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Droit pénal général
Accident lors d’une kermesse : responsabilité pénale de la commune du fait de la faute caractérisée de son représentant
Mots-clefs : Responsabilité pénale, Accident, Activité de loisir, Délit non intentionnel, Faute caractérisée, Faute délibérée, Kermesse municipale
Une commune est pénalement responsable de l'accident survenu à l'occasion d'une activité de loisirs susceptible d'une délégation de service public, mise en œuvre au moyen d'un contrat de prestation de service conclu avec une société privée, du fait de la faute caractérisée de son représentant.
D’après l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont responsables « des infractions commises pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». Le texte permet le cumul des responsabilités pénales de la personne morale et de la personne physique qui a matériellement consommé l’infraction (al. 3). En outre, s’agissant des collectivités territoriales, il précise qu’elles ne sont responsables pénalement « que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public » (al. 2).
En l’espèce, au cours d'une kermesse organisée par une commune, une structure gonflable type toboggan a basculé sur le côté, provoquant la chute des enfants qui y jouaient dans un fossé situé en contrebas. L’une des victimes, grièvement blessée à la tête, a dû subir plusieurs opérations chirurgicales. Poursuivis pour blessures involontaires, l’adjoint au maire en charge des affaires culturelles et la commune ont été déclarés coupables de ce délit et condamnés à réparer le préjudice des parties civiles.
Par son arrêt du 28 juin 2016, la chambre criminelle rejette les pourvois formés par les prévenus, qui contestaient l’existence d’une faute caractérisée et la déclaration de culpabilité de la commune. Réunissant ces deux moyens, la Haute cour estime que la cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, caractérisé en tous leurs éléments les infractions dont elle a déclaré les prévenus coupables et a justifié sa décision dès lors que « l'accident [était] survenu à l'occasion d'une activité de loisirs susceptible d'une délégation de service public, mise en oeuvre par la commune au moyen d'un contrat de prestation de service conclu avec une société privée, et pouvant donner lieu à responsabilité pénale de la collectivité territoriale du fait de la faute caractérisée de son représentant en application de l'article 121-2 du code pénal ».
Précisément, les juges du fond avaient relevé que la cause de l’accident résultait de trois facteurs (l’absence d’arrimage de la structure gonflable au sol, son emplacement – sur un sol en pente et à proximité d’un fossé - et l’insuffisance du personnel de surveillance), que l’adjoint, qui disposait d’une délégation du conseil municipal pour organiser la kermesse, s’était rendu sur le site pour assister aux opérations d’installation de la structure, et qu’il avait déclaré avoir estimé que la structure n’avait pas besoin d’être fixée au sol et choisi lui-même l’emplacement malgré les conseils prodigués par ceux qui avaient fourni l’attraction. Ils ont pu valablement en déduire « l’existence d’une faute caractérisée de l’adjoint, engageant sa responsabilité personnelle et celle de la commune pour avoir exposé les enfants utilisateurs du toboggan à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer au regard des préconisations des moniteurs ainsi que de la configuration des lieux ».
On rappellera que la faute caractérisée a été créée par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels et qu’elle fait partie des fautes qualifiées définies par l’alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal, aux côtés de la faute délibérée. Ainsi, selon ce texte, « les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement (= faute délibérée), soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer (= faute caractérisée) ».
Intermédiaire entre la faute simple et la faute délibérée, la faute caractérisée est « une faute dont les éléments sont bien marqués et d'une certaine gravité, ce qui indique que l'imprudence ou la négligence doit présenter une particulière évidence » (TGI La Rochelle, 7 sept. 2000). Elle renvoie à « un comportement présentant un caractère blâmable, inadmissible » (CA Poitiers, 2 févr. 2001), s'analyse « comme un manquement […] à des obligations professionnelles essentielles ou comme l'accumulation d'imprudences ou de négligences successives témoignant d'une impéritie prolongée » (CA Lyon, 28 juin 2001 [affaire du Drac] sur renvoi après Crim. 10 déc. 2002, n° 02-81.415 ; V. également Crim. 10 déc. 2002, 02-81.415).
Crim. 28 juin 2016, n° 15-83.862
Références
■ TGI La Rochelle, 7 sept. 2000, D. 2000. 250, RSC 2001. 159, obs. Mayaud.
■ CA Lyon, 28 juin 2001, RSC 804, obs. Mayaud
■ Crim. 12 déc. 2000, n° 98-83.969 P, D. 2001. 433, et les obs. ; ibid. 556, chron. H. Moutouh ; AJFP 2001. 30 ; ibid. 31, note S. Petit ; RSC 2001. 156, obs. Y. Mayaud ; ibid. 372, obs. B. Bouloc.
■ Crim. 10 déc. 2002, n° 02-81.415 P, RSC 2003. 332, obs. Mayaud.
■ Y. Mayaud, Rép. pén. Dalloz, vo Violences involontaires [1° Théorie générale], n° 242 s.
■ Y. Mayaud, « La loi Fauchon du 10 juillet 2000 après plus de cinq ans d’application… », AJ pénal 2006. 146.
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