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[ 3 novembre 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Abrogation des peines plancher : rétroactivité in mitius

Mots-clefs : Récidive, Rétroactivité in mitius

Les dispositions d’une loi nouvelle s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. Est une loi nouvelle plus douce, la loi abrogeant les peines planchers.

Conçu comme un outil de lutte contre la récidive, un système de peines minimales obligatoires (dites « peines plancher ») avait été instauré par la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (C. pén., anc. art. 132-18-1 à 132-20). Ces dispositions ont été abrogées, cet été, par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. La succession de loi dans le temps impose de déterminer le texte applicable aux faits commis.

En matière pénale, le principe est que le texte applicable est celui en vigueur au moment de la réalisation de l'infraction. En vertu du principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, une loi qui crée une infraction nouvelle ou qui élève la peine applicable à une infraction antérieurement définie ne s'applique pas aux faits commis avant son entrée en vigueur (C. pén., art. 112-1 ; Conv. EDH, art. 7 ; DDH, art. 8).

Toutefois, lorsque postérieurement à la commission d'une infraction est promulguée une loi moins sévère, il doit être fait application au prévenu de la loi la plus favorable en vertu du principe de la rétroactivité des lois pénales plus douces, dite « rétroactivité in mitius ». Ainsi, par exemple, en matière de sanction pénale, sera considéré comme plus doux, et donc applicable immédiatement, le texte nouveau qui édicte des pénalités moins sévères.

Ces règles de conflit de loi dans le temps sont applicables à la récidive. Cause d’aggravation de la sanction, la récidive est constituée de deux éléments qui forment un ensemble indivisible :

– le premier terme est une condamnation pénale prononcée de manière définitive par une juridiction ;

– le second terme consiste en une nouvelle infraction.

L'état de récidive n'existe que dès lors qu'intervient le jugement pour la seconde infraction (le second terme). C’est donc à cette date qu’il faut se situer pour déterminer le texte applicable.

En l’espèce, un prévenu, avait été condamné par la cour d'appel de Caen, pour vol en récidive, à un an d’emprisonnement. Tenant compte de la mention de neuf condamnations, notamment pour des faits de même nature, dans le casier judiciaire, les juges ont appliqué la peine plancher prévue à l’ancien article 132-19-1 du Code pénal.

La chambre criminelle censure l’arrêt, sur un moyen relevé d’office, sur les seules dispositions relatives à la peine d’emprisonnement, au visa des articles 112-1132-24 du Code pénal et de l’article 7 de la loi du 15 août 2014 et au terme d’un attendu de principe selon lequel « les dispositions d’une loi nouvelle s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».

L’article 7 de la loi du 15 août 2014 ayant abrogé l’article 132-19-1 du Code pénal à compter du 1er octobre 2014 (date d’entrée en vigueur du texte), un nouvel examen de la situation du prévenu, non encore définitivement jugé, s'impose donc.

Crim. 14 oct. 2014, n°13-85.779  F-P+B+I 

Références

■ Article 7 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales

« I.- Le même code est ainsi modifié : 

1° Les articles 132-18-1,132-19-1 et 132-19-2 sont abrogés ; 

2° A la fin de l'article 132-20-1, les mots : « commise en état de récidive légale » sont supprimés. 

II.- A la seconde phrase du premier alinéa de l'article 706-25 du code de procédure pénale, le mot : « seizième » est remplacé par le mot : « dernier ». 

III.- L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée : 

1° Les quatorzième et avant-dernier alinéas de l'article 20 sont supprimés ; 

2° L'article 20-2 est ainsi modifié : 

a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ; 

b) Les deuxième à septième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé : 

« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier alinéa. Cette décision ne peut être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée. » ; 

c) Au début du huitième alinéa, les mots : « Pour l'application des articles 132-8 à 132-11,132-18-1 et 132-19-1 du code pénal et des deux alinéas précédents, » sont supprimés ; 

3° A l'article 20-3, les références : « des deuxième à cinquième alinéas » sont remplacées par la référence : « du deuxième alinéa » ; 

4° Les douzième et avant-dernier alinéas de l'article 48 sont supprimés. »

■ Code pénal

Article 112-1

« Sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.

Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.

Toutefois, les dispositions nouvelles s'appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu'elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. »

Article 132-24

« Les peines peuvent être personnalisées selon les modalités prévues à la présente section. »

■ Article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme - Pas de peine sans loi

« 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise.

2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d’une personne coupable d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d’après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. »

■ Article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789

« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

 

Auteur :C. L.

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