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Droit des obligations
Acheteur sous condition : la preuve de sa diligence lui incombe !
Mots-clefs : Civil, Contrat, Promesse de vente, Condition suspensive, Octroi d’un prêt, Preuve, Charge, Objet, Manquement, Réalisation de la condition, Effets, Efficacité de la vente, Responsabilité de l’acheteur, Clause pénale
Le bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt a la charge de prouver qu'il a bien sollicité un crédit conforme aux stipulations contractuelles, sans quoi la condition suspensive doit être réputée accomplie et la clause pénale prévue dans l’acte mise en œuvre au titre de la responsabilité contractuelle de l’acquéreur.
Par acte sous seing privé du 31 mai 2007, deux promettants avaient conclu avec une société une promesse de vente immobilière, la vente par acte authentique étant fixée au plus tard le 31 août 2007.
Dans la promesse figuraient une condition suspensive d'obtention d'un prêt par le bénéficiaire de la promesse d'un montant de 2 097 200 euros remboursable en vingt ans au taux de 4, 50 % l'an et une clause pénale correspondant à 5 % du prix de vente à la charge de l'acquéreur, en cas de manquement à ses obligations.
Par lettre recommandée du 27 août 2007, la société bénéficiaire avait informé le notaire des vendeurs qu'elle n'avait pas obtenu son prêt.
Soutenant que la société n'avait pas respecté ses obligations, les vendeurs l'avaient assignée en paiement du montant de la clause pénale. La cour d’appel accueillit leur demande.
La société bénéficiaire forma un pourvoi en cassation, au soutien duquel elle reprocha à la cour d’appel, qui lui avait imposé de démontrer que la demande de prêt n’était pas conforme aux caractéristiques du crédit sollicité, d’avoir inversé la charge de la preuve et d’avoir, en outre, omis de préciser en quoi la communication à la banque de la promesse jointe à la demande de prêt était insuffisante à rapporter cette preuve et, enfin, d’avoir sans motivation refusé de modérer la clause pénale stipulée dans la promesse.
Son pourvoi est rejeté au motif qu'il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt de prouver qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans l'acte ; or il ressortait des attestations versées aux débats que la demande de prêt ne précisait ni la durée du prêt ni son taux d'intérêt prévu, ce dont il résultait que la société bénéficiaire, à qui il appartenait bien de fournir la copie de la demande de prêt, n'avait pas rempli ses obligations et que la communication à la banque de la promesse de vente ne suffisait effectivement pas à établir que le crédit sollicité était conforme à celui prévu dans l'acte, si bien que la demanderesse devait être condamnée au versement de la clause pénale, dont le refus de modération n’avait pas à être spécialement motivé par les juges du fond.
La Cour rappelle dans la décision rapportée la règle classique selon laquelle il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente conclue sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt de prouver qu'il a sollicité un crédit conforme aux caractéristiques définies dans l'acte, faute de quoi la condition suspensive doit être réputée accomplie par application de l'article 1178 du Code civil. En effet, dans cette hypothèse, l’acheteur a l'obligation de faire en sorte que la condition se réalise, et celle de ne rien faire qui puisse empêcher sa réalisation.
Précisons que l’article 1178 du Code civil est une disposition de droit commun qui s'applique dans toutes les hypothèses, même dans le cas où la promesse relève des dispositions d'ordre public du Code de la consommation, et spécialement de l'article L. 312-16 de ce code, lequel n'empêche nullement son application (Civ. 3e, 4 févr. 1987, n° 85-16.522; Civ. 1re, 19 juin 1990, n° 88-16.196). Ainsi l'acheteur doit-il dans un premier temps demander l'octroi d'un prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse de vente (Civ. 1re, 16 juill. 1992, n° 90-20.332) et dans un second temps, être en mesure de prouver qu'il a bien sollicité un prêt conforme à celles-ci (Civ. 1re, 13 févr. 2001, n° 98-17.881).
La charge de la preuve pèse donc sur l'acheteur et non sur le vendeur, la règle se justifiant pragmatiquement par le fait que c’est l’acheteur qui entreprend les démarches nécessaires à l’obtention du prêt. Ainsi, l'acheteur qui ne fournit que les attestations des banques refusant le prêt, sans joindre les documents ayant accompagné les demandes formulées, ne permet pas de vérifier l'adéquation entre les demandes et les réponses des banques (Civ. 1re, 9 févr. 1999, n° 97-10.195). Aussi la troisième chambre civile avait-elle déjà jugé, comme dans la décision rapportée, que l’acheteur qui ne fournit que des lettres de refus bancaires, sans que celles-ci précisent le taux d'intérêt et la durée du prêt sollicité, manque à la charge de la preuve lui incombant (Civ. 3e, 30 janv. 2008, n° 06-21.117). Lorsque par un tel manquement, l’acheteur fait par sa faute défaillir la condition, elle est réputée accomplie en sorte que les effets de la vente, jusqu'alors suspendus par la condition, se produisent (C. civ., art. 1178; Civ. 3e, 24 juin 1981, n° 80-13.031).
Plusieurs conséquences découlent de l'efficacité de la vente, dont l’engagement de la responsabilité de l’acquéreur, si bien que la clause pénale prévue au contrat produit ses effets, obligeant le bénéficiaire de la promesse au paiement de la pénalité prévue (Civ. 3e, 19 mai 1999, n° 97-14.529).
Civ. 3e, 4 mai 2016, n° 11-11.339
Références
■ Civ. 3e, 4 févr. 1987, n° 85-16.522.
■ Civ. 1re, 19 juin 1990, n° 88-16.196 P, RDI 1990. 518, obs. J. Stoufflet et F. Schaufelberger.
■ Civ.. 1re, 16 juill. 1992, n° 90-20.332.
■ Civ. 1re, 13 févr. 2001, n° 98-17.881 P.
■ Civ. 1re, 9 févr. 1999, n° 97-10.195 P, D. 1999. 59 ; RDI 1999. 274, obs. J.-C. Groslière ; ibid. 292, obs. H. Heugas-Darraspen.
■ Civ. 3e, 30 janv. 2008, n° 06-21.117 P, D. 2008. 545, obs. G. Forest ; ibid. 1224, chron. A.-C. Monge et F. Nési.
■ Civ. 3e, 24 juin 1981, n° 80-13.031 P.
■ Civ. 3e, 19 mai 1999, n° 97-14.529 P, D. 2000. 692, note I. Ardeeff ; RDI 1999. 420, obs. J.-C. Groslière ; ibid. 440, obs. D. Tomasin.
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