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[ 10 octobre 2014 ] Imprimer

Droit pénal général

Accident causé par l’action d’un véhicule par un militaire dans l’exercice de ses fonctions : compétence de l’ordre judiciaire

Mots-clefs : Compétence, Déclinatoire de compétence, Ordre judiciaire, Véhicule

En vertu de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1957, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque, y compris lorsque ce dernier est conduit par un militaire dans l’exercice de ses fonctions.

L’arrêt rendu par la chambre criminelle, le 23 septembre 2014, vient rappeler la compétence exclusive des juridictions de l’ordre judiciaire concernant les actions en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.

Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, même si l'action est dirigée contre une personne de droit public, la compétence des juridictions administratives est exclue.

Cette compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire concerne tant les accidents causés par des véhicules aériens, maritimes, fluviaux ou, comme en l’espèce, des véhicules terrestres à moteur.

La responsabilité de la personne publique peut être recherchée tant devant la juridiction civile que devant un juge pénal (Crim. 19 nov. 1959 ; T. confl. 23 nov. 1959).

Alors qu’il se trouvait en mission extérieure à Kaboul (Afghanistan), un sergent-chef, passager du véhicule conduit par un autre militaire, a été grièvement blessé au cours d’une collision avec un camion civil afghan. Le conducteur du véhicule a été cité devant le tribunal correctionnel de Paris du chef de blessures involontaires aggravées et relaxé. Statuant sur l’action civile, la juridiction a ordonné une expertise médicale et condamné l’agent judiciaire de l’État à payer des provisions aux parties civiles. Ce dernier a interjeté appel de cette décision, et le préfet de Paris a présenté un déclinatoire de compétence auquel la cour d’appel a fait droit en se déclarant incompétente.

Saisi du pourvoi des parties civiles, la chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 et au terme d’un attendu de principe. Elle rappelle que « les tribunaux de l’ordre judiciaire sont compétents pour la réparation des dommages causés par tout véhicule, peu important qu’il ait été conduit par un militaire, que la victime soit elle-même agent de l’État et qu’ils aient tous deux été dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors que le préjudice découle de la seule action d’un véhicule ».

Dès qu'un véhicule est impliqué, la juridiction judiciaire est toujours compétente. Peu importe que l’auteur des dommages soit un agent public et que l’accident soit survenu dans l’exercice des fonctions avec un véhicule administratif. 

Précisons que dans cette hypothèse, la responsabilité, de nature civile (en l’espèce reposant sur la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation), de l'Administration est substituée à celle de son fonctionnaire (Crim. 20 janv. 1993). Dans des poursuites exercées pour blessures involontaires contre le militaire – conducteur dans le cadre de ses fonctions d'un véhicule de l'armée impliqué dans l'accident –, la partie civile est irrecevable à exercer contre le prévenu l'action civile en réparation du dommage résultant de l'infraction (Crim. 29 juin 1999).

Enfin, il convient de ne pas confondre l’hypothèse soumise, en l’espèce, avec celle d’une action opposant un agent public à son employeur auquel le premier réclame l'indemnisation intégrale du préjudice causé par un accident de service, même si celui-ci implique un véhicule.

Dans ce type de litige, c’est la compétence administrative qui est retenue. Dans un arrêt du 8 juin 2009, le Tribunal des conflits a, en effet, estimé « que le litige ainsi soulevé a trait à la réparation par une collectivité publique des conséquences dommageables de l'accident de service survenu à l'un de ses agents titulaires à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; qu'un tel litige n'entre pas dans le champ du régime de droit commun de l'indemnisation des accidents de travail institué par le code de la sécurité sociale ; qu'il relève par suite de la compétence de la juridiction de l'ordre administratif, que l'action ait été intentée sur le fondement des dispositions particulières applicables aux agents des collectivités publiques ou sur un autre fondement, et ce, alors même que l'accident a été causé par un véhicule » (T. confl. 8 juin 2009, Cts R.). La Cour de cassation s'est alignée sur la position du Tribunal des conflits (Civ. 2e, 8 déc. 2011).

Crim. 23 sept. 2014, n° 13-85.311 F-P+B+I 

Références

■ Article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public

« Par dérogation à l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 sur l'organisation judiciaire, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque.

Cette action sera jugée conformément aux règles du droit civil, la responsabilité de la personne morale de droit public étant, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions.

La présente disposition ne s'applique pas aux dommages occasionnés au domaine public. »

■ Article 13 de la loi des 16-24 août 1790

«  Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction ».

 Crim. 19 nov. 1959, JCP 1960. II. 11386, note Aymond.

■ T. confl. 23 nov. 1959, D. 1960. 223, note Savatier.

■ Crim. 20 janv. 1993, nos 91-82.554  et 91-87.009.

 Crim. 29 juin 1999, n° 98-81.407.

■ T. confl. 8 juin 2009Cts R., n° 3697, LebonAJFP 2009. 264, note J. Mekhantar.

■ Civ. 2e, 8 déc. 2011, n° 10-24.907.

 

Auteur :C. L.

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