Actualité > À la une
À la une
Droit du travail - relations individuelles
Absence de promotion : discrimination fondée sur l’orientation sexuelle
Mots-clefs : Droit du travail, Avancement de carrière, Promotion, Refus, Orientation sexuelle du salarié, Discrimination
L'absence de promotion d'un salarié tout au long de sa carrière et des témoignages faisant état d'une ambiance homophobe au sein de l'entreprise sont de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination en raison de l'orientation sexuelle du salarié.
Un salarié embauché en 1976 est licencié pour faute grave en 2005. Les conséquences de cette rupture sont réglées par une transaction. Le salarié saisit ultérieurement la juridiction prud'homale afin d'obtenir réparation de la discrimination dont il estime avoir été victime du fait du défaut d'avancement de sa carrière pour des raisons liées à son orientation sexuelle. La cour d'appel lui donnant gain de cause, l'employeur se pourvoit en cassation.
Ce dernier faisait valoir que la transaction, régulièrement conclue, rendait irrecevable toute action du salarié. La Cour de cassation écarte cet argument au motif qu'« en dépit de l'insertion d'une formule très générale, la transaction ne faisait état que d'un litige portant sur la rupture du contrat de travail ». La cour d'appel avait, par conséquent justement estimé que la discrimination alléguée par le salarié n'était pas incluse dans cette transaction.
Sur l'existence d'une discrimination en raison de son orientation sexuelle, le salarié comparait sa situation à celle d'autres salariés embauchés à la même date, qui tous avaient bénéficié d'un avancement de carrière favorable en comparaison à la sienne. L'employeur prétendait que le défaut d'avancement du salarié était dû à son refus de mobilité en province et à l’absence de poste de direction en interne. La Cour de cassation rejette également ce moyen. À l’appui des constats de la cour d'appel, elle relève que « postérieurement à son inscription sur la liste d'aptitude de sous-directeur, le salarié avait postulé en vain à quatorze reprises à un poste de sous-directeur ou à un poste de niveau équivalent, qu'il a répondu à des propositions de postes à l'international, à une proposition de poste dans une filiale à Paris, qu'il est le seul de sa promotion de 1989 à ne pas avoir eu de poste bien que son inscription sur la liste d'aptitude ait été prorogée à deux reprises en 1995 et en 2000 et qu'il était parmi les candidats les plus diplômés ». Par ailleurs, la cour d'appel a également constaté « que plusieurs témoins font état d'une ambiance homophobe dans les années 70 à 90 au sein de l'entreprise ». En conséquence, la cour d'appel a pu légitimement en déduire que ces éléments laissaient présumer l'existence d'une discrimination en raison de l'orientation sexuelle du salarié.
Déclinaison du principe général d’égalité, l’interdiction des discriminations exige que des situations comparables ne donnent pas lieu à des traitements différents, sauf à ce que cette différence puisse se justifier objectivement. La question de la non-discrimination pénètre de plus en plus le droit en général, et le droit du travail en particulier.
Désormais, le Code du travail (C. trav., art. L. 1132-1 s.) interdit les discriminations fondées sur l'origine, le sexe, les mœurs, l'orientation ou l'identité sexuelle, l'âge, la situation de famille ou la grossesse, les caractéristiques génétiques, l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le nom de famille, l'état de santé ou le handicap, l'exercice normal du droit de grève ou l'exercice des fonctions de juré ou de citoyen assesseur. Cette interdiction couvre donc un domaine particulièrement large. En ce sens, elle protège évidemment le salarié, mais également le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise, le salarié témoin ou ayant relaté des agissements discriminatoires.
De surcroît, elle concerne toute décision de l’employeur : aucun desdits motifs ne peut être invoqué pour évincer une personne d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation ou pour sanctionner, licencier ou décider d'une mesure discriminatoire notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de mutation ou de renouvellement de contrat, ou enfin, comme en l’espèce, de promotion professionnelle.
Comme en témoigne la décision rapportée, l'initiative de la preuve d'une discrimination revient au salarié, lequel doit présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en les reliant à l'un des motifs visés par le Code du travail (Soc. 21 oct. 2009). La preuve est libre, d’où la recevabilité, en l’espèce, de plusieurs témoignages de salariés de l’entreprise, quoiqu’elle ne puisse être valablement constituée de simples allégations.
En réaction aux éléments de fait versés aux débats par le salarié, l’employeur devra justifier sa décision en prouvant qu'elle obéit à des motifs objectifs étrangers à toute discrimination (Soc. 4 oct. 2005). Ils peuvent s'entendre de l'expérience (Soc. 15 nov. 2006), de l'ancienneté (Soc. 19 déc. 2007), ou encore de la qualité du travail, estimée par exemple par le biais de bilans d'évaluation (Soc. 20 févr. 2008). En l’espèce, les justifications prétendument objectives avancées par l’employeur n’ont pas été jugées suffisantes pour écarter le grief de discrimination.
Soc. 24 avr. 2013, n° 11-15.204
Références
■ Article L. 1132-1 du Code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
■ Soc. 21 oct. 2009, n° 08-42.699.
■ Soc. 4 oct. 2005, n° 03-45.689.
■ Soc. 15 nov. 2006, n° 04-47.156 à n° 04-47.158.
■ Soc. 19 déc. 2007, n° 06-44.795.
■ Soc. 20 févr. 2008, n° 06-40.085.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une