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Droit de la responsabilité civile
Accident de la circulation et garde collective du véhicule
Mots-clefs : Responsabilité civile, Loi du 5 juillet 1985, Domaine d’application, Véhicule, Garde collective, Absence de conducteur, Indemnisation (non)
Il résulte des articles 1er, 2 et 6 de la loi du 5 juillet 1985 qu'en cas de garde collective du seul véhicule impliqué dans l'accident et en l'absence de conducteur débiteur d'indemnisation, les cogardiens victimes et leurs ayants droit ne peuvent obtenir l'indemnisation de leurs dommages en invoquant la loi du 5 juillet 1985.
Provoqué par la fuite de carburant d’une tondeuse autoportée, un incendie s'était déclaré dans le garage d’un couple, entraînant leur décès. Leurs ayants droit avaient alors agi en indemnisation des préjudices indirectement subis par eux, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
La cour d’appel accueillit cette demande au motif que l'accident survenu constituait bien un accident de la circulation entrant dans le champ d'application de la loi Badinter du 5 juillet 1985 et que la tondeuse ayant été acquise pendant le mariage des époux défunts, ces derniers avaient tous deux la qualité de gardiens de ce véhicule, lequel était impliqué dans la réalisation du sinistre au sens de l'article 1er de la loi.
Le Fonds de garantie des assurances forma un pourvoi en cassation. Selon lui, l'accident impliquant un véhicule en stationnement dans un garage privé à usage individuel ne peut constituer un accident de la circulation, au sens de l'article 1er de la loi de 1985.
Pour rejeter la thèse du pourvoi, la Cour de cassation procède à un rappel du champ d’application de la loi du 5 juillet 1985.
Tout d’abord, « la tondeuse autoportée pourvue d'un siège sur lequel s'assoit le conducteur et d'un volant constitue un véhicule terrestre à moteur ». En effet, le véhicule visé par la loi est un engin à moteur, lequel doit servir la faculté de déplacement de la machine peu important, en revanche, que la machine ait pour fonction naturelle le transport de personnes ou de choses. Une tondeuse autoportée peut ainsi être considérée comme un véhicule terrestre à moteur (v. déjà, Civ. 2e, 24 juin 2004).
Ensuite, la loi Badinter trouve également à s’appliquer dès lors que le dommage est la conséquence de l’exercice d’une fonction propre à la faculté de déplacement que possède tout véhicule terrestre à moteur ; or en l’espèce, le sinistre étant dû à une fuite de carburant, c’est bien la fonction « déplacement » qui était en cause et non la fonction « outil » de la tondeuse.
Enfin, la Cour rappelle que la loi du 5 juillet 1985 n'exige pas que l'accident se soit produit dans un lieu ouvert à la circulation publique (v. Civ. 2e, 21 juin 2001 ; Civ. 2e, 18 mars 2004).
Toutefois, le deuxième moyen donne lieu à la cassation de la décision des juges du fond relative à l’indemnisation des cogardiens du véhicule victimes de l’accident.
Concernant les recours susceptibles d’être exercés entre gardien et conducteur, on savait déjà l’indifférence des juges au fait qu’un passager victime soit également le gardien du véhicule, lequel est sans incidence sur son droit à réparation qu’il peut exercer non seulement à l’encontre du conducteur d’un autre véhicule impliqué, mais aussi à l’encontre du conducteur (et de l’assureur) de son propre véhicule. Cela étant, cette position fut, par la suite, tempérée dans l’hypothèse où le gardien du véhicule, privé de conducteur, est seul victime de l’accident. Dans ce cas, le gardien ne saurait, en l’absence de conducteur du véhicule ou d’un tiers responsable, invoquer les dispositions de la loi de 1985 (v. Civ. 2e, 13 juill. 2006 : le gardien d’un véhicule terrestre à moteur, victime d’un accident de la circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l’encontre de son assureur en l’absence d’un tiers conducteur du véhicule).
Par la décision rapportée, la Cour étend cette solution de principe à l’hypothèse distincte où les victimes de l’accident ont la qualité de cogardiens du véhicule : « (…) en cas de garde collective du seul véhicule impliqué dans l'accident et en l'absence de conducteur débiteur d'indemnisation, les cogardiens victimes et leurs ayants droit ne peuvent obtenir l'indemnisation de leurs dommages en invoquant la loi du 5 juillet 1985 ».
Maudit gazon !
Civ. 2e, 22 mai 2014, n°13-10.561
Références
■ Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation
« Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. »
Article 2
« Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er. »
Article 6
« Le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages. »
■ Civ. 2e, 24 juin 2004, n°02-20.208.
■ Civ. 2e, 21 juin 2001, n°99-15.732, RTD civ. 2001. 901, note Jourdain.
■ Civ. 2e, 18 mars 2004, n°02-15.190.
■ Civ. 2e, 13 juill. 2006, n°05-17.095, RTD civ. 2006. 780, note Jourdain.
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