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Droit des obligations
Absence de réticence dolosive en cas de silence sur une information inutile aux acquéreurs
Mots-clefs : Droit commun du contrat, Vice du consentement, Réticence dolosive, Élément matériel, Information décisive, Élément intentionnel
La circonstance que les vendeurs n’avaient pas communiqué aux acquéreurs une déclaration de sinistre était indifférente dans la mesure où elle n’était pas de nature à apporter à ces derniers une information utile.
Une SCI vend un bien immobilier en omettant de communiquer aux acquéreurs, avant la conclusion du contrat définitif, la déclaration de sinistre affectant le bien et le rapport d’expertise annexé, précisant que si l’origine du sinistre litigieux privait les acheteurs de leur droit au bénéfice de l’assurance, celle-ci garantit, en revanche, l’absence d’aggravation du sinistre. Constatant le contraire, les acquéreurs forment alors une action en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de l’article 1116 du Code civil, reprochant à la venderesse de ne pas les avoir informés de cet élément qu’ils considèrent comme essentiel. En appel, leur demande est rejetée en raison du caractère jugé au contraire indifférent et inutile de l’information tue. Leur pourvoi en cassation est également rejeté, la troisième chambre civile confirmant l’analyse des juges du fond ayant « souverainement déduit qu’il n’était pas établi que la société X ait caché aux acquéreurs, de manière délibérée et déloyale, un élément d’information décisif dont elle ne disposait pas elle-même et qu’elle ait commis un dol par réticence ».
Aux termes des articles 1109 et 1116 du Code civil, un consentement surpris par dol n’est point valable. Vice du consentement, le dol est, à ce titre, une cause de nullité du contrat lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident qu’elles ont indûment conduit l’autre à contracter. Il comporte deux aspects :
– un aspect délictuel, visant l’acte de déloyauté, de malhonnêteté lors de la conclusion du contrat ;
– et un aspect psychologique, signifiant que l’acte délictuel a dû provoquer chez la victime une erreur déterminante de son consentement.
Le dol est également constitué de quatre éléments cumulatifs :
– un élément personnel ;
– un élément matériel ;
– un élément intentionnel ;
– et enfin, un élément déterminant.
Le premier signifie qu’un tel vice ne peut, en droit, provenir que du cocontractant de la victime du dol. Ce critère tiré de la qualité des parties ne posait, en l’espèce, aucune difficulté au demandeur, les circonstances du litige étant indiscutablement liées à la sphère du contrat conclu par les parties en cause.
En revanche, les éléments matériel et déterminant du dol, qui se recoupent en cas de dol par réticence, n’ont pu être caractérisés. Le premier relève de l’aspect délictuel du dol, et renvoie aux « manœuvres dolosives », autrement dit l’emploi de procédés visant à tromper l’autre partie. Si le Code civil assimile donc l’élément matériel du dol à un acte positif de tromperie (« manœuvre »), la jurisprudence a étendu la notion à un acte négatif, que l’on n’accomplit pas. L’élément matériel du dol peut ainsi être caractérisé par le silence (depuis Civ. 3e, 15 janv. 1971). Cela étant, pour se rendre coupable d’un tel dol, il ne suffit pas de taire une information, encore faut-il au préalable avoir été rendu débiteur d’une obligation d’information (par la loi ou par le juge) et ne pas divulguer, de manière intentionnelle, l’information qu’on était pourtant tenu de transmettre. En d’autres termes, la réticence n’est sanctionnée par le dol que si elle est fautive, au sens où elle viole une obligation d’information, légale ou jurisprudentielle. Pourtant, pendant longtemps, il a semblé naturel aux juristes, selon une logique libérale, qu’il était du devoir de chacun de s’informer. Néanmoins, progressivement, le devoir de se renseigner a laissé la place à une obligation précontractuelle de renseignements, dégagée par la jurisprudence sur le fondement de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil. Cette obligation connaît toutefois des limites dont celle, ici rappelée, liée à la pertinence de l’information non divulguée. En effet, il ressort d’une jurisprudence désormais constante qu’un contractant ne pourra être tenu de renseigner son partenaire que s’il détient une information pertinente pour lui, « un élément d’information décisif » réaffirme ici la Cour. Et c’est là que se situe le point de rencontre de l’élément matériel du dol et de son élément déterminant qui, contrairement au précédent, relève de l’aspect psychologique du dol puisqu’il exige que l’acte dolosif ait déterminé le consentement de sa victime.
Enfin, le dernier élément constitutif du dol, intentionnel, n’était pas davantage caractérisé. Alors que le dol, même s’il a perdu son caractère pénal originel, demeure un acte illicite volontaire, la mauvaise foi requise de son auteur n’a pu être en l’espèce établie par le demandeur dès lors qu’aucune preuve de la connaissance par la venderesse, non professionnelle, des erreurs contenues dans le rapport d’expertise, n’avait pu être rapportée.
Civ. 3e, 16 avr. 2013, n°12-16.242
Références
■ Code civil
« Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »
« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé. »
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
■ Civ. 3e, 15 janv. 1971, n°69-12.180.
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