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Droit de la famille
Absence de relations sexuelles avec son conjoint : engagement de la responsabilité civile
Mots-clefs : Mariage, Dissolution, Divorce, Faute, Devoir conjugal, Dommages-intérêts
Les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement, tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité des devoirs découlant du mariage.
Le divorce de deux époux a été prononcé aux torts exclusifs du mari, qui s’est vu en outre condamné à verser à sa femme 10 000 euros de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour absence de relations sexuelles pendant plusieurs années.
Cette condamnation a été confirmée par la cour d’appel. Selon cette dernière, « les attentes de l’épouse étaient légitimes dans la mesure où les rapports sexuels entre époux sont notamment l’expression de l’affection qu’ils se portent mutuellement, tandis qu’ils s’inscrivent dans la continuité des devoirs découlant du mariage ».
Dans cette décision, l’application de l’article 1382 doit être relevée. Ce texte permet en effet de réparer « le préjudice résultant de toutes autres circonstances que la dissolution du mariage et causé par le comportement du conjoint » (v. Droit de la famille). Comme toute action en responsabilité pour faute, son exercice suppose la réunion de trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité. C’est au titre de la première de ces conditions que cet arrêt de la cour d’Aix-en-Provence retient l’attention. Les juges admettent en effet que l’absence de relations sexuelles avec son conjoint est constitutive d’une faute au sens de l’article 1382. Le devoir conjugal est traditionnellement rattaché à l’obligation de communauté de vie, prévue à l’article 215. De longue date en effet, la jurisprudence considère, bien qu’aucun texte du Code civil n’en fasse expressément mention, que la communauté de vie à laquelle s’obligent les époux comporte une composante affective. De fait, le refus volontaire d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint est constitutif d’une faute, cause de divorce.
En l’espèce, il est d’ailleurs probable que c’est ce refus qui a valu au mari que le divorce soit prononcé à ses torts exclusifs. Pour autant, la faute, cause de divorce, ne doit pas être confondue avec la faute au sens de l’article 1382. Plus précisément, la faute, cause de divorce, consiste en des « faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage » (art. 242), alors que la faute de l’article 1382 peut se définir comme la violation délibérée du devoir général de ne pas causer de dommage à autrui.
Toutefois, si, juridiquement, les deux fautes doivent être distinguées, il apparaît en pratique que le comportement constitutif d’une faute au sens de l’article 24, en constituera également une en application de l’article 1382.
Les juges ont plus souvent à connaître de cas d’adultère que d’abstinence. Au-delà de son fondement juridique, on retiendra donc de cette décision que le refus unilatéral, et non justifié par des considérations médicales, d’avoir des relations sexuelles avec son époux, est fautif. Si, en l’espèce, la situation était en définitive facile à qualifier juridiquement, les juges ayant relevé « la quasi-absence de relations sexuelles pendant plusieurs années », on peut se demander quelle aurait été la décision des juges si l’épouse avait incriminé la fréquence des relations sexuelles (trop ? pas assez ?). Pour déterminer le seuil permettant de dire à partir de quand le devoir conjugal est exécuté, il aurait alors fallu s’en remettre à l’appréciation souveraine des juges du fond, le Code civil ne livrant aucune directive à ce sujet…
Aix en Provence, 3 mai 2011, n° 2011/292
Références
■ P. Murat (dir.), Droit de la famille 2010-2011, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 2010, n° 136.91.
[Droit civil]
« Dans le droit des obligations, lien de cause à effet entre la faute d’une personne ou le rôle d’une chose et le préjudice subi par un tiers.
Plusieurs facteurs pouvant intervenir dans la réalisation d’un dommage, la doctrine s’est efforcée de préciser cette notion; on a parfois soutenu que toute cause est à l’origine de l’intégralité du dommage (théorie de l’équivalence des conditions); mais on a dit, à l’inverse, qu’il fallait rechercher la cause adéquate, c’est-à-dire celle qui, normalement, est de nature à provoquer le dommage considéré. La jurisprudence applique généralement la théorie de la causalité adéquate. »
[Droit civil]
« Devoir essentiel du mariage, au fondement des autres devoirs conjugaux. Il combine un aspect charnel (la communauté de lit, c’est-à-dire les rapports sexuels) et un aspect matériel (le “ vivre ensemble ” sous le même toit, la cohabitation au sens strict).
La cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis 2 ans lors de l’assignation en divorce, est un motif de divorce pour altération définitive du lien conjugal. »
[Droit civil]
« Obligation née du mariage, qui impose à chacun des époux d’accepter d’entretenir des relations sexuelles avec son conjoint. »
[Droit civil]
« Rupture du lien conjugal provoquant la dissolution du mariage, du vivant des 2 époux, à la suite d’une décision judiciaire, rendue à la requête de l’un d’eux ou de l’un et de l’autre, dans l’un des cas prévus par la loi.
Obligatoirement prononcé par un jugement du juge aux affaires familiales, il peut être demandé pour 4 causes : soit sur la requête conjointe des époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets (divorce par consentement mutuel); soit sur acceptation de la demande de l’un des époux par l’autre ou par demande conjointe lorsqu’ils acceptent le principe de la rupture sans considération des faits à l’origine de celle-ci et laissent au juge le soin de statuer sur les conséquences du divorce (divorce accepté); soit sur demande de l’un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré par cessation de la communauté de vie entre eux ou par séparation depuis au moins 2 ans à la date de l’assignation (divorce par altération définitive du lien conjugal); soit sur demande de l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune (divorce pour faute). »
[Droit civil]
« Somme d’argent destinée à réparer le dommage subi par une personne en raison de l’inexécution, de l’exécution tardive, ou de l’exécution défectueuse d’une obligation ou d’un devoir juridique par le cocontractant ou un tiers; on parle alors de dommages et intérêts compensatoires. Lorsque le dommage subi provient du retard dans l’exécution, les dommages et intérêts sont dits moratoires. »
[Droit civil]
« Attitude d’une personne qui par négligence, imprudence ou malveillance ne respecte pas ses engagements contractuels (faute contractuelle) ou son devoir de ne causer aucun dommage à autrui (faute civile appelée également faute délictuelle ou quasi-délictuelle). »
[Droit civil/Sécurité sociale]
« Dommage matériel (perte d’un bien, d’une situation professionnelle…), corporel (blessure) ou moral (souffrance, atteinte à la considération, au respect de la vie privée) subi par une personne par le fait d’un tiers. Le terme est employé en particulier pour exprimer la mesure de ce qui doit être réparé : on parle de préjudice réparable. »
■ Code civil
« Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.
La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord.
Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous. »
« Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
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