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L’arrêt de la cour d’appel dans l’affaire de la tempête Xynthia : un regard cru sur le fonctionnement défectueux de l’administration
Lorsque dans la nuit du samedi 27 février au dimanche 28 février 2010, la tempête Xynthia frappa le littoral atlantique et spécialement la commune de la Faute-sur-Mer, la rupture et la submersion des digues qui protégeaient cette commune balnéaire entraîna la mort de 29 personnes, conduisit au déplacement de près de 1000 personnes et occasionna des dégâts s’élevant à 1,5 milliards d’euros pris en charge par les assurances et 500 millions d’euros de dépenses publiques.
La cour d’appel de Poitiers vient de rendre l’arrêt statuant sur les fautes pénales commises par plusieurs des élus de la Faute-sur-Mer, dont le maire de la commune et son ajointe à l’urbanisme. Très critiqué par les parties civiles, notamment parce que cet arrêt a réduit les condamnations qui avaient été prononcées en première instance, il fait actuellement l’objet d’un pourvoi en cassation. Mais ce n’est pas la question de la gravité des condamnations, ni même la qualification pénale des agissements des prévenus qui intéressent au premier chef l’administrativiste dans cette affaire. C’est au premier chef l’effrayante incurie administrative que manifeste cette catastrophe, incurie qui, disons le nettement, est une tendance globale sur l’ensemble du territoire même si, fort heureusement, il est peu de situations aussi tragiques qui permettent de la révéler.
■ Les tergiversations sur la mise en place d’un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI)
Les plans de préventions des risques naturels, et notamment des risques d’inondation sont un dispositif juridique qui permet à l’État de délimiter des zones dans lesquelles des restrictions à la construction, voire de obligations positives de travaux pourront être mises en œuvre, pour prévenir les effets d’une inondation. Ce dispositif a été mis en place par une loi de 1995 (n° 95-101 du 2 févr. 1995) votée à la suite, il faut le souligner des inondations catastrophiques de Vaison-la-Romaine en 1992, qui firent plus de 40 morts.
Or, si sur certaine partie du territoire des PPRI furent mis en place et opposables dès 2002, dans le cas de la Faute-sur-Mer, ce n’est qu’en 2002 que le préfet commença à s’y intéresser. Et ici débuta de la part de la commune une résistance pour empêcher, réduire retarder la mise en place du PPRI. Il fallut attendre 2007 pour que le PPRI soit appliqué par anticipation et au moment de la catastrophe de 2010, il n’était toujours pas définitivement approuvé…
Les arguments que fit valoir la commune sont marqués du sceau de la protection des intérêts économiques : impossibilité de pouvoir poursuivre son développement et situation des propriétaires de terrains devenus inconstructibles et partant, totalement dévalorisés. Le fait qu’une commune puisse ainsi freiner l’action de l’État dans un domaine aussi sensible témoigne bien de la manière dont les élus locaux sont désormais en mesure de mettre en échec des politiques publiques de niveau national sur la base de préoccupations strictement locales.
Mais il y a plus : l’arrêt de la cour d’appel souligne que la version du PPRI mis en vigueur par anticipation était défectueuse et en particulier ne contenait pas la référence de la cote minimale à laquelle les nouvelles constructions devaient être réalisées pour échapper au risque de crue. Et pourquoi donc cette erreur ? Parce que l’agent chargé de la rédaction du texte avait un doute sur la formulation, l’avait laissé en suspens et puis avait été muté dans un autre service sans que son successeur ne se préoccupe de la question…
Du coup, le PPRI opposable par anticipation ne permettait pas de s’opposer aux nouvelles constructions de manière efficace. Entre 2007 et 2010 plus de 15 permis furent délivrés pour des constructions ne respectant pas les normes du PPRI, et dans ces constructions nouvelles périrent 4 personnes…
■ Le contrôle défaillant des délivrances des autorisations d’urbanisme
La situation ne fut guère plus brillante en matière de délivrance et de contrôle des autorisations d’urbanisme.
Comme on l’a dit, jusqu’en 2007, date de l’entrée en vigueur du PPRI par anticipation, les permis de construire furent délivrés sans retenue même dans des zones pour lesquelles le risque de submersion était avéré et connu. Ni la direction départementale de l'équipement (DDE) qui instruisait pour le compte de la commune les demandes de permis, ni le maire ou son adjoint à l’urbanisme ne refusèrent le moindre permis de construire en s’appuyant sur les dispositions du plan d'occupation des sols (POS). Et pour cause, celui-ci, outre le fait qu’il avait été annulé, ne contenait aucune prescription permettant ce refus, et les autorités compétentes ne s’appuyèrent pas davantage sur l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme pour refuser des projets soumis à des risques excessifs.
On lit encore dans l’arrêt que les services de la DDE qui vérifièrent, dans le cadre du contrôle de la conformité des travaux aux permis de construire, les constructions réalisées, ne firent aucun constat de non-conformité alors que plusieurs constructions nouvelles ne respectaient pas les normes de hauteur minimale des premiers planchers de construction….
Là encore, la sous-estimation du risque, l’impéritie administrative et les approximations de toute nature ont contribué ce bilan humain terrible.
Mais, pour conclure, il faudrait souligner que plus que des défaillances humaines individuelles, c’est bien un système dans son ensemble qu’il faut ici mettre en cause. Et peut-être davantage encore que sur les élus locaux, c’est sans doute sur l’État que doivent être portés les regards : comment admettre son incapacité à mettre en place dans des délais acceptables un outil de prévention des risques pourtant essentiel? Comment admettre ces approximations dans la rédaction du document, et dans le contrôle des projets de permis de construire ? Si l’État est le garant de l’intérêt général, comme nous l’apprenons à nos étudiants chaque année, comment admettre ces défaillances qui, malheureusement sont générales. Faudra-t-il de nouvelles catastrophes, par exemple, pour que les dizaines de PPRI qui n’ont pas encore été adoptés au jour où ses lignes sont écrites le soient finalement ?
Référence
■ Poitiers, 4 avr. 2016, n° 16/00199
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