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Droit des obligations
A condition que le cédé y consente, la promesse est cessible
Mots-clefs : Promesse de vente, Cessibilité, Cession de contrat, Consentement du cédé, Consentement tacite, Appréciation
La substitution d’un tiers à l’une des parties à une promesse de vente doit être considérée comme acceptée, même tacitement, lorsque le cédé fait préparer par son notaire un projet de promesse entre lui et son nouveau contractant.
Le bénéficiaire d'une promesse de vente de lots de copropriété d’un immeuble mitoyen de celui appartenant à une société, avait proposé à cette dernière d'acquérir une partie de ces lots, devenus par la suite la propriété d’une SCI gérée par le bénéficiaire de la promesse.
La SCI avait assigné la société venderesse des lots en perfection de la vente. Sa demande fut accueillie en appel au motif que la vente s'était définitivement formée entre les deux sociétés.
La première, propriétaire des lots, forma un pourvoi en cassation, reposant essentiellement sur la règle selon laquelle un tiers ne peut se substituer à l'une des parties dans l'exécution du contrat qu’à la condition que son contractant ait consenti au principe de la cession de contrat à l'origine ou ultérieurement. Or il résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé qu’elle avait accepté l'offre de vente formulée par le bénéficiaire de la promesse en son nom propre, à une date où il n'était pas encore devenu le représentant légal de la SCI, ce dont la cour n’a pas tenu compte, jugeant la personne de l’acheteur indifférente à la formation de la vente, et qu’en outre, aucune faculté de substitution du bénéficiaire à la SCI n’avait été prévue. Son pourvoi est rejeté au motif qu'ayant relevé qu'un accord sur la chose et sur le prix était intervenu entre la demanderesse au pourvoi et le bénéficiaire de la promesse et retenu que la première avait fait préparer par son notaire un projet de promesse entre elle-même et la SCI à la suite de la vente des lots à cette dernière, la cour d'appel a pu en déduire que la demanderesse avait accepté la substitution du bénéficiaire par la SCI et que la vente était devenue parfaite.
Le principe de la cessibilité de la promesse est admis en jurisprudence depuis un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 31 janvier 1866 (« Vu les articles 1122 et 1598 du Code Napoléon ; Attendu qu'aux termes de l'article 1598 du Code Napoléon, rien ne s'oppose à ce qu'une promesse de vente devienne l'objet d'une cession »).
Cette possibilité a depuis cette date toujours été maintenue, la licéité de la cession de promesse ayant été rappelée de nombreuses fois (Cass. req., 17 juin 1938. Civ. 1re, 21 févr. 1951, n° 40.148), même pour ce qui concerne la promesse unilatérale de vente sous condition suspensive (Civ. 3e, 25 juin 1969, n° 67-10.781).
La cession de la promesse résulte d'un contrat de cession conclu entre le cédant et le cessionnaire et en règle générale, comme l’illustre la décision rapportée, la cession est opérée par le bénéficiaire. La validité de cette cession dépend logiquement du respect des conditions posées à l’article 1108 du Code civil et donc, notamment du consentement du cédé. Depuis deux arrêts en date du 6 mai 1997 (Com., 6 mai 1997, n° 94-16.335 et n° 95-10.252), la Cour de cassation requiert par principe que le cédé consente à la cession de contrat, quand certains auteurs jugeaient préférable de limiter cette exigence aux contrats conclus intuitu personae ou à ceux contenant une clause d'incessibilité (V. L. Aynès, La cession de contrat et les opérations juridiques à trois personnes, Économica 1984, n° 330 s. Les clauses de circulation du contrat, in Les principales clauses des contrats conclus entre professionnels, PUAM 1990, p. 131 s.) Mais l'exigence du consentement du cédé rend cette exception inutile : le contractant cédé, qui participe à la cession, décidera s'il consent ou non à la substitution. On comprend alors que la Cour de cassation considère « que le fait qu'un contrat ait été conclu en considération de la personne du cocontractant ne fait pas obstacle à ce que les droits et obligations de ce dernier soient transférés à un tiers dès lors que l'autre partie y a consenti » (Com., 7 janv. 1992, n° 90-14.831. V. égal. Civ. 1re, 6 juin 2000, n° 97-19.347).
Impératif, le consentement du cédé peut, cependant, n’être que tacitement exprimé. La jurisprudence n’impose pas son caractère exprès. Mais il faut, dans ce dernier cas, que sa volonté d'accepter la cession de contrat soit certaine. En l’espèce, les juges ont acquis cette certitude par le constat de la préparation, par le notaire de la demanderesse, d’un projet de promesse entre elle-même et la SCI, représentée par son gérant à la suite de la vente des lots à cette dernière. Ainsi la substitution avait-elle bien été tacitement acceptée et les parties ayant trouvé un accord sur la chose et sur le prix, la vente était bien devenue parfaite.
Civ. 3e, 15 sept. 2015, n° 14-12.805.
Références
■ Code civil
Article 1108
« Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation. »
■ Civ. 31 janv. 1886, DP 1866, 1, p. 69 ; S. 1866, 1, p. 152.
■ Cass. req., 17 juin 1938 : S. 1938, 1, p. 386.
■ Civ. 1re, 21 févr. 1951, n° 40.148, Bull. civ. I, n° 74.
■ Civ. 3e, 25 juin 1969, n° 67-10.781, Bull. civ. III, n° 523.
■ Com., 6 mai 1997, n° 94-16.335 et n° 95-10.252, D. 1997. 588, note C. Jamin et M. Billiau ; RTD civ. 1997. 936, obs. J. Mestre.
■ Com., 7 janv. 1992, n° 90-14.831, D. 1992. 278, obs. L. Aynès ; RTD civ. 1992. 762, obs. J. Mestre.
■ Civ. 1re, 6 juin 2000, n° 97-19.347, D. 2001. 1345, note D. Krajeski ; ibid. 2002. 853, obs. B. Blanchard ; RTD civ. 2000. 571, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 858, obs. P.-Y. Gautier.
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