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Procédure et contentieux administratifs
A chacun sa compétence !
Mots-clefs : Ouvrage public, Déclinatoire de compétence, Juridiction judiciaire, Juridiction administrative, Propriété intellectuelle, Travaux, Service public
Le Tribunal des conflits précise la répartition des compétences entre le juge judiciaire et le juge administratif dans l’hypothèse où il existe une atteinte au droit moral d’un architecte, en raison de la dénaturation de son œuvre et de la nécessité de réaliser des travaux. Pour les juges, dès lors que cette demande de travaux porte sur un ouvrage public, il revient à la juridiction judiciaire de statuer sur l’existence de l’atteinte au droit moral et du préjudice, tandis que la juridiction administrative est la seule à pouvoir se prononcer sur la réalisation de travaux.
Le régime juridique relatif aux ouvrages publics est protecteur notamment en ce qui concerne l’intangibilité de ceux-ci, préservant ainsi leur intégrité physique. Ce régime est toutefois applicable dès lors que le juge a la certitude d’être face à un ouvrage public. Cette qualification, pourtant essentielle, a été appréhendée tardivement par le Tribunal des conflits dans cette décision. Afin de déterminer qu’un ouvrage est un ouvrage public, il revient d’identifier trois conditions conformément à l’avis contentieux du 29 avril 2010 (Beligaud, n° 323179). L’ouvrage doit présenter un caractère immobilier, il doit résulter d’un aménagement et enfin être affecté au service public. En l’espèce, ces trois conditions ne faisaient pas défaut, s’agissant d’un équipement culturel prenant la forme d’un immeuble, qui avait été totalement construit et dont la finalité était d’y développer des actions culturelles au bénéfice du plus large public. L’affectation directe au service public ne faisait aucun doute.
Fort de cette qualification, la demande de travaux afin de réparer une atteinte au droit moral de l’architecte ne relevait pas à l’évidence des juridictions judiciaires. En l’espèce Jean Nouvel, l’architecte, avait saisi le Tribunal de grande instance (TGI) considérant que son œuvre avait été dénaturée afin de faire exécuter les travaux nécessaires à la remise de son œuvre. Sa demande fut rejetée et la cour d’appel fut saisie. Le Préfet de la Région Île-de-France a alors présenté un déclinatoire de compétence estimant que la seule la juridiction administrative était compétente pour ordonner des travaux. La cour d’appel a rejeté la demande du préfet, ce dernier a alors pris un arrêté de conflit.
Le Tribunal des conflits retient la position du Préfet en s’appuyant sur le contenu de l’article L. 331-1 du Code de la propriété intellectuelle. Il ressort de cette décision que les deux ordres de juridictions ont des compétences exclusives, qui se succèdent dans l’hypothèse de l’atteinte à un droit moral qui aurait pour conséquence la demande de travaux. Le TGI a seul la compétence pour statuer sur l’existence de l’atteinte au droit moral et du préjudice. Ainsi le TGI se prononce sur la réalité de la dénaturation de l’œuvre et le préjudice, mais il ne peut intervenir sur la demande de travaux pour réparer le préjudice. Cette dernière demande relève exclusivement de la juridiction administrative. Cette juridiction, pour statuer, doit attendre au besoin la décision du TGI, y compris en la saisissant à titre préjudiciel.
Cette répartition des compétences est pleinement justifiée par la nature de l’ouvrage mais la décision, au-delà de la complexité du système juridique français, est la démonstration que la satisfaction des demandes exige de la patience.
T. confl., 5 septembre 2016, M. A. B. c/ Association Philharmonie de Paris, n° 4069
Référence
■ CE, avis, 29 avr. 2010, Beligaud, n° 323179, Lebon, concl. M. Guyomar ; AJDA 2010. 926 ; ibid. 1642, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; ibid. 1916, étude S. Nicinski, P.-A. Jeanneney et E. Glaser ; RDI 2010. 390, obs. O. Févrot ; RFDA 2010. 557, concl. M. Guyomar ; ibid. 572, note F. Melleray.
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