Actualité > Le billet

Le billet

[ 1 décembre 2015 ] Imprimer

Réforme de la formation notariale : info ou intox ?

La carrière notariale est au cœur de la réforme du notariat opérée par la loi « Macron » du 6 août 2015. La carrière renvoie aux trois stades de toute profession : l’entrée, le déroulement et la sortie. Cette carrière notariale est aujourd’hui directement et indirectement impactée par les objectifs poursuivis par la loi Macron (liberté d’installation, fin des clercs habilités, modification de la place et du rôle du notaire salarié, départ forcé à 70 ans…).

Souhaitant ouvrir la profession aux plus jeunes et réduisant la profession notariale à une profession libérale, la loi Macron intensifie la concurrence entre les professions du droit et tente de libéraliser à outrance l’accès à la profession. Si les objectifs peuvent être défendus, les moyens mis en œuvre sont plus critiquables. Face aux bouleversements apportés par la loi Macron, les instances dirigeantes réfléchissent aux meilleurs moyens d’amortir les effets pervers de cette réforme. L’un des enjeux de la profession réside en amont de la carrière : repenser la formation notariale.

La loi Macron ne porte pas directement sur la formation des notaires. Pourtant, les deux questions sont inextricablement liées. Si dans le principe tout diplômé notaire sera demain en droit de demander l’attribution d’une charge, au nom d’une certaine idée de la libéralisation, il est légitime et urgent que le notariat s’interroge sur les moyens de filtrer l’arrivée de nouveaux postulants sur le « marché du travail notarial ». Les bruits de couloir annoncent en ce sens une réforme prochaine : info ou intox ?

La formation des futurs notaires a été plusieurs fois réformée. Outre la formation continue, c'est la formation des étudiants notaires qui a été rajeunie. Deux voies existent actuellement : la voie professionnelle et la voie universitaire.

Récemment réformée, la voie professionnelle permet d’ouvrir la profession à tous les titulaires de Master 2, encourageant ainsi la diversité. La sélection à l’entrée s’opère sur dossier et non plus sur concours comme dans l’ancien système. Cette diversité est une réponse à la diversification des compétences demandées au notariat. La loi Macron voulant intensifier la concurrence entre les professions du droit, cette donnée n’est pas négligeable.

Quant à la voie universitaire, le mode de recrutement, par un filtrage préalable des Masters 2 des Facultés de droit, permet de garantir la sélection d’étudiants de qualité, imprégnés de la culture du notariat. L’obtention du Master 2 de droit notarial permet aux étudiants d’entrer automatiquement au sein d’un Centre de formation afin d’obtenir leur diplôme supérieur du notariat.

Après la loi Macron, la problématique devient la suivante : devant près de 6000 diplômés non nommés, face à l’arrivée de 1000 nouveaux candidats par an, comment le notariat va-t-il pouvoir répondre à la liberté d’installation mise en place par la loi Macron ? Ne faut-il pas réfléchir à la mise en place d’un filtrage permettant de maîtriser le flux des nouveaux postulants ?

Une première solution pourrait consister à instaurer un concours national de sortie après la validation de l’ensemble des semestrialités au sein de la voie universitaire. L’inconvénient d’une telle solution est d’avoir des étudiants qui, après sept années au minimum d’études, ne trouvent aucun emploi dans le notariat. Une deuxième solution consisterait à fusionner la voie professionnelle et la voie universitaire et à supprimer l’entrée automatique des étudiants de Master 2 de droit notarial en confiant la sélection et l’affectation à une commission nationale qui choisirait les candidats titulaires d’un Master 2 sans distinction ni priorité pour les Master de droit notarial. 

Cette deuxième branche de l’option n’est pas une idée nouvelle mais demeure dangereuse. Elle témoignerait d’une méfiance injustifiée à l’égard des Master 2 de droit notarial opérant en amont une sélection des candidats les plus sérieux. Elle découragerait les meilleurs étudiants de choisir le notariat en raison de la part d’aléa qui entourerait ce nouveau mode de sélection par une commission, sans évoquer les inévitables risques d’injustices que peut générer un mode de recrutement sur dossier. Enfin, si la réforme se fait, elle passera par l’élaboration d’un décret. Cependant, peut-on limiter en amont le nombre de diplômés pour court-circuiter la liberté d’installation consacrée par la loi du 6 août 2015 ?

A vrai dire, deux voies pourraient être empruntées pour conserver cette belle collaboration entre l’Université et le notariat.

D’une part, s’il faut absolument réformer par anticipation, le plus simple serait de fusionner la voie professionnelle et la voie universitaire. La formation unique au sein d’une Grande école du notariat serait composée de l’ensemble des étudiants titulaires d’un Master 2 de droit notarial. Les enseignements prendront la forme de modules, à l’instar de la voie professionnelle actuelle, en y maintenant un enseignement plus « professionnalisant » et en y ajoutant des enseignements plus en phase avec la création et la gestion d’une entreprise notariale. Enfin, cette formation qui s’étalerait sur douze ou dix-huit mois serait sanctionnée par un concours de sortie permettant de gérer les flux d’entrée sur le « marché du travail notarial » et de récompenser les candidats les plus brillants.

La deuxième solution, la plus opportune, serait d’autre part de ne pas anticiper et d’attendre de pouvoir apprécier les effets de la loi Macron. Si l’inquiétude des notaires, légitime par ailleurs, est de lutter contre les effets pervers d’une liberté d’installation dans les zones libres, sans possibilité d’imposer un quota (zone grise), peut-être faudrait-il attendre de voir quels sont les critères qui seront retenus et mis en œuvre par l’autorité de la concurrence, le ministre de la justice et le ministre de l’économie dans la détermination des « zones libres ». Une application raisonnée de la réforme n’est pas exclue si les autorités admettent notamment la mise en place d’une zone grise, « zone libre » régulée par un système de quota déterminé en concertation avec le Conseil supérieur du notariat.

Face à cette situation, il paraît opportun de ne pas confondre anticipation et précipitation !

 

Auteur :Mustapha Mekki


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr