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Le billet

[ 21 mai 2013 ] Imprimer

La saison des recrutements

En ce moment, les auditions destinées au recrutement des candidats à la fonction de maître de conférences battent leur plein. Il n’est peut-être pas inutile d’évoquer, sur ce site destiné aux étudiants, le parcours qui attend les candidats au métier d’enseignant-chercheur. En espérant cependant ne pas décourager les vocations…

Commençons d’abord par préciser que le métier d’enseignant-chercheur est exercé par les maîtres de conférences, et par les professeurs des Universités. Dans de nombreuses disciplines, la qualité de maître de conférences est un passage obligé pour tous les enseignants-chercheurs, avant de devenir éventuellement professeur. Ce n’est pas le cas en droit, discipline qui comporte un concours d’agrégation externe permettant d’exercer directement le métier d’enseignant-chercheur en qualité de professeur. Sur la nécessité et/ou la légitimité du concours externe d’agrégation, dont on annonce d’ailleurs régulièrement la refonte, voire la suppression, l’auteur de ces lignes fera l’impasse, car il faudrait beaucoup plus qu’un Billet pour traiter la question.

Compte tenu de l’assez faible nombre de postes mis au concours externe, l’entrée dans la carrière se fait donc, le plus souvent, par le biais d’un recrutement en qualité de maître de conférences. Or, pour devenir maître de conférences, le parcours est difficile. En effet, l’accès à un poste se fait en trois étapes.

▪ D’abord, le candidat devra réaliser une thèse de doctorat. Contrairement à la durée annoncée d’un doctorat, trois ans, les candidats qui se destinent à l’enseignement supérieur passent, en moyenne, de quatre à six ans sur leur thèse, rarement beaucoup moins, parfois beaucoup plus. La thèse fait, en effet, office de sésame et, si l’on ne construit pas sa carrière sur une thèse, on ne peut entrer dans la carrière sans une bonne thèse. Là encore, sur ce qui peut être considéré comme une bonne thèse, l’auteur de ces lignes, qui apprécie de plus en plus parler de lui à la troisième personne du singulier, n’en dira pas plus, car il faudrait une thèse.

Pendant le temps de rédaction de leur travail, les thésards commencent à enseigner à l’Université avec un statut plus ou moins confortable. Ils disposeront, soit d’un « contrat doctoral » de trois ans, éventuellement prolongé par deux années en qualité « d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche », soit d’un simple contrat de vacataire qui les expose à la précarité, la rémunération n’étant ni importante, ni régulière, et le renouvellement non assuré.

Les courageux qui parviennent au bout, car ceux qui tombent sur le long chemin de la thèse sont relativement nombreux, peuvent donc espérer être élevés au grade de docteur par leur jury de soutenance. Encore faut-il, pour poursuivre dans la carrière universitaire, obtenir tous les honneurs, c'est-à-dire la mention très honorable, avec les félicitations du jury. Ce n’est certes pas un pré-requis obligatoire pour se présenter à la deuxième étape, mais l’expérience montre qu’il est difficile, sinon impossible, de franchir celle-ci lorsqu’un un accro s’est produit lors de la première étape.

▪ La deuxième étape est en effet constituée par une qualification aux fonctions de maître de conférences, délivrée par la section compétente du Conseil national des Universités. Les membres de ce conseil sont chargés d’expertiser les thèses fraîchement soutenues et, plus largement, tous les travaux que le candidat présentera. Le CNU décidera donc qui est apte, ou non, à exercer les fonctions de maître de conférences, sachant qu’il est possible de présenter plusieurs fois sa candidature et donc de parfaire son dossier d’une année sur l’autre. Tous les docteurs ne sont pas qualifiés, loin s’en faut, en tout cas dans les disciplines juridiques.

▪ Les docteurs qualifiés entrevoient la fin du parcours, mais ne sont pas encore arrivés. Et tous ne finiront malheureusement pas la course. En effet, les qualifiés devront se porter candidat sur des postes vacants mis au concours par les Universités. Et là encore, ils devront passer deux étapes… D’abord, être choisis par les comités de sélection, sur la base de leur dossier, pour passer une audition. Les candidats auditionnés entameront alors un tour de France, assez intense, les auditions ayant toutes lieu en mai et se déroulant dans les Universités qui recrutent. Il faudra, ensuite, qu’un des comités de sélection les choisisse à l’issue de l’audition. Une fois la proposition du comité de sélection validée par le Conseil d’administration de l’Université ayant mis le poste au concours, le candidat deviendra maître de conférences.

Le parcours est long, éprouvant moralement, d’autant qu’il est difficile, même si ce n’est pas impossible, d’être recruté lorsque l’Université qui a mis un poste au concours dispose de docteurs qualifiés. Le localisme, qui consiste à recruter un candidat issu de sa propre Université, fait naître un sentiment d’impuissance chez les candidats extérieurs, et surtout chez ceux qui ne seront considérés comme local nulle part, soit parce que leur Université refusera de donner une prime au localisme, soit parce qu’elle n’aura tout simplement pas de postes vacants à mettre au concours.

Il n’est donc pas rare que certains candidats fassent plusieurs tours de France avant d’être recrutés… ou d’abandonner.

Tout ceci pour dire qu’il n’est pas simple de devenir maître de conférences, et que ceux qui y parviennent sont des passionnés. Que les perspectives de carrières offertes aux maîtres de conférences qui ne réussiront pas l’agrégation (externe ou interne) aient tendance à éteindre la flamme initiale est un autre problème, qui mériterait peut-être un Billet…

 

Auteur :Mathias Latina


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