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Droit des obligations
À défaut d’annexion des procurations, l’acte notarié reste authentique
Mots-clefs : Acte notarié, Procurations non annexées, Sanction, Maintien du caractère authentique et exécutoire
Le défaut d’annexion des procurations à la minute d’un acte notarié ne lui fait pas perdre son caractère authentique et exécutoire.
Par deux décisions récentes, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé qu’il résulte de la combinaison de l’article 23, devenu 41, du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 et de l’article 1318 du Code civil que l’inobservation de l’obligation pour le notaire, prévue par l’article 8, devenu 21, de ce décret, d’annexer les procurations à un acte authentique à moins qu’elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l’acte et, dans ce cas, de faire mention dans l’acte du dépôt de la procuration au rang des minutes, ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique et, partant, son caractère exécutoire. L’acte continue donc de pouvoir faire l’objet de mesures d’exécution.
Ces arrêts étaient impatiemment attendus tant la contrariété de décisions sur cette question, au sein de la Cour de cassation (Civ. 2e, 11 déc. 2008 et 7 juin 2012 ; Civ. 1re, 22 mars 2012), justifiait d’être enfin tranchée. Il faut dire que la réponse apportée à la question des effets du défaut d’annexion des procurations sur la nature de l’acte ne va pas de soi. En effet, s’il est acquis qu’un titre exécutoire notarié ne peut servir de fondement aux poursuites s'il est annulé ou frappé de caducité, la nullité du titre entraînant celle de l'intégralité de la procédure, en va-t-il de même en cas d'irrégularités de forme, notamment celles relatives aux annexes ? L’enjeu étant de savoir si le caractère exécutoire des actes notariés demeure, à défaut d’annexion des procurations, inchangé, autrement dit, si les créanciers continuent de pouvoir engager des mesures d'exécution forcée contre les biens de leurs débiteurs.
La Cour de cassation répond désormais par l’affirmative, revenant ainsi à sa position d’origine (Civ. 2e, 11 déc. 2008, préc.). Celle-ci nous semble devoir être approuvée. Certes, les actes litigieux étaient légitimement critiqués. Le décret du 26 novembre 1971 impose, soit d’annexer les procurations à la minute, soit de les déposer au rang des minutes. Dans les deux cas, il doit donc en être fait mention dans la minute (art. 21). Or, les actes litigieux ne respectaient pas ces exigences. Cela étant, la lecture du décret ne doit pas, comme le fit parfois la jurisprudence antérieure, se limiter aux dispositions relatives aux annexes. Tous ses articles méritent une égale attention, et notamment l’article 41, ici expressément visé par la Cour. Ce texte énumère, parmi toutes les formalités imposées, celles dont l’inobservation doit entraîner un déclassement de l’acte authentique en acte sous seing privé : or, celles requises à l’article 21 n’y figurent pas.
Au-delà de cet argument de texte, on peut saluer les arrêts rapportés pour leur conformité à la ratio legis. En effet, les formes — dont l’inobservation doit entraîner un déclassement de l’acte notarié — devraient se limiter à celles soutenant le processus même d’authentification, spécialement la signature du notaire ; or, le lien entre l’annexion de la procuration et l’authenticité de l’acte est discutable, dans la mesure où la vérification des pouvoirs des parties comme de leur étendue aura été faite par le notaire au moment de la rédaction de l’acte authentique. De surcroît, alors même que l'absence d'annexion ne remet pas en cause, en elle-même, l'intégrité de l'acte, la solution contraire ayant parfois été retenue aboutissait à ce résultat assez curieux selon lequel une procuration, acte sous seing privé, conduisait à la disqualification d'un acte authentique. Ainsi la jurisprudence faisait-elle sienne la solution qu’avait proposée Philippe Delebecque, c’est-à-dire le déclassement en acte sous seing privé de l’acte notarié imparfait en ce qu’il laisse planer un doute sur l’identification des parties. La Cour de cassation fondait alors sa position sur le texte de l'article 1318 du Code civil qui dispose que « l'acte qui n'est point authentique… par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties ». Mais une fois encore, l’article 1318 envisage la sanction de défauts de forme sans dresser la liste de ceux susceptibles de justifier la disqualification de l’acte authentique en acte sous seing privé. Cette liste figure en revanche dans le décret précité auquel il convient de se reporter, comme le fait ici la chambre mixte, mettant en relation les deux textes pour justifier son refus de déclasser les actes notariés et de leur faire perdre leur caractère de titre exécutoire. En tout état de cause, cela n’empêche pas l’une des parties à cet acte de le contester.
Ch. mixte, 21 déc. 2012, n°11-28.688 et 12-15.063
Références
■ Civ. 2e, 11 déc. 2008, n°07-19.606.
■ Civ. 2e, 7 juin 2012, n° 11-15.439 11-18.085, n° 11-17.759 11-19.022, n° 11-16.107, D. 2012. 1789, note Mekki.
■ Civ. 1re, 22 mars 2012, n°11-11.925, D. 2012. 890, note Aynès.
■ Ph. Delebecque, JCP G 2012, obs. 263.
■ Décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires
« L'acte notarié porte mention des documents qui lui sont annexés.
Les procurations sont annexées à l'acte à moins qu'elles ne soient déposées aux minutes du notaire rédacteur de l'acte. Dans ce cas, il est fait mention dans l'acte du dépôt de la procuration au rang des minutes. »
« Tout acte fait en contravention aux dispositions contenues aux 1°, 2° et 3° (1er alinéa) de l'article 9 de la loi du 25 ventôse an XI, et aux articles 2, 3, 4, aux premier et dernier alinéas de l'article 10 et à l'article 26 du présent décret est nul, s'il n'est pas revêtu de la signature de toutes les parties ; et lorsque l'acte sera revêtu de la signature de toutes les parties contractantes, il ne vaudra que comme écrit sous signature privée, sauf dans les deux cas, s'il y a lieu, les dommages-intérêts contre le notaire contrevenant. »
« L'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties. »
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