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[ 18 juillet 2018 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Accident de vélo et responsabilité

La responsabilité pour faute de l’Office national des forêts ne peut être engagée pour un dommage corporel survenu sur un circuit sauvage situé en forêt, dès lors qu’il n’est pas établi que l’Office avait connaissance de l’existence dudit circuit; de même, sa responsabilité en tant que gardien de la chose inerte ne saurait être retenue dès lors que l’imprudence fautive de la victime a été la cause exclusive du dommage, et ce quand bien même la chose présenterait un caractère potentiellement dangereux.

Alors qu’il pratiquait le « free-ride » en forêt, un adolescent chute gravement, et en ressort tétraplégique. La victime ainsi que ses parents, assignent l’Office national des forêts (ONF) afin de le voir déclaré responsable de cet accident. 

La cour d’appel rejette leur demande. Selon elle, il n’est pas établi que l’ONF avait connaissance de l’existence du circuit, lequel était situé à l’écart de toute zone aménagée, et n’était que difficilement accessible. De même, la cour d’appel relève que si le circuit était en lui-même potentiellement dangereux, l’accident était dû à un manque de vitesse du vélo de la victime. 

Les parents ainsi que la victime forment un pourvoi en cassation, autour de deux moyens, l’un fondé sur la responsabilité du fait personnel, l’autre sur la responsabilité du fait des choses.

Dans un premier temps, ils font valoir que l’ONF, en négligeant de mettre en œuvre des mesures de sécurité, n’a pas respecté les dispositions du code forestier, dont l’article L. 122-10 dispose que l’ouverture des forêts au public implique la mise en œuvre de telles mesures, et qu’en tout état de cause, il a manqué à son devoir général de prudence et de diligence. Les requérants entendent ainsi se fonder sur la responsabilité délictuelle de l’ONF, dont le fait générateur résiderait dans la violation d’une norme légale, ainsi que dans un manquement à un devoir général de prudence. La Haute cour a en effet déjà pu juger, que méconnaissait son obligation générale de prudence le propriétaire qui négligeait d’interdire l’accès à un lieu dangereux (Civ. 2e, 5 oct. 2006, n° 05-14.825).

La Cour de cassation rejette ce moyen, considérant qu’il n’est en effet pas établi que l’ONF avait connaissance de l’existence de ce circuit, et qu’ainsi la cour d’appel avait souverainement pu apprécier que celui-ci n’avait pas commis de faute en omettant de sécuriser le terrain. 

Dans un second temps, les requérants reprochent aux juges du fond d’avoir considéré que le circuit n’avait joué qu’un rôle passif dans la survenance du dommage, alors qu’il présentait en lui-même un caractère dangereux en raison de l’absence de sécurisation de ses abords, et de l’importance des obstacles.

Là encore, la Cour de cassation juge que le moyen n’est pas fondé. Selon elle, la Cour d’appel a souverainement pu considérer que malgré le caractère potentiellement dangereux du circuit, l’accident litigieux n’était dû qu’à une imprudence fautive de la victime, qui roulait à une allure inadaptée, et non à l’obstacle lui-même. Par là même, les conditions de l’ancien article 1384, alinéa 1er du Code civil, qui prévoit la responsabilité des choses que l’on a sous sa garde, n’étaient pas réunies.

Rappelons en effet qu’il est jugé de manière constante, que la victime doit prouver la caractère anormal de la chose inerte, pour que soit reconnu son caractère causal dans la réalisation du dommage (Civ. 2e, 8 juin 1994, n° 92-19.546). L’indemnisation est ainsi refusée lorsque subsiste un doute sur l’origine exacte du dommage (Civ. 2e, 5 mai 1993, n° 91-15.035), ce que la Cour d’appel a souverainement estimé en l’espèce. Cette jurisprudence maintient donc la distinction opérée entre la chose inerte, pour laquelle la victime aura plus de difficultés à être indemnisée, et la chose en mouvement, alors même que l’évolution de la jurisprudence semble par ailleurs tendre vers une volonté globale de garantir l’indemnisation de la victime (Civ. 2e, 15 juin 2000, n° 98-20.510; Civ. 2e, 14 nov. 2002, n° 01-12.318).

Civ. 2e, 14 juin 2018, n° 17-14.781

Références

■ Civ. 2e, 5 oct. 2006, n° 05-14.825.

■ Civ. 2e, 8 juin 1994, n° 92-19.546 P : D. 1996. 31, obs. F. Lagarde ; RTD civ. 1995. 121, obs. P. Jourdain.

■ Civ. 2e, 5 mai 1993, n° 91-15.035 P.

■ Civ. 2e, 15 juin 2000, n° 98-20.510 P : D. 2001. 886, note G. Blanc ; RTD civ. 2000. 849, obs. P. Jourdain.

■ Civ. 2e, 14 nov. 2002, n° 01-12.318 P : D. 2002. 3245.

 

Auteur :Violette Laville


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