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[ 2 avril 2024 ] Imprimer

Tempête budgétaire : la LOLF à la rescousse ?

Alors que le déficit public de la France avait été annoncé aux alentours de 4,9 % - ce qui constituait déjà un montant des plus significatifs en comparaison de nos obligations européennes, celui-ci s’établit pour l’année 2023 à 5,5 %

C’est clairement autour de ce chiffre que l’actualité des finances publiques s’est focalisée en cette dernière semaine du mois de mars.

La France ne respecte plus les contraintes imposées par le Traité de Maastricht depuis 2019 s’agissant du déficit public. Le propos doit toutefois être affiné tant notre position est apparue erratique sur le sujet. Depuis 2000, seules cinq années ont affiché un déficit public inférieur au 3 % de notre PIB.

Un niveau avait été franchi avec la crise financière (- 6,9 % en 2010) mais c’était sans compter sur la crise sanitaire qui a fait bondir ce niveau à – 9 % en 2020, progressivement ramené à – 6,5 en 2021 puis 4,7 en 2022. En voie d’amélioration, pourrait-on dire…

Jusqu’à présent.

Pour expliquer ce dernier dérapage, plusieurs explications sont avancées et notamment une moindre rentrée fiscale – avec une perte évaluée à 21 Md€, concernant notamment la TVA (- 4 Md€), les droits de mutation à titre onéreux (- 22,2 % en 2023 pour un montant de 4,8 Md€) et de plus faibles recettes de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu (- 7,6 Md€).

Et s’il n’y avait que le déficit… Sur la même période, la France dépasse le niveau maximum autorisé d’endettement public depuis 2002. Légèrement cette année-là (60,3 %) puis avec une progression par palier avec des bonds significatifs : avec la crise financière (passant de 68,8 % à 83 % entre 2008 et 2009), atteignant les 90,6 % en 2012, progressant de 97,4 à 114,6 % avec la crise sanitaire. Pour l’année 2023, cette dette devrait s’établir à 110,6 %, là où le chiffre de 109,7 % était attendu.

Le dérapage est conséquent comme l’a souligné Pierre Moscovici : « pas tout à fait inédit mais très, très rare » car effectivement, l’écart par rapport aux projections est inhabituel, de l’ordre de 0,6 % soit 16 milliards d’euros d’écart.

■ Et plusieurs difficultés et interrogations pointent à l’horizon, indépendamment des ressorts politiques habituels (v. notamment à ce sujet, le lancement par le Sénat d’une mission flash sur la dégradation du déficit public et le « défaut d’information du Parlement » reprochés au Gouvernement) :

 la prochaine notation de la France, d’ici à la fin du printemps, par les trois principales agences de notation. Même si le propos pourrait être relativisé tant ce paramètre reste lié à la confiance des investisseurs : facteur éminemment subjectif. Rappelons que lors de la crise financière, la baisse de la note de la France n’avait eu aucune incidence sur les taux d’intérêt pratiqués à son égard ;

 l’augmentation des taux d’intérêt qui conduit à considérer qu’en 2027, la charge de la dette constituera, pour le seul budget de l’État, son premier poste de dépenses ;

 la réaction des instances européennes alors que la période de crise sanitaire s’éloigne progressivement et que le mécanisme de sanction rattaché à la discipline budgétaire européenne va de nouveau trouver à s’appliquer.

■ Seul bémol à ce sujet : les discussions visant à revoir le cadre juridique de cette discipline budgétaire, qui pourraient retarder d’autant le risque d’une sanction européenne.

Mais à l’évidence, la France qui a longtemps profité d’un totem d’immunité, est plus exposée que jamais.

Indépendamment, il est à craindre que les 10 milliards d’euros d’économie présentés courant mars par le Gouvernement, ne suffisent pas et qu’une revue des dépenses conduit à opérer des coupes importantes dans les dépenses publiques. D’ores et déjà, le ton a été donné par le ministère des finances pour les deux années à venir avec une première indication : « abandonner avec fermeté toutes les dépenses publiques qui ne donnent pas les résultats attendus ».

■ Et c’en est presque ironique : il faut attendre une crise budgétaire sans précédent pour qu’enfin la logique que la LOLF entendait impulser, visant à apprécier la pertinence des dépenses publiques en considération des résultats attendus et obtenus, trouve à s’appliquer.

■ Problème : là où la LOLF aurait dû conduire à une revue des dépenses menée en toute concertation, le risque est bien réel d’un travail réalisé aux forceps, ce qui n’augure rien de bon.

 

Auteur :Stéphanie Damarey


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