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[ 3 septembre 2012 ] Imprimer

Le harcèlement sexuel est de nouveau puni !

La loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel a été adoptée : la trêve n’aura été que de courte durée pour les harceleurs de tout bord...

On se souvient en effet que, par sa décision du 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel avait estimé que l’article 222-33 du Code pénal n’était pas conforme à la Constitution. Il faut dire que, dans son dernier état, la définition de l’infraction de harcèlement sexuel était plus que succincte. Le harcèlement était en effet « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». L’obtention de faveurs sexuelles étant le but poursuivi par l’agent, la loi se contentait donc de désigner l’infraction plutôt que d’en donner les éléments constitutifs. Définir le harcèlement comme le fait de harceler paraissait en effet insuffisant. Certes, il a des termes suffisamment évocateurs. La loi pénale pourrait par exemple se contenter de définir le meurtre comme le fait de tuer volontairement autrui sans que l’infraction perde en précision. Notons toutefois qu’elle ne le fait pas, le meurtre étant « Le fait de donner volontairement la mort à autrui 5 (…) » (C. pén.art. 221-1). Ensuite, l’infraction de harcèlement sexuel n’était pas la seule à souffrir d’une certaine imprécision. Il en va ainsi de l’agression sexuelle qui consiste en des « atteintes sexuelles », expression vague s’il en est (C. pén.art. 222-22). La substitution du mot « atteinte » au mot « agression » n’apporte en effet qu’une précision toute relative à l’infraction…

Reste que ce n’est pas tant la définition du terme « harcèlement » qui semble avoir posé problème aux Sages de la rue Montpensier. Ces derniers ont en effet pris la peine de noter que les précisions relatives aux modalités du harcèlement avaient disparu par l’effet d’une loi 2002-73 du 17 janvier 2002, les mots « en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves » ayant été supprimés. Autrement dit, en voulant se montrer plus favorable aux victimes de harcèlement sexuel, le législateur avait en vérité posé les prémices de leur défaite judiciaire. Si l’on comprend bien la décision des juges constitutionnels, c’est donc la disparition des modalités du harcèlement qui a entraîné la non-conformité du texte au principe de la légalité des délits et des crimes. Le Conseil constitutionnel a alors décidé d’abroger immédiatement l’article 222-33. Par la grâce de cette décision, les personnes poursuivies, et non définitivement jugées, allaient échapper à la condamnation du chef de harcèlement sexuel. Plus encore, les personnes définitivement condamnées allaient être dispensées de l’exécution de leur peine, sauf si les faits condamnés relevaient également d’une autre infraction (C. pén., art. 112-4, al. 2). Même si, juridiquement, la décision du Conseil constitutionnel était justifiée, on est cependant en droit de se demander si les circonstances n’auraient pas permis de différer l’abrogation du texte, afin d’éviter un vide juridique. Certes, il y aurait eu quelque incohérence à constater la violation d’un principe aussi fondamental que la légalité des délits et des crimes, et à en tolérer la violation encore pour quelques temps. Toutefois, cette décision n’a fait qu’accroître, chez les citoyens, le sentiment de décalage entre le droit et la vie de la société, ce qui est pour le moins dérangeant, le premier ayant précisément vocation à structurer la seconde.

Comme on l’avait toutefois justement noté, « délaissées par la loi, les [victimes n’étaient] pas pour autant complètement abandonnées par le droit, ni par la justice » (V. F. Rome, « Harceleurs le retour ? »), les infractions de harcèlement moral ou, éventuellement, d’agression sexuelle pouvant permettre une condamnation du harceleur. La situation des victimes était cela dit plus que délicate. Le Parlement a donc travaillé rapidement et dans un climat relativement apaisé. Le nouvel article 222-33 du Code pénal définit ainsi le harcèlement sexuel comme « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». En outre, « est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers ». Au passage, le législateur en a profité, d’une part, pour alourdir la peine infligée qui est aujourd’hui de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende et, d’autre part, pour corriger également la définition du harcèlement sexuel figurant dans le Code du travail. Enfin, l’abus d’autorité, et l’on pense ici en particulier à l’employeur, constitue, entre autres, une circonstance aggravante faisant passer la peine à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

La morale de cette triste affaire est que la confection d’une loi est un art difficile qui mérite réflexion et attention. Les conséquences d’une mauvaise rédaction étant potentiellement catastrophiques, la préparation d’une loi, qu’elle qu’en soit l’objet, ne devrait jamais se faire dans l’émotion et la précipitation. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

 

 

Références

 

■ V. F. Rome, « Harceleurs le retour ? », D. 2012. 1177.

■ Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel, Dalloz Actu Étudiant 3 septembre 2012 et http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026263463&dateTexte=&categorieLien=id

■ Cons. const., 4 mai 2012, décis. n° 2012-240-QPC, Dalloz Actu Étudiant 9 mai 2012 

■ Code pénal

Article 112-4

« L'application immédiate de la loi nouvelle est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément à la loi ancienne.

Toutefois, la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d'une loi postérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une infraction pénale. »

Article 221-1

« Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle ».

Article 222-22

« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage.

Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »

Article 222-33

« I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. 

II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. 

III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. 

Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis : 

1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; 

2° Sur un mineur de quinze ans ; 

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; 

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ; 

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.»

 

 

Auteur :Mathias Latina


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