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Droit des obligations
Absence d'adhésion de l'emprunteur à une assurance de groupe et obligation d'information du prêteur souscripteur
Le devoir d’information du banquier prêteur qui propose à l’emprunteur d’adhérer à un contrat d’assurance de groupe est maintenu même en l’absence de souscription à l’assurance proposée ; l’objet de son obligation de mise en garde couvre ainsi les risques d’un défaut d’assurance au regard de la situation personnelle de l’emprunteur.
On sait que l’obligation d’information mise à la charge du prêteur souscripteur d’une assurance de groupe au profit de l’emprunteur ne se limite pas à la remise de la notice d’information, prévue par l’article L. 141-4 du Code des assurances. Même régulièrement effectuée, la transmission de ce document au client ne consomme pas l’information requise. C’est ce que rappelle, une fois encore, la Cour de cassation, dans cet arrêt publié au Bulletin le 2 mai dernier. Le prêteur souscripteur d’une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice, « la remise d’une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation » (pt 6). L’Assemblée plénière avait déjà statué en ce sens (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267) et depuis, la règle est constante (Civ. 2e, 2 oct. 2008, n 07-16.018 ; Civ. 1re, 17 juin 2015, n° 14-20.257). Elle s’explique par la portée générale conférée au devoir d’information du banquier souscripteur : la seule remise d’une notice ne peut suffire à la bonne exécution de l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur le banquier commercialisant le produit d’assurance (en l’espèce, à l’occasion d’un emprunt), sauf à adopter une approche restrictive et purement matérielle de cette obligation. En réalité, pèse sur le banquier souscripteur de l’assurance de groupe un devoir général d’information regroupant une triple obligation d’information, de conseil et de mise en garde. Si la notice participe à l’exécution de ce devoir d’information, elle ne peut suffire à l’accomplir, d’autant moins que les conseils et avertissements escomptés du banquier doivent être personnalisés, soit adaptés à la situation propre à l’emprunteur. C’est ce qu’exprimait déjà l’Assemblée plénière lorsqu’elle affirmait que « l’obligation d’information et de conseil ne se limite pas à la remise de la notice » (Cass. ass. plén., 2 mars 2007, préc.).
Il reste qu’une fois reconnue l’existence d’une obligation d’information et de conseil à la charge du prêteur souscripteur, et une fois précisé que la seule remise de la notice imposée ne suffit pas à la satisfaire, encore faut-il déterminer le contenu exact de ce devoir général d’information. D’une part, le prêteur souscripteur de l’assurance de groupe devra éclairer l’emprunteur sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle ; la chambre commerciale rappelle ici ce que l’assemblée plénière avait déjà affirmé sur le fondement de l’article 1147 du Code civil (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, préc. ; pt 6 in fine). D’autre part, ajoute ici la Cour, le devoir d’information du banquier est maintenu en cas de refus de l’emprunteur de souscrire au contrat d’assurance, en sorte que le premier doit éclairer le second sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle (pt 9). En l’espèce, l’emprunteur ayant été mis en arrêt de travail à la suite d’une maladie dégénérative avait agi en responsabilité contre la banque, lui reprochant de ne pas l’avoir mis en garde sur les risques qu’il encourrait à ne pas souscrire une assurance décès, invalidité et incapacité totale de travail. En appel, pour écarter la responsabilité du banquier, les juges ont retenu que le devoir d’information du prêteur sur l’étendue de l’assurance de groupe suppose que l’emprunteur adhère à celle-ci. Au contraire, la chambre commerciale considère que « la banque qui avait consenti des prêts assortis de la proposition d’adhérer à un contrat d’assurance de groupe, était tenue, en l’absence d’adhésion de l’emprunteur à cette assurance, de l’éclairer sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle » (pt 8). Le devoir d’information du banquier n'est donc pas subordonné à la souscription de l'assurance par le client. Tel est l’apport majeur de la décision rapportée qui renforce la portée de l’obligation générale d’information incombant au prêteur souscripteur.
La Cour de cassation rappelle par ailleurs classiquement que la charge de la preuve de l’exécution de cette obligation pèse sur la banque. En effet, la preuve d’un fait négatif (ne pas avoir été informé) étant en pratique quasiment impossible à rapporter, le renversement de la charge de la preuve est admis, concernant le devoir d’information, depuis les années quatre-vingt-dix et la preuve de son exécution incombe ainsi à tout débiteur d’une obligation d’information.
Références :
■ Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267 : D. 2007. 985, note S. Piédelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais
■ Civ. 2e, 2 oct. 2008, n 07-16.018 : D. 2008. 2499, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2009. 1044, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2010. 1740, obs. H. Groutel
■ Civ. 1re, 17 juin 2015, n° 14-20.257 : D. 2015. 1365
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