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Droit de la responsabilité civile
Accident de la circulation : l’implication du véhicule doit être matériellement prouvée
Mots-clefs : Responsabilité, Accident de la circulation, Implication du véhicule, Preuve, Déclarations des victimes, Insuffisance
Faute de contact entre le véhicule et le siège du dommage, l’implication du premier dans la survenance de l’accident ne peut être prouvée par les seules déclarations des victimes.
Pour obtenir l’indemnisation de son dommage, la victime d’un accident de la circulation doit rapporter la preuve de quatre conditions cumulatives : la présence d’un véhicule terrestre à moteur, la survenance d’un accident de la circulation, l’implication dudit véhicule dans cet accident et l’imputabilité du dommage à l’accident. Seule la troisième condition, d’implication du véhicule, définie par la jurisprudence comme le rôle, quel qu’il soit, joué par le véhicule dans la survenance de l’accident (V. notam. Civ. 2e, 28 févr. 1990, n° 88-20.133 exigeant que le véhicule soit intervenu « d’une manière ou d’une autre dans l’accident » ou encore qu’il n’ait joué qu’un « rôle quelconque » pour le considérer comme impliqué dans l’accident, Civ. 2e, 15 mai 1992, n° 90-20.322), était au coeur de la décision rapportée, qui présente l’intérêt particulier de conjuguer cette notion spéciale d’implication, propre à la responsabilité des accidents de la circulation, avec le droit commun de la preuve.
Alors qu’elle entreprenait, sur une autoroute à trois voies, le dépassement d’un véhicule qui circulait sur la voie de droite, une conductrice avait perdu le contrôle de son véhicule. Celle-ci, ainsi que ces deux passagères également blessées dans l’accident, avaient alors assigné en indemnisation de leurs préjudices corporels le conducteur du véhicule dépassé, en même temps que son assureur. Aucun témoin de l’accident ni aucun élément matériel n’ayant pu attester de l’implication dudit véhicule dans l’accident dont elles avaient été victimes, la preuve de cette condition reposait uniquement sur les déclarations des victimes.
Le rejet de leurs demandes en réparation n’allait pourtant pas de soi, se faire preuve à soi-même étant admissible s’agissant de la preuve d’un fait juridique (Civ. 1re, 10 mai 2005, n° 02-12.320). C’est pourtant ce que décida la Cour d’appel au motif que les déclarations des victimes, bien que recevables, ne suffisaient pas à elles seules à rapporter la preuve de l’implication du véhicule du conducteur assigné. Les victimes formèrent un pourvoi en cassation, reprochant aux juges d’exiger la preuve, depuis longtemps abandonnée, du rôle perturbateur du véhicule en cause dans la circulation en refusant de tenir compte de la preuve de l’implication que révélait suffisamment, selon elles, le fait pour le conducteur assigné de s’être déporté sur la gauche sans dépasser la ligne.
La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond et rejette leur pourvoi, jugeant que la preuve de l’implication du véhicule dans l’accident n’était pas rapportée. Pour motiver sa décision, la Cour commence par rappeler le principe probatoire depuis longtemps acquis selon lequel il incombe à la victime de démontrer l'implication du véhicule dans l'accident (Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 85-12.472), pour relever, ensuite, l’absence de contact des véhicules litigieux, soulignant ainsi la plus grande difficulté probatoire rencontrée par les auteurs du pourvoi, l’implication étant, en cas de contact entre le véhicule et le siège du dommage, présumée. Or à défaut de contact, la preuve de l’implication du véhicule relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, à partir des circonstances de fait dont il doit résulter que le véhicule est intervenu d’une façon ou d’une autre dans l’accident (Civ. 1re, 18 mars 1992, n° 90-20.380).
En l’espèce, n’était pas ressorti des éléments versés au débat l’écart à gauche reproché au conducteur assigné, contesté par lui et non attesté par témoin ni vérifié par aucun élément matériel, en sorte que l’implication de son véhicule dans l’accident survenu n’était pas autrement établie que par les dires, jugés insuffisants, des victimes. Autrement dit, les seules déclarations des victimes ne suffisaient pas à rapporter la preuve de l’implication du véhicule du défendeur, laquelle ne pouvant pas davantage être déduite, comme le rappelle la Cour, de sa seule présence, au moment de l’accident, sur la voie de circulation et du dépassement réalisé (V. déjà en ce sens Civ. 2e, 13 déc. 2012, n° 11-19.696). L’exigence ici exprimée par la Haute juridiction se comprend et se justifie peut-être par la faiblesse de celle relative à la notion d’implication, la simple contribution d’un véhicule dans la survenance d’un accident suffisant à la caractériser. Le droit de la preuve vient ainsi tempérer la faveur faite par la loi Badinter aux victimes d’un accident de circulation et, en particulier, la souplesse de la notion d’implication du véhicule, les victimes devant tout de même prouver, à défaut du rôle actif du véhicule dans la survenance de l’accident, la réalité de son implication, faute de quoi leur indemnisation serait, sur leurs simples dires, automatique.
Civ. 2e, 26 oct. 2017, n° 16-22.462
Références
■ Fiche d’orientation Dalloz : Responsabilité civile – Régime des accidents de la circulation
■ Civ. 2e, 28 févr. 1990, n° 88-20.133 P : D. 1991. 123, note J.-L. Aubert ; RTD civ. 1990. 508, obs. P. Jourdain.
■ Civ. 2e, 15 mai 1992, n° 90-20.322 P.
■ Civ. 1re, 10 mai 2005, n° 02-12.302.
■ Civ. 2e, 21 juill. 1986, n° 85-12.472 P
■ Civ. 1re, 18 mars 1992, n° 90-20.380.
■ Civ. 2e, 13 déc. 2012, n° 11-19.696 P : D. 2013. 12, obs. I. Gallmeister ; RTD civ. 2013. 390, obs. P. Jourdain.
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