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Droit des assurances
Accident de la circulation : exclusion du recours subrogatoire de l’assureur contre le passager, même fautif, du véhicule
L’assureur, obligé d’indemniser une victime sur le fondement de l’article L. 211-1 du Code des assurances, est également tenu de garantir la responsabilité civile des passagers du véhicule assuré, sans pouvoir exercer un recours subrogatoire contre eux.
Civ. 2e, 30 mars 2023, 21-17.466 B
L’assureur ayant indemnisé la victime d’un accident de la circulation sur le fondement de l’article L. 211-1 du Code des assurances peut-il exercer un recours subrogatoire contre le passager du véhicule à raison de la faute personnelle commise par ce dernier ? Telle était la question posée à la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 mars dernier.
En l’espèce, alors qu’il dépassait par la droite une voiture en circulation, le conducteur d’une motocyclette fut entravé dans sa manœuvre par le passager situé à l’arrière de ce véhicule, qui tendit son bras hors de la voiture pour jeter par la fenêtre son mégot de cigarette. Après avoir heurté un feu tricolore, le motocycliste mourut des suites de cet accident. Ses ayants droit ont assigné le conducteur de la voiture ainsi que son assureur en indemnisation des préjudices subis. L’assureur du conducteur a ensuite assigné en intervention forcée le passager du véhicule afin que ce dernier le garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, à raison de la faute qu’il avait commise. Autrement dit, l’assureur entendait, après avoir indemnisé les ayants droit de la victime décédée, exercer un recours subrogatoire contre le passager, ce que les juges du fond avaient admis. Le passager forma un pourvoi en cassation, au moyen que lorsqu’il a été condamné à indemniser la victime, l’assureur du véhicule impliqué dans l’accident, qui est tenu de couvrir la responsabilité de ses passagers, ne peut exercer de recours subrogatoire à leur encontre.
La deuxième chambre civile lui donne raison, cassant l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 211-1 du Code des assurances. Après avoir rappelé, sur le fondement du premier alinéa de ce texte, l’obligation d’assurer toute personne dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, la deuxième chambre civile précise, à l’appui du deuxième alinéa du même texte, l’étendue de la garantie due par l’assureur, qui couvre la responsabilité civile des passagers du véhicule assuré et rappelle enfin, en vertu du troisième alinéa, l’existence d’un recours subrogatoire de l’assureur contre la personne responsable de l’accident dans le seul cas où la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. La Cour déduit de la combinaison de ces dispositions qu’après avoir indemnisé la victime d’un accident de la circulation sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, en raison de l’implication du véhicule objet de l’assurance, l’assureur, tenu de garantir également la responsabilité civile des passagers de ce véhicule, ne peut exercer de recours contre ces derniers. En l’espèce, même fautif, le passager dont la responsabilité civile était garantie par l’assureur ayant indemnisé les ayants droit de la victime ne pouvait donc faire l’objet d’un recours subrogatoire de la part de l’assureur du conducteur. Ainsi, la garantie due par l’assureur excluait-elle le recours subrogatoire à l’encontre de ce passager, qui était également son assuré.
La solution est conforme à l’obligation d’assurance et à l’étendue de cette garantie, couvrant la responsabilité civile non seulement du propriétaire ou du gardien du véhicule, mais également celle de ses passagers. La solution inverse, qui reviendrait à reconnaître à l’assureur la possibilité d’exercer un recours contre l’assuré, serait contraire à l’essence de l’assurance et à la théorie de la garantie. La subrogation de l’assureur automobile, cantonnée à l’application de l’article L.211-1, alinéa 3 du Code des assurances, est ainsi limitée à la seule hypothèse où la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. C’est la raison pour laquelle la solution ici énoncée au sujet des passagers du véhicule s’applique également au conducteur ou au gardien du véhicule (Civ. 2e, 3 juin 2004, n° 03-10.819 ; 3 févr. 2005, n° 04-10.342 ; 12 sept. 2013, n° 12-24.409 ; 5 nov. 2020, n° 19-17.062). En l’espèce, l’application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et de l’article L. 211-1 du code des assurances, consécutive à l’accident de circulation survenu, empêche toute action récursoire de l’assureur à l’encontre du passager du véhicule, dès lors qu’il est également son assuré. Sa responsabilité civile étant obligatoirement garantie, sa faute civile, indifférente, ne peut justifier de déroger à la règle précitée, d’interprétation stricte : comme le rappelle la Cour, l’argument avancé par l’assureur de la faute personnelle du passager assuré, fondé sur le droit de la responsabilité civile, est inopérant dans le cadre d’une assurance légale obligatoire fondée sur la théorie de la garantie, étrangère à la faute. C’est, par essence, ce qui oppose la logique de la garantie à la logique de la responsabilité civile.
Dont acte : l’assureur, légalement tenu de garantir la responsabilité civile des passagers du véhicule, ne peut exercer de recours subrogatoire contre eux même en cas de faute de leur part.
Références :
■ Civ. 2e, 3 juin 2004, n° 03-10.819 P : RTD civ. 2004. 742, obs. P. Jourdain.
■ Civ. 2e, 3 févr. 2005, n° 04-10.342 P : D. 2005. 459.
■ Civ. 2e, 12 sept. 2013, n° 12-24.409 P : D. 2013. 2223 ; ibid. 2014. 571, chron. L. Lazerges-Cousquer, N. Touati, H. Adida-Canac, E. de Leiris, T. Vasseur et R. Salomon.
■ Civ. 2e, 5 nov. 2020, n° 19-17.062 P : D. 2021. 222, note F. Gréau ; RTD civ. 2021. 424, obs. P. Jourdain.
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