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[ 8 décembre 2025 ] Imprimer

Faut-il revoir le cadre juridique d’adoption des lois de finances ?

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet l’a annoncé : le budget 2026 doit être le dernier discuté de cette façon… (Richardot et Rousseau, « Yaël Braun-Pivet : “Ce budget doit être le dernier discuté de cette façon-là” », Le Monde, 20 nov. 2025, ici).

Cela apparaît évident, la composition de l’Assemblée nationale ne facilite pas l’adoption du texte financier. Pour les deux précédentes lois de finances mais également pour les lois de financement de la sécurité sociale, les Gouvernements concernés avaient eu recours à l’article 49 al. 3 de la Constitution ; cela avait conduit au renversement du Gouvernement Barnier qui avait engagé sa responsabilité sur le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 (2 déc. 2024).

Pour l’examen du projet de loi de finances pour 2026, le Parlement a été placé devant une situation inattendue, Sébastien Lecornu ayant fait part de son intention de ne pas forcer l’adoption des textes financiers en ne recourant pas au 49 al. 3.

Le Parlement se trouvait ainsi dans la situation d’exercer pleinement ses compétences, obligé de s’accorder sur le contenu du texte financier pour qu’il soit adopté dans les temps.

Un véritable cadeau empoisonné… car il ne fallait pas être grand clerc pour deviner qu’en l’état de la composition de la chambre basse, il allait être très difficile pour ne pas dire impossible d’adopter le texte dans les délais.

Finalement, l’Assemblée nationale décidait de rejeter la première partie de la loi de finances (volet recettes) – Rejet par 404 voix ; une seule voix s’étant exprimée pour l’adoption de cette partie… (21 nov. 2025).

Se trouvent ainsi placées en évidence, les limites de l’exercice parlementaire alors que le Parlement est apparu incapable de saisir l’opportunité que lui offrait le refus du Gouvernement de recourir au 49 al. 3. Stratégiquement, c’est finement joué – si d’aventure telle était l’intention du Gouvernement Lecornu… Car bien évidemment, il ressort de cette séquence, une piètre image du travail parlementaire.

Certains en tirent la conséquence que le cadre d’adoption de ces textes financiers, n’est pas adapté. Ce qui est certain c’est que certes, les textes constitutionnels et organiques ne couvrent pas tous les cas de figure auxquels l’adoption des textes financiers peut être confrontée mais qu’ils permettent néanmoins d’accompagner la séquence. Au prix parfois d’une interprétation souple des textes… Ce fut le cas en 1979 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel qui avait déclaré la loi de finances pour 1980, inconstitutionnelle. Le texte organique avait offert une solution et permis l’adoption d’une loi de finances spéciale dont l’objet est de permettre le recouvrement de l’impôt.

Même cause, même effet pour l’adoption de la loi de finances pour 2025 avec l’adoption d’une loi de finances spéciale au contenu étoffé qui permettait également de recourir à l’emprunt pour financer les dépenses de l’État et de la sécurité sociale.

La démonstration a été faite que ces textes peuvent s’adapter et permettent d’accompagner l’adoption de la loi de finances de l’année – éventuellement, par la confiscation du pouvoir budgétaire du Parlement si ce texte venait à être adopté par ordonnance – comme l’idée a pu être émise il y a quelques semaines. Ce qui est certain c’est qu’un scénario à la Shutdown n’est pas possible en France.

Et ensuite ? Faut-il comme la présidente Braun-Pivet l’envisage, modifier les règles d’examen du texte financier ? Il est notamment proposé de soumettre les textes financiers au « temps législatif programmé » qui permet de fixer une durée de débat maximale par thématique financière, avec l’idée que les amendements présentés, ne puissent être discutés au-delà du temps imparti.

Autre proposition : mettre un terme à la discussion actuellement organisée en distinguant les volets recettes et dépenses alors que ce deuxième volet ne peut être discuté qu’après que celui consacré aux recettes ait été adopté par le Parlement.

Il est également proposé de renforcer le rôle des commissions avec l’idée que le texte débattu en hémicycle soit celui issu des travaux en commissions ; alors qu’en l’état, c’est le projet initial du Gouvernement qui est soumis aux parlementaires. On peut imaginer à ce sujet, le gain de temps qui pourrait en résulter.

On le comprend, il y a matière à améliorer le cadre juridique d’adoption des lois de finances. Mais rappelons qu’en 2018, une proposition de loi constitutionnelle visait à réduire le délai d’examen des projets de loi de finances de 70 à 50 jours. Cette proposition avait été faite avec l’idée de rationaliser et d’accélérer le processus budgétaire et de reporter le travail parlementaire sur un contrôle a posteriori plus approfondi.

Ce délai était en particulier jugé trop long et insuffisamment optimisé, avec une concentration des débats ne permettant pas de garantir un contrôle parlementaire plus efficace. Cette proposition s’inscrit ainsi dans un débat plus large sur l’équilibre des pouvoirs entre le Parlement et l’exécutif dans un régime parlementaire et sur la conception même du rôle des institutions.

La discussion ne peut donc se limiter au seul examen des projets de lois de finances initiales mais doit être étendue à la capacité du Parlement à exercer un contrôle efficace a posteriori.

Donc améliorer le cadre d’adoption des lois de finances initiale, oui mais à la condition que le sujet soit étendu à toutes les catégories de lois de finances et plus largement encore, à l’ensemble des lois financières.

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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