’engagement de poursuites disciplinaires contre des agents mis en cause, qui n’étaient jamais suivies jusque-là. »

Dans quelles directions l'institution, et en particulier votre pôle Déontologie de la sécurité, souhaite-t-elle avancer ?

Benoît Narbey : « Nous aimerions bien développer le réseau international. Dans ce sens l’adjointe du Défenseur et des agents se sont déjà rendus à Madrid, au Québec et à Londres. L'idée est d'étudier la façon dont les autres pays fonctionnent, de voir si nous avons des sujets communs de préoccupation et de chercher comment évoluer positivement grâce au droit comparé. Nous cherchons aussi à développer notre présence dans les écoles de formation (pénitentiaire, militaire, de police et gendarmerie nationale) en multipliant nos interlocuteurs, nous voulons former les gradés mais aussi les surveillants et les gendarmes. Et nous aimerions passer par davantage de médiation. Sur ce point, nous prévoyons de faire appel à des délégués de l'institution qui ont ces compétences-là, ce sont des personnes qui étaient avant chez le médiateur de la République, à la HALDE et chez la Défenseur des enfants. Nous leur faisons une fiche dans laquelle nous leur expliquons les situations pour lesquelles nous pensons qu'il pourrait être utile d'intervenir par la médiation. Il y a un vrai décloisonnement aujourd'hui avec la réunion de toutes ces équipes au sein de l'institution du Défenseur des droits. Nous découvrons d'autres expériences professionnelles, nous nous enrichissons des pratiques des autres. De vrais échanges sont ainsi créés, ce sont des atouts certains. »

 

Questionnaire de Désiré Dalloz

Quel est votre pire ou meilleur souvenir d'étudiant ?

Samantha Enderlin : « Je dois mon pire souvenir à mes cours de comptabilité publique. J'ai un problème de logique de colonne et donc ça a été très difficile. J'ai eu aussi du mal à comprendre la logique jurisprudentielle au début de mes cours de droit administratif en licence. Mais ça s’est arrangé par la suite. Aujourd’hui je me sens plus publiciste que privatiste et je le serais totalement si le pénal était rattaché dans le droit public ! Mon meilleur souvenir c'est ma découverte de Beccaria et mes cours de droit pénal. Là j'ai su que je voulais faire du pénal, et aussi que j'allais rester en droit. »

Quel est votre héros de fiction préféré ?

Samantha Enderlin : « Quand j’étais enfant, sans hésiter, c’était Albator. Je le trouvais vraiment très classe et il luttait pour sauver la Terre. Je me sentais tout de suite plus concernée que pour une autre planète ! Il y avait aussi beaucoup de références à la mythologie, à l’honneur, etc. Aujourd’hui, je n’ai pas vraiment de personnage de fiction préféré. »

Quel est votre droit de l'homme préféré ?

Samantha Enderlin : « La liberté d'aller et venir parce qu'il suffit de rentrer dans une prison et de traverser un couloir, d'imaginer qu'il y a une, deux ou trois personnes enfermées derrière chaque porte pour se rendre compte de ce que représente la privation de liberté. »

 

Carte d'identité du juriste

Depuis la création du Défenseur des droits en 2011, incarné par Dominique Baudis, on observe une continuité par rapport aux missions auparavant assurées par les institutions dissoutes, avec quelques apports. Les salariés sont les mêmes, appuyés par de nouvelles recrues, les pouvoirs et procédures sont identiques mais renforcés par quelques nouveaux outils, et l'actuelle transversalité entre les services permet une efficacité supérieure à celle de l'ancien système.

▪ Les chiffres

– 220 personnes travaillent pour le compte du Défenseur des droits, ainsi que 450 délégués territoriaux bénévoles.

– La structure bénéficie de 8 départements et de 19 pôles.

– 402 dossiers ont été soumis par le pôle Déontologie de la sécurité entre le 1er janvier et le 1er novembre 2012, contre 185 sur toute l'année 2010. Néanmoins, les manquements dénoncés par le pôle n'ont pas augmenté pour autant.

– 58,8 % des saisines relevées au cours de l'année concernent la police, 17,6 % la gendarmerie, 8,8 % l'administration pénitentiaire, 5,9 % la sécurité privée, 5,9 % sont hors des compétences du pôle, 3 % concernent la sécurité des transports et 2,9 % sont juste des saisines pour information, sans volonté de déclencher une enquête.

Le pôle a été saisi de 4 cas de décès au cours d'interpellation du 1er janvier au 1er novembre 2012, de 106 cas de violence et de 109 contestations de mesure sur la même période.

▪ La formation et les conditions d'accès

La formation des collaborateurs du Défenseur des droits est souvent juridique. Au sein du pôle Déontologie de la sécurité en particulier, les rapporteurs ont tous un profil juridique. Un Bac+5 est exigé à l'entrée, une connaissance des Codes pénal et de procédure pénale en particulier, ainsi que 5 à 7 années d'expérience.

▪ Les domaines d'intervention

Les missions du Défenseur des droits sont les suivantes :

– défendre les droits et libertés individuels dans le cadre des relations avec les administrations ;

– défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant ;

– lutter contre les discriminations prohibées par la loi et promouvoir l’égalité ;

– veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité.

▪ Le salaire

Il suit la grille de salaire des contractuels de la fonction publique, selon le niveau de responsabilités et l'ancienneté.

▪ Les qualités requises

Probité, impartialité, diplomatie, pédagogie, réactivité, transversalité, indépendance, engagement, écoute, patience, capacité d'analyse.

▪ Les règles professionnelles

Devoir d'indépendance et d'impartialité, devoir d'intégrité, devoir de neutralité, devoir de réserve, devoir de discrétion, respect du secret professionnel, devoirs de diligence et de rigueur pour chacun des salariés et des délégués bénévoles de l'institution.

▪ Les sites Internet

– Défenseur des droits : http://www.defenseurdesdroits.fr/

– Ancienne Commission nationale de déontologie de la Sécurité (CNDS) : www.cnds.fr/

 

Auteur :A. C.


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