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[ 1 décembre 2011 ] Imprimer

Procédure pénale

Accès de la partie civile au dossier de l’instruction : pas avant la première audition !

Mots-clefs : Convention européenne des droits de l’homme, Viols, Agressions sexuelles, Audition, Comparution, Partie civile, Dossier, Mise à disposition

Conformément à l’article 114 alinéa 4 du Code de procédure pénale, l’avocat de la partie civile ne peut revendiquer un accès à tout ou partie du dossier d’une instruction en cours qu’après la première audition de celle-ci.

En l’espèce un homme est poursuivi pour viols et agressions sexuelles. Le conseil de l’ordre des médecins, qui s’est constitué partie civile, sollicite avant sa première audition par le juge d’instruction, la transmission d’une copie de la procédure à son avocat, sur le fondement de l’article 82-1 du Code de procédure pénale. Le magistrat ayant rejeté cette demande, la partie civile interjette appel de l’ordonnance de refus. La chambre de l’instruction infirme cette décision et déclare la demande recevable. Interprétant l’article 114 du Code de procédure pénale à la lumière de l’article préliminaire du même code, qui entend notamment préserver l’équilibre des droits des parties et garantir l’information des victimes par l’autorité judiciaire, elle estime qu’une fois qu’est intervenue la première comparution de la personne mise en examen, toutes les parties doivent pouvoir se faire délivrer une copie des pièces de la procédure. Saisie par le procureur général près la cour d’appel, la chambre criminelle est invitée à répondre à la question suivante : une fois la première comparution du mis en examen intervenue, l’avocat de la partie civile peut-il se faire transmettre une copie du dossier d’instruction ?

La Cour de cassation y répond négativement, rappelant que « la possibilité de se faire délivrer une copie des pièces du dossier d’une information en cours n’est ouverte à l’avocat de la personne concernée qu’après sa première comparution en qualité de mise en examen ou sa première audition comme partie civile ».

La possibilité pour les parties d'obtenir copie de pièces du dossier d’instruction s’est imposée, sous l’influence de la Convention européenne des droits de l’homme, avec la loi n° 96-1235 du 30 décembre 1996. Auparavant, la Cour de cassation s'y opposait, invoquant le principe du secret de l'instruction (Ass. plén. 30 juin 1995). Selon les articles 114 et 197 du Code de procédure pénale, la communication du dossier d’instruction ne peut être faite qu’à un avocat (Crim. 22 janv. 2002). Les parties n'ont donc qu'un droit d’accès indirect au dossier d’instruction, par l'intermédiaire de leur avocat, que la Cour européenne des droits de l’homme juge conforme à l’article 6 de la Convention (CEDH 21 sept. 1993, Kremzow c. Autriche). La transmission de pièces de l’avocat à son client est en outre strictement encadrée.

Toutefois l’article 114 alinéa 4 du Code de procédure pénale précise clairement que c’est uniquement après la première comparution pour le mis en examen, ou la première audition pour la partie civile, que les avocats des parties peuvent se faire délivrer, copie de tout ou partie du dossier.

En l’espèce la partie civile avait formulé sa demande avant sa première audition. C’est pourquoi la Haute cour casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa de l’article 114 alinéa 4 du Code de procédure pénale.

Crim. 25 oct. 2011, n°11-81.677

Références

Partie civile

[Procédure pénale]

« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »

Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.

Ass. plén. 30 juin 1995, Bull. crim. n°3 ; D. 1995. 417.

Crim. 22 janv. 2002, n° 00-82.215.

CEDH 21 sept. 1993, Kremzow c. Autriche, req. no 12350/86.

■ Code de procédure pénale

Article préliminaire

« I. - La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.

Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.

Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.

II. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.

III. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi.

Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.

Les mesures de contraintes dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.

Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.

Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction.

En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».

Article 82-1

« Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, à ce qu'il soit ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité. À peine de nullité, cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81 ; elle doit porter sur des actes déterminés et, lorsqu'elle concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée. Le juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions du dernier alinéa de l'article 81 sont applicables.

À l'expiration d'un délai de quatre mois depuis sa dernière comparution, la personne mise en examen qui en fait la demande écrite doit être entendue par le juge d'instruction. Le juge d'instruction procède à son interrogatoire dans les trente jours de la réception de la demande, qui doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article 81. »

Article 114

« Les parties ne peuvent être entendues, interrogées ou confrontées, à moins qu'elles n'y renoncent expressément, qu'en présence de leurs avocats ou ces derniers dûment appelés.

Les avocats sont convoqués au plus tard cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire ou l'audition de la partie qu'ils assistent par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, télécopie avec récépissé ou verbalement avec émargement au dossier de la procédure.

La procédure est mise à leur disposition quatre jours ouvrables au plus tard avant chaque interrogatoire de la personne mise en examen ou chaque audition de la partie civile. Après la première comparution de la personne mise en examen ou la première audition de la partie civile, la procédure est également mise à tout moment à la disposition des avocats durant les jours ouvrables, sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction.

Après la première comparution ou la première audition, les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier. Cette copie peut être adressée à l'avocat sous forme numérisée, le cas échéant par un moyen de télécommunication selon les modalités prévues à l'article 803-1. La délivrance de cette copie doit intervenir dans le mois qui suit la demande.

Les avocats peuvent transmettre une reproduction des copies ainsi obtenues à leur client. Celui-ci atteste au préalable, par écrit, avoir pris connaissance des dispositions de l'alinéa suivant et de l'article 114-1.

Seules les copies des rapports d'expertise peuvent être communiquées par les parties ou leurs avocats à des tiers pour les besoins de la défense.

L'avocat doit donner connaissance au juge d'instruction, par déclaration à son greffier ou par lettre ayant ce seul objet et adressée en recommandé avec accusé de réception, de la liste des pièces ou actes dont il souhaite remettre une reproduction à son client.

Le juge d'instruction dispose d'un délai de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour s'opposer à la remise de tout ou partie de ces reproductions par une ordonnance spécialement motivée au regard des risques de pression sur les victimes, les personnes mises en examen, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.

Cette décision est notifiée par tout moyen et sans délai à l'avocat. À défaut de réponse du juge d'instruction notifiée dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes dont il avait fourni la liste. Il peut, dans les deux jours de sa notification, déférer la décision du juge d'instruction au président de la chambre de l'instruction, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables par une décision écrite et motivée, non susceptible de recours. À défaut de réponse notifiée dans le délai imparti, l'avocat peut communiquer à son client la reproduction des pièces ou actes mentionnés sur la liste.

Les modalités selon lesquelles ces documents peuvent être remis par son avocat à une personne détenue et les conditions dans lesquelles cette personne peut détenir ces documents sont déterminées par décret en Conseil d'État.

Par dérogation aux dispositions des huitième et neuvième alinéas, l'avocat d'une partie civile dont la recevabilité fait l'objet d'une contestation ne peut transmettre à son client une reproduction des pièces ou actes de la procédure sans l'autorisation préalable du juge d'instruction, qui peut lui être notifiée par tout moyen. En cas de refus du juge d'instruction ou à défaut de réponse de ce dernier dans les cinq jours ouvrables, l'avocat peut saisir le président de la chambre de l'instruction, qui statue dans un délai de cinq jours ouvrables, par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. En l'absence d'autorisation préalable du président de la chambre de l'instruction, l'avocat ne peut transmettre la reproduction de pièces ou actes de la procédure à son client ».

Article 114-1

« Sous réserve des dispositions du sixième alinéa de l’article 114, le fait, pour une partie à qui une reproduction des pièces ou actes d'une procédure d'instruction a été remise en application de cet article, de la diffuser auprès d'un tiers est puni de 3 750 euros d'amende. »

Article 197

« Le procureur général notifie par lettre recommandée à chacune des parties et à son avocat la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience. La notification est faite à la personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par la personne. La notification à toute personne non détenue, à la partie civile ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 est faite à la dernière adresse déclarée tant que le juge d'instruction n'a pas clôturé son information.

Un délai minimum de quarante-huit heures en matière de détention provisoire, et de cinq jours en toute autre matière, doit être observé entre la date d'envoi de la lettre recommandée et celle de l'audience.

Pendant ce délai, le dossier est déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des personnes mises en examen et des parties civiles dont la constitution n'a pas été contestée ou, en cas de contestation, lorsque celle-ci n'a pas été retenue.

Copie leur en est délivrée sans délai, à leurs frais, sur simple requête écrite. Ces copies ne peuvent être rendues publiques ».

■ Article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme - Droit à un procès équitable

1. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales  la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

e) se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience ».

 

Auteur :Y. D.

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