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Droit des biens
Abus de droit de propriété
Mots-clefs : Droit de propriété, Rapport de voisinage, Travaux, Demande d'autorisation, Refus, Absence de motivation sérieuse et légitime, Abus de droit
Commet un abus de droit le propriétaire d’un fonds qui s’oppose à l’installation provisoire d’un échafaudage dans sa propriété alors qu’aucun autre moyen ne peut être mis en œuvre pour que soient réalisés les travaux préconisés pour la toiture de son voisin.
Maintenir de bons rapports de voisinage n’est pas toujours chose aisée et l’arrêt ici commenté en est une illustration.
Des époux ont sollicité l’autorisation de leur voisine de poser dans sa propriété, pour une durée de trois semaines, un échafaudage leur permettant de faire réaliser les travaux urgents de réfection de la toiture de leur pavillon. Devant le refus catégorique de cette dernière qui invoquait une atteinte à son droit de propriété (art. 544 C. civ.), le couple l’assigna.
La question ici posée était de savoir si un propriétaire peut légitimement refuser l’accès à son fonds.
Si un propriétaire dispose du droit d’user, de jouir et de disposer de sa propriété de la manière la plus absolue (art. 544 C. civ.) c’est à la condition toutefois de ne pas en faire un usage prohibé par les lois et règlements ou de nature à nuire aux droits des tiers (Civ. 3e, 20 mars 1978). L’exercice légitime de son droit de propriété s’arrête donc dès qu’il commet une faute (responsabilité de droit commun : art. 1382 et 1383 C. civ.) qui sera appréciée in abstracto. Ainsi, sera constitutif d’un abus du droit de propriété le fait pour un propriétaire :
– d’user de sa propriété dans l’unique intention malveillante de nuire à son voisin (v. affaire Clément-Bayard : édification d’ouvrages garnis de pointes acérées, dépourvus d’utilité pour son propriétaire, ayant uniquement pour but de déchirer les enveloppes des dirigeables sortant du hangar voisin : Req. 3 août 1915 ; plantation d’un rideau de fougères devant la fenêtre du voisin : Civ. 1er, 20 janv. 1964) ;
– ou d’agir sans motif légitime et sérieux, même sans intention de nuire à autrui (v. opposition à la démolition de constructions ayant fait l’objet d’arrêtés de péril et empêchant ainsi le propriétaire d’effectuer des travaux autorisés : Civ. 3e, 20 mars 1978, préc.).
En l’espèce, afin d’éviter de passer sur le fonds voisin, d’autres solutions pour la réalisation des travaux avaient pourtant été envisagées sans succès : l’installation d’une nacelle depuis la voie publique fut refusée par le maire de la ville pour des raisons de circulation et de sécurité ; le recours à un hélicoptère ou la mise en place d’une grue représentaient des coûts disproportionnés par rapport à celui des travaux prévus sur la toiture. Aussi, après avoir constaté la nécessité d’exécuter les travaux et l’absence d’alternative technique pour leur réalisation qui ne présentait pas d’inconvénients majeurs pour la propriétaire du fonds voisin, les juges du fond ont souverainement déduit que cette dernière ne pouvait, sous peine de commettre un abus de droit, s’opposer à l’installation ponctuelle de l’échafaudage. C’est donc sans surprise que la Haute cour approuve ce raisonnement caractérisant l’abus de droit lorsque le refus est sans motivation légitime et sérieuse.
Civ. 3e, 15 févr. 2012, n°10-22.899, FS-P+B
Références
■ F. Terré, Ph. Simler, Droit civil, Les biens, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2010, n°315 s.
■ Code civil
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
■ Civ. 3e, 20 mars 1978, Bull. civ. III, n° 128.
■ Req. 3 août 1915, DP 1917, 1, 79, GAJC, n°67.
■ Civ. 1er, 20 janv. 1964, D. 1964. 518, RTD civ. 1965. 117.
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