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Le billet
La décision d’aménager une crèche sur une place publique pour les fêtes de Noël est-elle contraire à l’esprit de la loi de 1905 ?
En octobre 2008, le conseil municipal d’un petit village de Picardie décida d’installer une crèche (composée uniquement de Marie, Joseph et de l’enfant Jésus) sur la place du village pour les fêtes de Noël. Fin décembre 2008, l’ancien maire de la commune saisit alors la juridiction administrative pour demander l’annulation de cette délibération. Il estimait que cette installation constituait une violation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
Le tribunal administratif d’Amiens rendit sa décision le 30 novembre 2010 et annula la délibération litigieuse. En effet, le tribunal estima que l’installation d’une crèche sur un emplacement public constituait un « emblème religieux de la religion chrétienne ». La décision contestée méconnaissait les dispositions de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 et devait donc être annulée.
Deux remarques peuvent être évoquées à propos de cette décision.
Si une crèche est considérée comme un « emblème religieux de la religion chrétienne », l’article 28 de la loi de 1905 a-t-il été correctement appliqué en l’espèce ?
Cet article interdit l’apposition d’emblème et de signe religieux notamment sur tout emplacement public mais cette disposition admet également des exceptions. On compte parmi celles-ci les autorisations d’expositions d’emblème ou de signe religieux. Ainsi, une crèche, ne peut-elle pas être considérée comme une exposition sur une place publique au moment des fêtes de Noël et non comme un aménagement de cette place ? La crèche n’ayant, de fait, qu’une durée temporaire.
Par ailleurs serait-il acceptable d’affirmer que l’exposition de crèches dans différentes communes françaises au mois de décembre (v. par exemple la crèche provençale géante située dans le hall de la mairie d’Avignon) appartient à la tradition culturelle ? Ou doit-on considérer que tout symbole exposé en rapport avec la religion chrétienne au moment de la fête de la Nativité appartient à la tradition religieuse et doit, de fait, être prohibé de tout espace public ?
Certes, il n’est parfois pas aisé de distinguer le culturel du cultuel, mais une République laïque a-t-elle pour autant l’obligation de renier l’origine des fêtes traditionnelles ? Les santons menaceraient-ils la République ?
Les traditions peuvent poser problème dans notre République. Ainsi, par exemple, la fête de l’Épiphanie à l’Élysée lors de la « traditionnelle galette des rois » a perdu fève et couronne… Y-aurait-il contradiction entre le roi de la galette et la République ?
Les maires qui usent de cette coutume en début d’année devraient, peut-être, prendre exemple sur les usages élyséens pour l’année à venir. Qui sait, un recours est toujours possible…
« Fêter les rois » dans une République, ne serait-il pas contraire à l’article 1er de la Constitution ?.…
BONNES FÊTES DE NOËL A TOUS, EUH… PARDON, BONNES FÊTES DE FIN D’ANNÉE… !
TA Amiens, 30 nov. 2010, M. Claude. D., n° 0803521
Références
■ Article 28 de la loi de 1905
« Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. »
■ Article 1er de la Constitution de 1958
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
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