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Droit des biens
Accession par incorporation et tiers constructeur de bonne foi
Mots-clefs : Immeuble, Parcelle, Propriétaire, Tiers, Construction, Accession, Bonne foi, Indemnité
Lorsque le tiers constructeur (ou planteur) est de bonne foi, l’article 555 du Code civil ne prévoit de remboursement qu’à la charge du propriétaire du fonds.
Lorsque le propriétaire d’un terrain n’est pas le propriétaire des matériaux qui ont servi à la construction ou plantation, l’application de la règle superficies solo credit (la construction accède au sol ; art. 551 C. civ.) soulève quelques difficultés dont celle de l’indemnité qui sera versée pour éviter ainsi un enrichissement sans cause du propriétaire du sol — ce dernier bénéficiant de la présomption simple de l’article 553 du Code civil(v. Com. 28 juin 1983 : la construction édifiée avant la vente d’un terrain est réputée, sauf preuve contraire, faite par le propriétaire du terrain et non le futur acquéreur).
En l’espèce, un homme avait édifié une construction sur un terrain acquis par acte authentique, fonds qui fut toutefois attribué par la suite, dans des circonstances non précisées, à d’autres personnes. Ces dernières proposèrent une indemnité égale à la valeur dont le fonds avait été augmenté du fait de ces constructions (art. 555 al. 3 C. civ.). Le tiers évincé réclama alors le paiement selon la méthode d’évaluation arrêtée. Les juges du fond le déboutèrent et le condamnèrent à payer aux véritables propriétaires du sol une somme correspondant à la moins-value d’encombrement apportée par la construction au fonds, la valeur du foncier ayant été (selon les dires d’un expert) « pénalisée » compte tenu de l’architecture et de la technique employée à la réalisation de l’ouvrage.
Au regard des dispositions de l’article 555 du Code civil, le tiers constructeur peut-il être tenu d’une indemnité au profit du propriétaire du sol lorsque la construction apporte une moins-value au fonds ?
En principe, lorsqu’une construction nouvelle (et non une simple réparation ou transformation de l’existant : Civ. 3e, 8 janv. 1997) est édifiée par un tiers avec ses matériaux sur le terrain d’autrui, le propriétaire du fonds dispose, en vertu de l’article 555 alinéa 1er du Code civil d’une option :
– conserver la propriété de l’édifice,
– ou, en exiger la démolition,
à moins que le constructeur évincé soit de bonne foi (renvoi de l’al. 1er à l’al. 4 de l’art. 555 C. civ.). Est de bonne foi, la personne qui n’a pas été condamnée à la restitution des fruits, qui a édifié une construction (ou plantation) sur un sol dont il avait la possession et pensait en être le véritable propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore le vice (art. 550 C. civ. ; Civ. 3e, 15 juin 2010). Toujours présumée (art. 2274 C. civ.), la bonne foi s’apprécie au moment de la réalisation de la construction (Civ. 3e, 30 nov. 1988). Conséquence de la bonne foi du tiers, le propriétaire du sol perd alors toute possibilité de voir détruire l’édifice : il doit le conserver. Il devient, par accession, propriétaire de la construction et aura le choix de verser au tiers une contrepartie correspondant :
– « soit à une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur ;
– soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages » (renvoi de l’al. 4er à l’al. 3 de l’art. 555 C. civ. ; v. Civ. 3e, 22 févr. 2006, qui précise que cette indemnité doit être évaluée à la date à laquelle le juge statue). Cette option n’appartient qu’au propriétaire du sol et le juge ne peut se substituer à ce dernier afin de retenir la contrepartie financière la plus équitable (Civ. 3e, 24 oct. 1990 ; v. pour une demande d’option émanant du constructeur en cas de silence du propriétaire du sol pourtant mis en demeure d’exercer son choix : Civ. 3e, 17 juill. 1996).
En l’espèce, l’homme disposait d’un acte authentique qui s’est avéré par la suite erroné. Il était donc de bonne foi au moment de l’édification. De ce fait, la Haute cour cassa l’arrêt d’appel pour violation de l’article 555 du Code civil après avoir rappelé que le seul remboursement prévu à cet article en cas de bonne foi du tiers ne pouvait être qu’à la charge du propriétaire. Ainsi, même si la construction a apporté une moins-value au fonds, le tiers de bonne foi n’est aucunement débiteur d’une indemnité envers le propriétaire du fonds. Toutefois, la Cour reste silencieuse quant au montant qui peut être alors versé par ce dernier dans une telle hypothèse.
Civ. 3e, 12 oct. 2011, n°10-18.175, FS-P+B
Références
■ F. Terré, Ph. Simler, Droit civil, Les biens, 8e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2010, n°256 s.
[Droit civil]
« Extension légale du droit de propriété sur une chose à tout ce qu’elle produit et à tout ce qui s’unit ou s’incorpore à elle.
Si une personne construit avec ses matériaux sur un terrain appartenant à un tiers, le propriétaire du sol devient propriétaire de la construction par accession. »
[Droit civil]
« “La surface le cède au sol” : tout ce qui s’incorpore à un immeuble (végétaux, bâtiments) est censé en faire partie et appartient au propriétaire. »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Com. 28 juin 1983, Bull. civ. IV, n°193.
■ Civ. 3e, 8 janv. 1997, Bull. civ. III, n°8.
■ Civ. 3e, 15 juin 2010, n°09-67.178, RTD civ. 2010. 590.
■ Civ. 3e, 30 nov. 1988, Bull. civ. III, n°172.
■ Civ. 3e, 22 févr. 2006, n°04-19.852, Bull. civ. III, n°48.
■ Civ. 3e, 24 oct. 1990, Bull. civ. III, n°204, RTD civ. 1992. 795.
■ Civ. 3e, 17 juill. 1996, Bull. civ. III, n°196, D. 1997. 20 ; RTD civ. 1997. 457.
■ Code civil
« Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
Il cesse d'être de bonne foi du moment où ces vices lui sont connus. »
« Tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, suivant les règles qui seront ci-après établies. »
« Toutes constructions, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir, si le contraire n'est prouvé ; sans préjudice de la propriété qu'un tiers pourrait avoir acquise ou pourrait acquérir par prescription soit d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui, soit de toute autre partie du bâtiment. »
« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.
Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.
Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent. »
« La bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »
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